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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 28-10-2018 à 06:25:59

Bilan : Le petit train du bonheur

 

 

De tous mes romans publiés, celui-ci est celui que j'aime le moins. Je ne l'affirme pas avec le recul, car même l'année de sa mise en marché, en 1998, ce récit me faisait pousser des boutons. Je dois préciser qu'à ce moment, j'achevais d'écrire la série Tremblay et que, chemin faisant, j'avais pris des initiatives davantage créatrices et originales que ces deux textes rédigés en 1992. De plus, j'ai déjà expliqué mon allergie à ce titre qui m'a été imposé par l'éditeur.

Le roman d'époque porte le nom de 'roman historique'. Je n'ai jamais compris pourquoi. Quoi qu'il en soit, tel qu'il est, ce texte est plein d'erreurs socio-historiques. De plus, j'avais eu la mauvaise idée de parsemer l'ensemble de mots vieillots, sans doser, ce qui devenait agaçant.

L'éditeur Jean-Claude Larouche avait décidé de présenter deux romans dans chaque livre. J'étais d'accord avec lui. Dans le cas présent, je reprenais le texte de Tremblay & Fils, avec deux chapitres nouveaux et beaucoup de corrections. Ça peut aller, mais quand on arrive dans la seconde partie, il y a une nette baisse de qualité, s'expliquant par le fait que deux éditeurs étaient passés par ce texte, dont le premier m'avait fait enlever une soixantaine de pages, si bien qu'il y a des passages inégaux relativement à ce qui se déroule vingt pages plus loin.

Il va de soi que depuis, j'ai apporté des modifications : corriger les erreurs, enlever le vocabulaire ancien, puis écrit une troisième partie, se concentrant sur un aspect féminin, absent des deux premières sections. Le roman ayant été huit années sur le marché, j'en ai vendu un certain nombre et à chaque fin d'impression, je demandais à monsieur Larouche de considérer mes améliorations, ce qu'il refusait toujours.

En 2017, les Éditeurs Réunis, ayant récupéré le catalogue de Jean-Claude Larouche, me font signe pour rééditer Petit Train en format poche. J'accepte à condition qu'ils impriment le roman amélioré. Ils n'ont pas voulu, disant que le modèle 1998 était bien. Alors, j'ai refusé.

 

 

 

 

Ceci est la version européenne du roman. Monsieur Larouche avait pris une entente avec cette maison française pour 'échanger' des romans. Les Parisiens ont accepté celui-ci, puis Perles et chapelet, et c'est tout. Ils en ont vendu autour de 6000 copies chaque, ce qui, au Québec, m'aurait permis de me classer parmi les best-sellers. Cependant, pour la France et l'Europe francophone, c'étaient deux échecs. Je me souviens de cette jeune romancière française qui avait traversé l'Atlantique pour participer à des salons du livre du Québec. Elle avait trouvé tout ça beaucoup plus difficile qu'en France.

 

 

 

L'extrait. Je l'aime bien. En juin 1908, près de la moitié de la ville de Trois-Rivières disparaît dans un incendie. Le piège aurait été d'expliquer comment, de décrire ce qui se passait. La réaction de la famille Tremblay était davantage réaliste : ils avaient peur, ne savaient pas précisément ce qui arrivait et s'étaient refugiés au loin, sur les berges de la rivière Saint-Maurice.

 

 

 

Nous n’entendons rien, sinon le murmure des gens agenouillés, récitant frénétiquement leurs prières. Parfois, un sanglot étouffé de petite fille surgit pour nous effrayer. Ma mère nous retient par les épaules et ses lèvres répètent le même Je vous salue, Marie, pendant que Louise opte pour une infinité de Notre Père. Mon regard se porte vers l’eau claire de la rivière Saint-Maurice, coulant doucement avant de se jeter dans le grand fleuve Saint-Laurent. Toute cette paisible eau chantante, alors que l’horizon se déchire en murs de fumée : Trois-Rivières brûle en ce lundi 22 juin 1908.         

Adrien veut s’échapper, désirant prouver qu’il est un homme en partant au secours des amis, des voisins, des connaissances et des inconnus. Cependant, à quinze ans, le voilà condamné aux berges du Saint-Maurice avec le reste de ma famille. Pauvre Adrien, prisonnier des femmes et des enfants, alors qu’il demeure impuissant devant cette opportunité de montrer sa valeur. Les hommes, les vrais de vrais, travaillent à aider la population de Trois-Rivières. Notre père Joseph nous a ordonné de ne pas quitter ce lieu sécuritaire.

« Allez, les enfants ! Agenouillez-vous pour prier encore le bon Dieu ! » ordonne Louise. Mes lèvres remuent en mimant une prière, mais je regarde surtout l’eau de la rivière, toute cette eau qui pourrait éteindre le feu qui tue ma ville. Soudain, Jeanne m’offre un clin d’œil plein d’espoir et me demande candidement si l’école des filles va brûler. Un petit rire d’innocence et d’insouciance au cœur de ces instants effrayants.

 

Non loin de nous, une femme tombe à genoux, les bras en croix en hurlant « Ma maison ! Ma maison ! » De notre position, nous voyons les flammes surgir du ciel de l’ouest et du centre de la ville. Mon foyer natal crépite sans doute comme une bûche dans un poêle… Je pense soudainement à la scène de maman quand, il y a près d’une année, papa nous avait annoncé ce déménagement près de la gare, loin du quartier Saint-Philippe. Comme nous tous, elle avait pensé à ce qui serait maintenant éloigné : le Petit Carré, l’église, le parc Champlain, le marché, les écoles, la terrasse Turcotte et sa belle vue sur le fleuve, les grands magasins de la rue Notre-Dame. Papa prophétisait que l’avenir de Trois-Rivières serait vers le nord. Les flammes ne semblent pas toucher notre nouveau lieu de résidence…

 

 

Commentaires

MarioMusique le 29-10-2018 à 18:23:05
Un peu plus tard, une femme de la ville a situé son histoire au moment de l'incendie, sauf qu'elle le décrit exactement comme les journalistes du temps et les historien du futur l'ont perçu. Ça ne va pas du tout.


Il n'y a que mon dernier éditeur qui n'a pas fait de vagues avec le contenu des textes. Mais les cas suivants ne sont pas aussi pires que celui-ci.
chocoreve le 29-10-2018 à 13:26:14
On ne fait vraiment pas ce que l'on veut dans ce domaine !


Quand on ignore l’histoire et que l’on prend le texte en son début, on pense que les personnes se trouvent à des obsèques … des sanglots, des prières et malgré tout un regard qui se porte vers l’eau claire, une eau paisible et chantante …