Le véritable titre de ce roman est Cheveux longs et cheveux gris. Les fleurs de Lyse était le titre de la seconde partie du volume. Aucune trace d'un personnage de ce prénom dans les 300 premières pages. Il s'agit d'une version d'un court roman que j'avais créé en 1990.
Les deux textes formant l'ensemble sont caricaturaux et se concentrent sur la jeunesse des années 1960 et 1970. Dans ce dernier cas : des macramés, que l'on appelle baba-cools en France.
L'histoire se concentre dans un café étudiant un peu bohème, constitué de bric à brac, dans le local jadis connu sous le nom de Petit Train, dans la série Tremblay. Les propriétaires en sont Clément Tremblay, jeune homme d'affaires sérieux, et son adjoint, Dur, un colosse ancien joueur de football. Le lieu porte le nom de La Pitoune. Il s'agit des billots de bois coupés par des bûcherons et qui flottaient sur la rivière Saint-Maurice, près de Trois-Rivières.
Une bande d'hurluberlus s'incruste à la Pitoune. Popeye Castonguay, pusher du lieu, et son chat Acide. Jean-Michel Michel, dramaturge amateur. Nelligan Veillette, poète raté et playboy. Sylvie, petite-fille de la peintre Jeanne Tremblay, gentiment irresponsable et qui fera partie d'un groupe musical folklorique du nom de Ah Ben Coudon. Enfin, Loulou, petite amie de Clément et rockeuse de son état.
Le personnage donnant son nom au roman est Lyse L'Anglais, cuisinière de la Pitoune, se spécialisant dans les recettes des ancêtres. Lyse est féministe, têtue, excitée, gueularde et ne vit que pour l'indépendance du Québec. Elle adore les fleurs et tout ce qui est profondément québécois, dont le langage joual, qu'elle est pourtant incapable de parler. Son activité favorite : tenir tête à Clément. Il va de soi que Lyse demeure dans une commune hip.
L'extrait : Lyse invite Clément à visiter sa commune.
Clément garde un long silence, puis se demande pourquoi il accepte une si étrange invitation. Peut-être parce qu’il se sent heureux d’avoir triomphé de sa têtue. Lyse prend place dans l’auto et hurle d’effroi quand Clément met la radio et qu’une chanson en anglais se fait entendre. À la place, elle se met à chanter Mon pays, de Gilles Vigneault. Il a le goût de fredonner un air de Jimi Hendrix, mais change d’idée. Ce serait maladroit de gâcher cette journée où Lyse semble dans des dispositions amicales.
Les sept jeunes qui habitent avec Lyse, dans cette maison de campagne de Pointe-du-Lac, ont tous en commun le désir de retrouver leurs racines ancestrales et, conséquemment, ils sèment à la main et labourent avec une charrue attelée à un cheval. « C’est plus écologique », d’expliquer Lyse. Elle présente Robert, agriculteur et propriétaire de la maison, qui porte une barbe lui chatouillant presque le nombril. Il est assisté dans son labour par Colombe Oiseau, poète naturaliste. Voici Paul, drop-out professionnel, qui revient d’une expérience mystique aux Indes, entreprise en 1967 après avoir entendu le disque Sgt. Peppers des Beatles. Line Rolando est artisane, spécialiste en pots de terre. Elle s’occupe du jardin de Lyse en compagnie de Marc-André Ouellet – surnommé Mao, d’après ses initiales – syndicaliste militant, actuellement en chômage. Juliane Brouillette cultive les enfants : cinq à ce jour, tous de pères différents. Le tableau est complété par Binta, femme-noire-africaine-battue-obèse-handicapée-féministe-lesbienne-assistée-sociale-et-mère-célibataire. Elle fait aussi du ballet jazz. La maison ressemble à la Pitoune, avec ses fleurs, ses drapeaux québécois et ses photos géantes de René Lévesque et de Félix Leclerc. Lyse vient de cuisiner des grands-pères dans le sirop, un délice du terroir qu’elle offre amicalement à Clément en s’assoyant sur un vieux sofa fleuri et éventré qui trône sur le perron, près d'une glacière antique.
« Clément Tremblay, j’dois t’parler sérieusement.
- Je t’écoute.
- As-tu ta carte ?
- Ma carte ?
- De membre du Parti québécois. Es-tu abonné au journal Le Jour ?
- Je suis apolitique.
- Faux, Clément Tremblay ! Seuls les lâches se disent apolitiques. »
Elle bondit comme une puce sur un dos de chien, gesticule et vocifère, s’arrête soudainement pour demander, sur un ton horrifié, si par hasard il ne serait pas du côté de Bourassa, le persécuteur et traître. Clément hésite longuement avant de répondre, sachant qu’un oui ou un non ferait basculer Lyse dans un autre discours interminable. Le regard de feu de la cuisinière réclame un aveu.
« Non, mais je ne le trouve pas si persécuteur. Son projet hydroélectrique de la baie James, c’est très bien.
- Et les forêts ? Et les rivières ? Et les Indiens ?
- Comment, les Indiens ? »
Elle rebondit et recommence ses sermons, avec une telle véhémence que bientôt la moitié de ses compagnes et compagnons approchent pour convaincre Clément du bien-fondé de la cause indépendantiste. Exaspéré, Clément vient près de clamer haut et fort son respect pour le Canada, mais il craint que cette gaffe entraîne la démission de Lyse et ferait ainsi baisser son chiffre d’affaires. Se sentant coincé, Clément accepte d’assister à une séance publique des membres du Parti québécois.
Deux anecdotes : Marc-André Ouellette était le nom d'une connaissance de mon adolescence et ses initiales sont devenues son surnom : Mao
Juliane Brouillette est le nom d'une fidèle lectrice de Québec et je lui avais promis que je le citerais dans un de mes romans. Ceci est arrivé à quelques occasions.