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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 24-03-2018 à 21:08:09

La série Tremblay

 

Je parle souvent de la série Tremblay. Qu'est-ce que c'est ? En 1993, j'ai écrit un roman intitulé Entre deux enfers, à propos d'un jeune homme, Roméo Tremblay, entre l'incendie de Trois-Rivières, en 1908, et sa participation à la guerre 14-18. J'avais décidé de poursuivre avec un livre concentré sur Jeanne, soeur de Roméo. C'est alors que j'avais décidé de décrire le 20e siècle de la famille de Roméo, qui sera centenaire. Alors, j'avais élaboré les plans et grandes lignes d'autres romans.

En 1997, tout ceci intéresse l'éditeur JCL, me promettant de publier la série entière. Pour nous résumer à six livres, chacun des volumes contiendra deux romans. Au moment où le premier tome a été publié (Printemps 1998), les six livres étaient rédigés, minus quelques ajouts. C'est alors que j'ai décidé d'aller plus loin : remonter l'arbre généaologique jusqu'à la Nouvelle-France.

Ce qu'il y a ci-haut faisait partie d'un courriel de l'été 1998 destiné à l'éditeur, où je lui mentionnais le projet. J'y cite cinq livres, alors qu'en réalité, un roman de plus sera écrit. L'éditeur n'avait pas réagi à cette annonce. Quant à l'idée d'une série pour la jeunesse, elle ne sera jamais mise en chantier.

Les six livres publiés par JCL se concentraient sur le 20e siècle de Roméo : Le Petit Train du bonheur, Perles et chapelet, L'héritage de Jeanne, Contes d'asphalte, Les fleurs de Lyse, Des trésors pour Marie-Lou.

Le second message, ci-bas, date de l'été 1999, alors que je signale à JCL que j'ai commencé la création des livres 'à rebours' avec Le Pain de Guillaume. Les six livres seront terminés en 2004. Seulement deux de ces six romans seront publiés : Ce sera formidable (2009) et Le pain de Guillaume (2016). Les quatre autres sont toujours dans les limbes.

Et ce n'est pas tout! J'ai, à ce jour, ajouté trois autres romans dits parallèles, mettant en vedette un personnage de la série dans un autre contexte. Un seul de ces textes sera publié : Gros-Nez le quêteux.

Bref, il y a quinze romans qui ont été créés, racontant l'arbre généalogique d'une seule famille, mais aussi, en fond de décor, l'histoire de Trois-Rivières, puis du Québec de la Nouvelle-France à l'an 2000.

Je n'ai jamais croisé une série semblable sur le marché et je crois toujours que c'est un accomplissement gigantesque, mais dont personne ne veut. Je continue cependant à y croire et mes recherches pour un éditeur, en dents de scie, passent toujours par les quatre romans de la série se déroulant aux 18e et 19e siècles. La série Tremblay est un des grands accomplissements de ma vie, mais j'aurais tant souhaité une publication entière et une certaine popularité, qui n'est jamais venue. 

Les titres des romans "à rebours" sont : Le pain de Guillaume, Les secrets bien gardés, Madame Antoine, La splendeur des affreux, En attendant Joseph, Ce sera formidable.

Les titres des trois romans parallèles : Gros-Nez le quêteux, Le destin de Jeanne, Le cochon de Bérangère.

 

 

L'extrait : le début du Pain de Guillaume, alors que le jeune Guilaume, de l'île de France, s'embarque vers le Nouveau-Monde.

 

 

 

 

         Guillaume Tremblay sent son estomac se contracter et les membres de son corps fondre. Il s’écroule et vomit, avant de s’évanouir en un râle mortuaire, sans avoir eu le temps de remercier Dieu pour ses seize années de vie. Un mousse, de mauvaise humeur, nettoie le dégât tout en insultant le corps inerte de Guillaume. Il le ranime en passant sur son visage le chiffon imbibé de ses vomissures.

         Guillaume se demande où il se trouve, avant de se rendre compte que son cauchemar, entrepris il y a déjà six semaines, se poursuit sans cesse au rythme étourdissant des vagues frappant le vaisseau. Il tangue, ses voiles claquent, le soleil impitoyable frappe le pont. Des marins entourent le mousse et s’amusent autant que lui de la faiblesse de ce peureux. D’ailleurs, depuis le départ, l’équipage n’a pas hésité longtemps avant de l’affubler du sobriquet «dit le Poltron», comme une particule de noblesse au bout de son nom de Tremblay, qui déjà, à lui seul, évoque le tremblement d’un homme sans courage.

         Un lieutenant de bord disperse les matelots en les qualifiant de fainéants. Du bout de sa chaussure, il pique les côtes de Guillaume, qui réclame à voix éteinte la présence d’un prêtre et d’un chirurgien. L’homme empoigne Guillaume par le cou et lui maugrée son mépris dans un patois qu’il n’arrive pas à comprendre. Il le lève du sol et le pousse vers un mat, où le jeune homme s’accroche en implorant la miséricorde du Tout-Puissant. Le lieutenant le fait fuir en approchant d’un pas très décidé.

         Guillaume rejoint sa couche, dans la Sainte-barbe, où il se cogne contre tout. L’odeur d’urine et de vomissure lui donne un haut de cœur, alors qu’il pose sa tête sur son traversin humecté d’eau salée et des sueurs de son propre désespoir. Il voit des poux jouer à saute-mouton à quelques pas de ses yeux, se redresse aussitôt et se frappe le crâne contre le bois de la couchette supérieure. Deux hommes entrent en riant fort des histoires drôles qu’ils se racontent. Ils louchent méchamment vers Guillaume, comme s’il était un intrus morose dans leur joie. Ils sont fatigués des plaintes de ce jeune homme, de ses hurlements nocturnes, de ses prières incessantes et de la peur de ce gaillard pourtant costaud, alors que la plupart d’entre eux paraissent plus petits et moins musclés. Sentant leur mépris, Guillaume fait semblant que tout va bien. Tout ceci devient tellement embarrassant! Même les rares femmes de la traversée rient en douce de sa faiblesse, lui dont le physique pourrait attirer leur chaste admiration.

         En retournant sur le pont, Guillaume est accueilli par les sifflements moqueurs de deux mousses : «Guillaume Tremblay, dit le Poltron! Guillaume Tremblay, dit le Poltron!» Le jeune homme ignore leurs railleries. Après avoir avalé sa salive, il approche du rebord du navire pour regarder courageusement droit devant lui. L’horizon est le même, sans cesse pareil depuis toutes ces semaines. Parfois, la mer s’immobilise et le Saint-Jacques y semble cloué. Il n’y a pas longtemps, le navire était demeuré sur place pendant trois jours, alors que les voiles refusaient de bouger et que le soleil accablait tout le monde. Les matelots communiquaient facilement à voix normale avec leurs confrères des trois autres vaisseaux de la traversée, comme s’ils ne formaient qu’un seul bâtiment. Guillaume se souvient surtout que la mer s’était déchaînée après cette accalmie insupportable. Les vents diaboliques avaient éloigné les quatre navires l’un de l’autre et les vagues pénétraient facilement jusqu’à sa couchette. Chacun n’a pu oublier ces tourments, accentués par les cris insupportables du poltron.