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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 06-07-2018 à 01:39:02

Èmerentienne et le pauvre Richard

 

 

Mes personnages féminins ont parfois des défauts, mais rien de trop grave, sauf dans le cas d'Émerentienne Tremblay, que j'ai voulue détestable et effroyable. Cette femme du milieu du 19e siècle est avaricieuse, xénophobe, mais avant tout incroyablement autoritaire et sévère. Elle contrôle tous ses enfants, ne tient pas compte de leurs goûts ou aptitudes, puis se montre sans merci envers son époux Isidore, sauf dans le cas de l'obsession de la femme : qu'un de ses enfants soit baptisé Joseph. Alors Isidore devient à son tour impitoyable et refuse avec violence.

Lors de la venue d'un second enfant, il devait être baptisé Joseph, mais Isidore a raconté au curé que l'épouse avait changé d'idée et que son nouveau choix sera Richard.

Il n'en fallait pas plus pour qu'Émerentienne ait pour ce fils un immense mépris. Notez que dans chaque famille imposante, il y avait un vilain petit canard, un mal-aimé. Ce sera Richard. Émerentienne ne dit jamais son prénom. Elle le désigne comme "Mon second fils" ou, tout simplement, "Lui".

Désireuse de lui donner le sens des responsabllités et un rôle dans la famille, Émerentienne décide que seul Richard videra les pots de chambre. De plus, elle le dirige vers des hôtels, des lieux publics ou privés, pour la même tâche. En premier lieu, Richard est content de ce rôle. Mais l'histoire sera différente quand il atteindra l'adolescence et que les filles le surnomment "Petite crotte." Si certains des enfants Tremblay se rebellent contre l'autorité de leur mère, ce n'est pas le cas de l'éternelle victime Richard. Sa mère, dès l'enfance, avait l'habitude de le frapper derrière la nuque et, à l'adolescence, elle le fait avec tant de force que des vertèbres du cou de garçon cassent et il ne guérira jamais tout à fait.

Voici un extrait de ce roman En attendant Joseph, où Émerentienne dirige les premiers pas de son 'second fils' dans la merde et le pipi.

 

 

 

Il serait temps que cet abruti me serve à quelque chose, mais je ne sais qu’en faire. Ce garçon est si idiot qu’il provoquera une catastrophe et tout le monde pensera que je suis une mauvaise mère n’ayant pas d’autorité sur lui. Je me sens tellement fatiguée de le voir dans la maison! Quand je le jette dans la cour, il m’exaspère parce qu’il ne fait rien. Parfois, je crois que Dieu m’a punie en me donnant un enfant sans cervelle. Notre cochon semble avoir plus d’intelligence.  Tiens! Je crois que je vais lui apprendre à jeter les pots de chambre et à les nettoyer. Avec l’arrivée du nouveau bébé, je n’ai pas de temps à consacrer à ces détails et Louis est trop délicat pour cette tâche.

 

" Eh, toi! Ici!" J’admets qu’il obéit immédiatement, comme un bon chien. Le voilà avec son air penaud. Je lui fais savoir qu’il a maintenant une responsabilité familiale.

Il demeure cloué au sol, alors que tout autre enfant aurait déjà couru vers le pot. Je le pousse avant de lui expliquer une dernière fois : Le pipi à la rue et l’ouvrage plus solide au cochon. Il se redresse encore, avec son air insolent. Ce n’est pourtant pas compliqué! Je soupire, réalisant que ce n’est pas de sa faute s’il a les mêmes traits de caractère de son père. Je pointe le pot du doigt et il ne comprend même pas. Quand je lève le ton pour la peine, il prend l’objet. Nous traversons la maison et je lui répète plusieurs fois de faire attention pour ne pas trébucher. Nous voilà sur le bord de la rue. Je prends dix minutes pour lui expliquer comment déverser le pot dans la rigole. Ensuite, je lui montre la façon de le nettoyer, avant de le remettre à la bonne place dans la chambre. Je le fais recommencer avec un pot plein d’eau. Je passe l’avant-midi complet en répétitions. Je ne peux croire que ma journée sera consacrée à une tâche pourtant si simple! J’ai même le temps d’utiliser un pot moi-même. Voilà une bonne occasion pour vérifier s’il se souvient que je lui ai recommandé de se montrer prudent. Je jette mon balai sur sa trajectoire et cet imbécile trébuche et renverse tout. Me voilà obligée de le sermonner et de le battre pour lui rappeler que je lui ai dit tant de fois de se montrer prudent. Je suis fatiguée! Je préfère attendre au lendemain pour passer à l’étape suivante.

 

 

Richard n'arrivera jamais à se défaire de l'autorité de sa mère, de son surnom Petit Crotte et des moqueries dont il sera l'objet pendant longtemps. Ceci survivra même après le décès d'Émerentienne. Bien sûr, il n'arrivera jamais à se marier. Richard, dans le roman suivant, Ce sera formidable, devient le bâton de vieillesse de son père Isidore et fait preuve de bon coeur envers l'homme, ainsi qu'avec son petit frère Joseph. Dans Le Petit Train, Richard apparaît brièvement comme vieillard. Il mourra anonymement.

 

 

Commentaires

Marioromans le 07-07-2018 à 18:15:06
Ah mais oui, je suis intéressant !
blogueuse42 le 07-07-2018 à 16:01:09
bonjour Mario

je vois qu'anaflore a fait le même rapprochement que moi en lisant cet article!!!

il faudra que je te lise un de ses jours car tu me parais interessant...

Bon week end

bisous

annie
Marioromans le 06-07-2018 à 16:58:15
Bonne expression ! Merci.
anaflore le 06-07-2018 à 10:36:24
c'est du vipére au poing

bonne journée