La réunion de deux romans en un seul volume nous porte à 543 pages, le plus volumineux de mes livres publiés et même parmi ceux qui n'ont pas été commercialisés. Je me sens toujours content de ce livre, parce qu'il est le premier à sortir de la norme sans surprise jusqu'alors présente dans la série Tremblay. En vedette : les deux soeurs Jeanne et Louise, le jour et la nuit, qui ne s'apprécient guère. Aussi : deux époques contradictoires, avec la folie des années 20 et l'austérité de la grande dépression de la décennie 1930.
À cette image, la partie Jeanne est pleine de dynamisme, d'inversions, de points d'exclamations, de phrases longues et saccadées, rythmées comme la vie de Jeanne et comme le bébé jazz. Dans la partie Louise, je fais place à une approche davantage conservatrice, comme le personnage et sa situation.
Dans les deux parties, pour séparer les chapitres, je fais d'abord appel à des interventions de personnages de décor, qui nous racontent surtout que Jeanne est une incroyable menteuse. Pour la seconde partie : de véritables extraits du journal Le Nouvelliste, relatifs à la crise et au projet de colonisation de l'Abitibi et du Témiscamingue par les chômeurs. De fait, ces extraits du journal ont formé le squelette de mon histoire.
Perles et chapelet a été apprécié par le public et j'ai aussi eu droit à une formidable critique dans une revue littéraire et, dans les deux cas, le personnage à rebrousse-poil de Jeanne a été applaudi. Depuis, il y eu des retouches, question d'améliorer le texte. Publié ou non, un roman n'est jamais terminé.
La copie européenne du roman. Je crois que la page couverture est réussie et attrayante. De nouveau, malgré 6000 copies vendues, ce fut pour ces gens un échec. Je n'ai jamais eu de relations avec cette maison d'éditions, bien que j'ai tenté de le faire. J'ai aussi apprécié qu'on cite "Au bout de leurs rêves", le titre d'origine du livre. Cependant, j'ai bien accepté la suggestion Perles et chapelet de l'éditeur.
L'extrait. Il débute avec une citation du journal local, marquant la fin d'un chapitre et le début d'un autre. Le nom de Brouillette n'est pas choisi au hasard. Il y avait bel et bien un homme de ce nom, chômeur de Trois-Rivières, se laissant tenter par l'aventure de la colonisation d'un lieu du nom de Montbeillard. Louise se sent certes contente pour cet homme et sa famille.
Le mouvement de retour à la terre prendrait-il enfin corps? On prétend que le Conseil adopterait une politique finale à ce sujet à la séance de ce soir. Le gouvernement accepte de choisir une centaine de familles aux Trois-Rivières pour les placer immédiatement sur les riches terres du Témiscamingue, selon les informations que nous recevons de monsieur l’abbé E. Moreau, missionnaire colonisateur pour cette région. Ce dernier sera à l’hôtel de ville demain matin à neuf heures pour commencer le choix des familles, si le Conseil accepte de participer au mouvement.
Le Nouvelliste, 19 septembre 1932.
Napoléon Brouillette est un chômeur parmi tant d’autres. Louise le connaît bien car, jadis, il venait chercher ses cigarettes au Petit Train et il en profitait pour toujours acheter des sucreries à ses enfants. Depuis le début de la crise, mademoiselle ne l’a jamais revu. Puis, un mardi soir, il arrive avec sa femme et ses petits. Cette clientèle surprise fait sursauter Louise, Joseph et Honoré. Napoléon commande à Louise du cola pour tous ses enfants, du café pour lui-même et un thé pour son épouse.
« Mademoiselle Tremblay, je viens dire adieu au quartier Notre-Dame et la plus belle façon de le faire est d’offrir ce festin à ma pauvre famille qui n’a pas eu de gâteries depuis trop longtemps.
- Un adieu? Où allez-vous donc, monsieur Brouillette?
- À Montbeillard au Témiscamingue, mademoiselle.
- Oh! vous êtes donc du groupe?
- Oui, mademoiselle. Je pars avec mon aîné, puis ma femme et les enfants vont venir nous rejoindre plus tard, quand on aura défriché une partie de mon lot et qu’on aura bâti notre camp. En attendant, le gouvernement fournit les pitons à mon épouse. Je suis arrivé à Trois-Rivières en 1910 par le train et je suis venu tout de suite me désaltérer à votre restaurant. Aujourd’hui, je viens faire la même chose, mais dans le sens contraire. »
Depuis le début de l’automne, les Trifluviens ne parlent que de cet événement. Le gouvernement de Bennett veut développer des régions et offre aux chômeurs urbains des terrains à des conditions avantageuses, en plus d’une aide pour les cinq premières années. Le mouvement est surnommé «Le retour à la terre» et les curés en parlent avantageusement. Ce n’est pas le premier venu qui peut partir! Les responsables mènent une enquête scrupuleuse. Les hommes vigoureux et pères de famille sont favorisés, surtout s’ils ont marié une femme courageuse et débrouillarde. L’homme doit aussi posséder des prédispositions pour l’agriculture. Ainsi, les anciens fermiers installés dans les villes sont acceptés à bras ouverts.
Honoré, tout souriant, ne peut s’empêcher d’approcher cette famille heureuse. Louise leur dit qu’ils sont chanceux et qu’enfin ils ne connaîtront plus la misère de la ville. Napoléon Brouillette semble réfléchir à la question...
« Pour ce qui est de la misère, mademoiselle, il faut pas penser qu’on s’en va au paradis. Ça va être dur, les premières années, mais au moins je me dis que je vais être chez moi.
- Je suis certaine qu’avec l’aide du bon Dieu, vous allez réussir.
- C’est vrai. Avec l’aide du bon Dieu et de Bennett. »
Louise a hâte au lendemain matin pour voir ces hommes et leurs fils arriver à la gare et attendre leur bienheureux départ. Elle a même la bonne idée de sortir une table sur le trottoir et de préparer du chocolat chaud et du café à donner à ces colons. Elle s’est vêtue de sa plus belle robe et Honoré porte son habit du dimanche. Tous les curés de la ville sont là pour bénir les colons et leur souhaiter bonne chance. Le maire Robichon arrive avec quelques échevins et des commissaires d’école, puis Roméo dans son rôle de journaliste. Le problème est que tous ces dignitaires profitent de la générosité de Louise et que les colons ne se présentent pas, le départ étant remis à plus tard, car il vient de tomber quinze pouces de neige sur la région de leur destination et que le train ne pourra s’y rendre.
L'homme Brouillette reviendra quelques années plus tard, désabusé et révolté face à ce qu'il a vécu là-bas. La photo : des colons de Montbeillard. Suis-je déjà passé par ce lieu ? Oui : j'ai traversé le village. Par contre, lors de mes participations aux salons du livre de l'Abitibi-Témiscamingue. j'ai entretenu de honnes relations avec Diane, responsable de la bibliothèque du lieu, qui m'a raconté que le village entier avait lu Perles et chapelet. J'en étais très heureux.
Commentaires
Vraiment ? Je suis étonné ! Après tout, ce roman a près de 20 ans d'existence.
Je viens de le recevoir.
En fait il s'agit d'un site qui fait une revente de livres d'occasion par l'intermédiaire d'amazon.
J'ai commencé par faire un nettoyage de la couverture, il semble que les possesseurs du livre devaient fumer !
A suivre ...
Oui, oui... Je viens de regarder tout ça.... mais je ne crois pas que ces fournisseurs aient réellement ces livres dans leurs entrepôts. Ils datent de près de 20 ans, tout de même.
Merci beaucoup pour ta proposition, c'est aimable ...
suis passée sur le site d'amazon, j'attends la livraison.
Commander en usagé ? Je sais que certains de mes romans plus anciens figurent sur des sites de vente internet, mais je ne crois pas que ceci soit mis à jour.
Si ça ne fonctionne pas, tu me le demandes et j'envoie par courriel gratuitement.
Le village entier +1
je viens de commander ce roman ... la famille Tremblay entre peu à peu chez moi ... à force de te lire ici, je suis intriguée ...