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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 03-01-2016 à 18:11:14

Personnage : Guillaume

 

Même après son décès, Guillaume Tremblay demeure le personnage principal de mon roman. Jeune apprenti boulanger, Guillaume arrive en Nouvelle-France suite à des hasards et est assigné au fort des Trois-Rivières, avec le titre de maître boulanger. Craintif de tout, le jeune homme s'incruste dans sa boulangerie où, peu à peu, il donne naissance à un pain si délicieux que les autorités d'autres lieux font un détour afin de le goûter.

Les années passent et Guillaume est un des rares survivants des premiers jours du bourg. Peu à peu, il se montre cynique, surtout à propos des Français qui arrivent. De ce fait, comme beaucoup de gens de Nouvelle-France, Guillaume devient davantage canadien que français.

Un homme de coeur et de principe, parfois fragile, Guillaume désespère de se marier un jour pour assurer sa descendance à la boulangerie, jusqu'à ce que se présente un trésor : Jeanne Aubert. Il aura eu le temps de bercer un premier enfant, François, avant son décès, survenu accidentellement lors d'une partie de pêche.

 

L'EXTRAIT : Guillaume, dix-sept ans, arrive au fort des Trois-Rivières et prépare son premier pain en qualité de maître boulanger.

 

 

 

La maison que Laviolette présente à Guillaume ressemble à une misérable chaumière. En y entrant, l’homme s’excuse des diverses marchandises jonchant le sol. Il y a une couchette, une table et deux chaises, un coffre et quelques tablettes. Le fournil est adjacent, relié à l’habitation par un petit passage. Guillaume approche doucement, la bouche entrouverte, touchant délicatement les instruments de cuisson. Ému de revoir ces objets dont il s’est tant ennuyé, il se retourne vivement vers Laviolette et demande si tout cela est bel et bien pour lui. L’homme lui désigne de la main des poches de farine. Guillaume s’y précipite, l’ouvre et laisse la farine glisser entre ses doigts. Il la sent, la caresse, enivré de renouer avec ces doux plaisirs des sens. Puis, tout en souriant trop, il affirme à son supérieur: «Votre excellence, dites à vos hommes qu’ils auront dans quelques heures le meilleur pain qui soit!»

 

 

Guillaume ne peut attendre, nerveux comme un apprenti. Le four est en train de chauffer et il prépare avec amour la pâte. À l’extérieur, les commis et soldats gambadent devant sa porte et murmurent sans cesse: «Du pain! Nous aurons du vrai pain!» Les heures passent et la cheminée expire sa fumée. De la petite cabane, l’arôme du bon pain parfume chaque recoin du fort des Trois-Rivières. Guillaume s’applique comme jamais il ne l’a fait, retrouvant avec un intense bonheur ces gestes précieux dont le destin l’a tant privé. Il pense à son maître Barthélemy, qui serait si fier de savoir l’accueil qu’on lui a réservé dans ce coin perdu d’une contrée inconnue. Guillaume sait que la cuisson de ce pain symbolise un des gestes les plus importants de sa vie. Si le sieur de Laviolette se montre heureux, Guillaume pourra exercer enfin son métier, rembourser son engagement et s’établir pour longtemps. S’il n’est pas bon, un meilleur boulanger arrivera de France lors de la traversée suivante. Son avenir dépend de ce pain.

 

Quand Guillaume sort de sa mansarde, toute la population du fort attend. Les voyant ainsi réunis, les yeux aussi avides que ceux d’enfants, Guillaume se dit que ce lieu abrite beaucoup moins de personnes que sa seigneurie. Il tend les pains. Les pères jésuites les bénissent, après avoir fait agenouiller leurs fidèles pour rendre grâce à Dieu de leur avoir envoyé un boulanger. Guillaume, rougissant, se voit embarrassé. Aussitôt la cérémonie terminée que les hommes se lancent vers les pains avec empressement, sous le regard indifférent de quelques Algonquins. Le verdict unanime enchante Guillaume. Monsieur de Laviolette, sans formalité, serre Guillaume par les épaules, comme un père récompense son fils d’un exploit admirable.