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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 29-03-2018 à 22:26:44

Extrait : Rachel veut du lait

 

 

Le champion pour le plus long titre de mes romans : Les enfants, Rachel et Jackie Robinson : un été 1946 inoubliable à Montréal. Au cours de l'automne 1945, Branch Rickey, des Dodgers de Brooklyn, brise la barrière reaciste du baseball en faisant signer un contrat à un jeune Noir du nom de Jackie Robinson. Comme initiation et période d'apprentissage, Robinson est assigné à la principale filiale des Dodgers : Les Royaux de Montréal.

L'athlète et sa jeune épouse Rachel, enceinte, s'installent dans un quartier résidentiel de Montréal, où ils sont les seuls Noirs, les seuls protestants et les seuls Anglophones. Les gens du quartier sont fiers de savoir que le couple habite dans leur environnement. Deux enfants mettent tout en oeuvre pour devenir amis des Robinson. Marie et Paul sont mariés et parents d'une poupée du nom d'Irène. Paul croit que les Robinson parlent français, à cause des noms Jackie (Jacques) et Rachel, et le Robinson prononcé comme dans Robinson Crusoé.

Jackie est méfiant, mais pas Rachel, davantage sociable, qui, s'ennuyant pendant les absences de son époux, ouvre sa porte à Paul, Marie et Irène. Ils ne peuvent se comprendre par le langage, mais y arrivent tout de même. En qualité d'auteur, je devais garder les paroles en Anglais, mais faire en sorte que le lectorat ne connaissant pas cette langue réagissent un peu de la même manière que Rachel et les enfants. Un cas particulier : Rachel désire qu'ils se rendent lui acheter une bouteille de lait, mais le résultat de la course la surprendra beaucoup.

Rachel devine rapidement le désir de Marie : jouer à la poupée. La maman d’Irène aurait préféré que la dame examine la dentition naissante de la pauvre enfant. La fillette tente de lui faire comprendre, mais Paul lui souffle à l’oreille : « C’est parce qu’elle n’a pas sa robe d’infirmière. » Bonne raison ! Rachel trouve charmant de voir le garçon prendre la poupée avec la plus immense délicatesse, la bercer un peu, avant de la remettre précieusement à Marie.

« Paul, Mary, I need some milk. Can you get me a bottle ?

- Elle casse vraiment mal le français, hein…

- Milk, bottle. Milk ! Meuh ! Meuh ! Meuh !

- Meuh meuh ?

- Yes ! Meuh ! Meuh ! A bottle of milk. Meuh ! Wait, I’ll give you money. »

 

Pendant que Rachel se presse vers son porte-monnaie, Marie et Paul se demandent pourquoi la femme veut jouer à la vache. Quand Rachel tend un dollar, le garçon comprend tout de suite que la jeune épouse désire une vache. Alors, le couple part tout de suite pour cette course étrange.

« Pourquoi veut-elle une vache ?

- Sans doute un jouet pour son futur bébé. 

- Mais oui ! T’as cent fois raison ! Comme tu es intelligente !

- Je vais rougir, mon bel amour.

- Allons au 5-10-15. Ils doivent avoir des petites vaches en peluche. »

Les amoureux courent vers le modeste commerce, jusqu’à ce qu’Irène se mette à pleurer. « Ah ! ces enfants ! » de soupirer Paul en berçant le bébé, alors que Marie chante une berceuse. Irène suce son pouce, pendant que ses parents marchent plus calmement vers le lieu de toutes les merveilles à bas prix. Dans un champ cloisonné, Marie et Paul voient des chiens, des chats, des chevaux, des oursons, des singes et une vache, une seule.        Quelle grande chance!

« Moi, je lui aurais acheté autre chose qu’une vache, à ce bébé. Il me semble qu’un toutou, pour un bébé neuf, c’est plus délicat.

- Peut-être que Jacques et Rachel ont été élevés à la campagne et qu’une vache, y a rien de mieux.

- T’as encore raison.

- Ne perdons pas de temps, Paul, sinon Rachel ne nous donnera plus de commissions à faire. »

Quand Marie tend le sac, Rachel fronce les sourcils. En voyant le petit animal de peluche, elle ne peut s’empêcher de sourire généreusement. Paul remet la monnaie et rappelle qu’il est disponible pour lui rendre tous les services désirés. « Mon père est le meilleur cordonnier du coin. Si Jacques a besoin de souliers, il… » Marie donne un coup de coude à son époux, trouvant superflu cet ajout publicitaire.

« T’as vu ? Elle était très contente parce qu’on a fait la commission comme il faut.

- Elle a vraiment de très belles dents blanches.

- J’espère qu’elle dira à son bébé que c’est nous qui avons été chercher sa vache. Au fait, quand donc sera livré ce bébé ?

- Pour les grandes personnes, c’est toujours plus long. Une de mes tantes, par exemple, a attendu des mois et des mois. À bout de patience, elle mangeait tout le temps et s’est mise à grossir. Après la livraison du bébé, elle a vite perdu tout ce poids. Peut-être que pour les négresses, c’est différent. Je ne peux pas répondre à ta question, cher Paul.

- On verra plus tard. Quelle belle journée ! Ça fait du bien, rendre service ! Bon ! Maintenant, allons nous aimer !

- Où ?

- Au parc, ça t’irait ?

- Dans les balançoires ! Dans les balançoires ! »