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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 02-03-2018 à 19:10:53

Extrait : La radio et les Beatles

 

 

 

 

 

Manon se déroule en 2044, dans un foyer pour personnes âgées, précisément garçons et filles de ma génération. Manon, 89 ans et ancienne femme d'affaires, a comme grande amie Sylvie, 90 ans. S'il y a des tares relatives à leur âge avancé. les deux ont beaucoup de vivacité. Au cours de l'été arrive un nouveau pensionnaire, n'ayant plus de mémoire, sauf qu'une brève partie de sa jeunesse survit à la situation : il avait travaillé comme animateur pour une station de radio en 1973 et s'il ne peut s'exprimer, il est capable de chanter dix secondes d'une chanson populaire. Ce phénomène rend Sylvie et Manon nostalgiques de la radio de leur jeunesse. Une conversation suit sur la radio et les Beatles. Au fait, la radio est un élément qui revient souvent dans mes romans. Voici l'extrait.



Jacques saisit ma peluche et sait tout de suite qu’il faut caresser. Pourtant, avec les vrais animaux… Il vaut mieux ne pas me poser cette question. Jacques a l’air content, puis part cinq minutes plus tard, sans remercier. Qu’a-t-il pu faire, après cet emploi à la radio? Chacun sait que les animateurs répondent à des modes, ne durent pas longtemps. Ceci me rappelle que je suis déjà entrée dans une station de radio. Ma mère avait gagné je ne sais trop quoi à un concours et m’avait demandé de me rendre là-bas pour chercher l’objet. Près du comptoir de réception, il y avait un homme qui parlait avec la secrétaire et que j’avais reconnu par sa voix. « Veux-tu visiter le studio? » avait-il demandé. J’avais vu cet endroit sacré, avec tous ces gros boutons noirs, le microphone, les 45 tours partout, les magnétophones géants. Très impressionnant! Je devais avoir quatorze ou quinze ans. Incroyable de me souvenir d’une telle chose, oubliée depuis des décennies. Je vais raconter ça à Sylvie!

        

« La radio, c’était l’ami des pauvres. Une présence pour ma mère dans sa cuisine, puis, pour les jeunes, c’était une discothèque dans notre tête. Chaque soir, on attendait le moment ou telle ou telle chanson se ferait entendre. C’était magique, jusqu’au moment où ils passaient sans cesse les mêmes chansons dans le même ordre, que les animateurs avaient des voix toutes pareilles.        

- Ah oui… Je me souviens de ce moment-là. À Maro, nous avions la radio, pour la clientèle, et il est venu un temps où ça tapait sur les nerfs des employées, tant c’était banal et répétitif. Robert avait acheté un magnétophone à cassettes et les filles pouvaient faire jouer ce qui leur plaisait, à condition que ce ne soit pas trop bruyant pour nos clients. Puis, à la radio, il y avait la publicité des compétiteurs, hein...

- Quand j’étais petite, c’était le règne des Beatles. Quand une chanson des Beatles tournait, on aurait dit que toute la rue célébrait.        

- Ma mère prétendait que c’étaient des pouilleux aux cheveux sales, mais, deux années plus tard, elle chantonnait leurs succès, comme Yesterday.        

- Je l’aimais bien, celle-là, même si ce n’était pas du rock. Attends que je me souvienne des paroles… »

 

Je trouve facilement les mots de cette pièce sur mon ordinateur et nous voilà chantant avec cœur, les larmes aux yeux, bercées par tant de romantisme triste. Je me pense autour d’un feu de camp, alors qu’un beau guitariste chevelu nous entraîne dans le répertoire des Beatles et de toutes ces belles chansons de ma jeunesse. Pourquoi Églantine n’a jamais de succès de ces quatre gars sur les feuilles qu’elle nous distribue pour nous faire chanter dans la cour? Après tout, nous existions avant 1972!        

« J’en connais beaucoup, même si je n’ai pas de 33 tours des Beatles. Mon fils m’a dit qu’ils sont hors de prix, chez les antiquaires. Hey Jude! Tu te rappelles de celle-là, madame Club Sandwiche?        

- Oh oui!        

- C’est facile! On fait Na Na Na Na Hey Jude et on répète tout le temps, jusqu’à étouffement.        

- En en frappant dans les mains.        

- Oui mais, n’oublie pas que les tiennes sont fragiles. »