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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 24-07-2018 à 07:28:53

Quatre générations d'ennemis

 

 

Cela avait débuté dans Tremblay et Fils (et Petit Train), alors que Roméo et son frère Adrien se butent à une famille de garçons insupportables d'une famille Trottier. Tous les p'tits gars ont des ennemis naturels, non ? L'idée était cependant amusante et quand j'ai décidé d'ajouter des romans se déroulant dans le passé de la famille Tremblay, je n'ai pas oublié les Trottier.

La première manifestation se déroule au cours des années 1820 dans La splendeur des affreux, alors qu'Étienne et sa Jenny sont en promenade et que la femme ressent des douleurs annonçant un accouchement. Le couple est loin de la ville et Étienne cogne à la porte d'une maison de ferme pour recevoir de l'aide, que les occupants refusent, leur permettant, cependant de s'installer dans la grange. C'est dans ce lieu qu'est né Isidore. Il va de soi que les vilains étaient les Trottier. Jenny gardera une haine certaine de ces gens.

Dans En attendant Joseph (milieu du 19e siècle), Isidore a du mal avec François Trottier, de son âge, jusqu'aux jours adultes, où les deux hommes s'engueulent et se battent en public.

Prochaine étape : Nazaire Trottier, fils de François, a comme ennemi Joseph Tremblay, dernier fils d'Isidore. Même adultes, les deux hommes ne s'aiment guère. Fin du 19e siècle et dans Ce sera formidable.

Nazaire devient père d'une famille ne comptant que des garçons, dont l'épouvantable morveux Jacques, cauchemar de Roméo et d'Adrien, fils de Joseph. Cependant, ce Jacques accompagnera Roméo à la guerre 14-18.

Fin des conflits. Cependant, dans Les Fleurs de Lyse, au cours des années 1970, Roméo rencontre Jacques, octogénaire, et vivant misérablement dans un foyer pour vieillards.

 

L'extrait, de Ce sera formidable. Après tant d'efforts, Joseph ouvre enfin son commerce, un magasin général de quartier. Le premier client à ouvrir sa porte ? Nazaire Trottier.

 

 

J’ai songé à une grande inauguration, avec le maire et le député installés devant un ruban rouge, prêts à couper et à être applaudis, mais ce serait gênant d’organiser une telle cérémonie avec mes étagères à moitié vides. Je garde cette première pompeuse pour mes rêves et, simplement, un mardi matin, apparaît dans ma porte l’écriteau « Ouvert ». Les gens du quartier attendaient ce moment avec impatience, car plusieurs venaient gentiment fouiner, question de s’informer, de suggérer des produits.

 

 

 « Pas mauvais, ton petit commerce, Joseph.

- Merci, Nazaire. T’es le premier à y entrer officiellement.

- Et je ne viens pas pour flâner! Je veux t’encourager! J’ai besoin d’une livre de clous d’un pouce. Tu en as?

- Le grand magasin moderne Jos Tremblay offre tous les clous inimaginables, de la plus haute gamme de qualité. Ça me fait plaisir de te servir.

- Ennemis de jeunesse, mais amis devenus adultes.

- Ah, les petites batailles de garçons! Il faut en rire aujourd’hui. »

 

 

Je me sens curieusement fier de tendre le sac à cette fripouille de Trottier. Comme premier client, j’aurais préféré quelqu’un de plus intelligent, mais il a raison : oublions les guerres de jadis. Seul son argent m’intéresse.

 

 

 « Tu mets ça sur mon compte, Jos?

- Ton quoi?

- Ben oui. Ouvre-moi un compte.

- Pas de crédit! C’est un magasin moderne, ici! Chacun paie et s’éloigne avec la marchandise.

- C’est ainsi que tu traites tes amis d’enfance? Tu sauras, Joseph Tremblay, que les Canadiens français doivent apprendre à s’entraider pour demeurer forts.

- Paie ou redonne-moi mes clous.

- Je vais aller acheter ailleurs!

- Ailleurs aura fait faillite cent fois en te permettant le crédit! Pendant ce temps-là, j’aurai acheté Fortin et tous les autres commerces des Trois-Rivières!

- Tu ne penses qu’à l’argent! T’es grippe-sou comme ta mère! Je le sais, car mon père m’en a parlé! »

 

 

Je ne pensais pas débuter ma carrière de commerçant avec une chicane, même si Marguerite prétend que je me suis comporté comme un vaurien. J’aime mieux être un vaurien qu’un mou en accordant le crédit à un rat! Surtout à un rat qui a cogné vraiment fort! De quoi vais-je avoir l’air avec mon bandeau de pelures de patates sur l’œil droit, quand entreront les vrais clients?

 

Commentaires

Marioromans le 24-07-2018 à 10:18:36
Oui, sauf qu'à l'époqie du roman, le crédit était monnaie courante, dans les commerces.
anaflore le 24-07-2018 à 09:32:19
Pour garder les amis la maison ne fait pas crédit !

Bon mardi