Réunion de deux textes, selon la formule proposée par JCL et acceptée par moi-même, mais sans doute la rencontre la plus inégale de la série. À l'origine, la partie 1 n'existait pas. Dans un tel cas, la partie 2 serait devenue la première de Contes d'asphalte et je n'y tenais pas du tout. Comme il me restait des années inutilisées pour les 1930 et un personnage tout à fait libre, j'ai écrit la courte saga de Simone en... deux semaines. Et cet empressement paraît beaucoup, à cause de trop nombreux dialogues, de répétitions caractérielles. Comparé à la partie Renée, c'est profondément inférieur et banal.
La partie Renée, c'est un feu d'artifice incessant de drôlerie, d'originalité, de créativité. La dynamique Renée parle en italique autant à Cary Grant qu'au premier ministre du Canada, ses nombreuses amies portent toutes des surnoms (J'y reviendrai), la situation du Québec en guerre est historiquement bien décrite et, cela va de soi, ce roman se termine au paradis. Mon idée première était de faire un roman rock & roll en me servant de l'époque jazz big bands. Benny Goodman remplace les Rolling Stones! Malgré la drôlerie parfois loufoque, c'est un texte sur la perte des idéaux de jeunesse, faisant en sorte que Renée devient mature en prenant le plus tendre soin de sa tante Jeanne malade. J'adore ce que j'ai créé et considère cette section comme la seconde mieux réussie de la saga de Roméo Tremblay.
Vous aurez noté que les romans de cette série n'ont qu'un modèle de pages couvertures. Je fournissais à l'éditeur une photo ancienne de Trois-Rivières et ils décidaient de celle qui figurerait dans le médaillon. Sauf dans ce cas. Ils ont prêté oreille à ma suggestion. Le personnage du médaillon est ma mère Lucienne, alors âgée de 17 ans. Pas que maman soit l'équivalent de Renée, mais sa coiffure était si typique des jeunes femmes des années 1940. J'ai toujours adoré cette photo!
Le hic est qu'elle ne voulait pas qu'on pige dans ses trucs. Alors, j'avais profité d'une de ses rares absences pour m'emparer de la photo, me presser à en faire une photocopie, remettre l'originale dans son album. L'éditeur a accepté la photo, l'a retouchée, puis inversée. Ma mère l'a su en voyant le livre la première fois. Elle était... furieuse! Réaction de courte durée, car une demi-heure plus tard, elle téléphonait à sa soeur pour dire que "Mario a mis ma photo sur son livre."
L'extrait, maintenant. J'ai tant vanté Renée, mais je me tourne vers Simone, parce qu'une scène de ce type est rare dans les 'romans historiques'. De plus, ce texte présente le second personnage mâle le plus dégueulasse de toutes mes créations. Lisez l'extrait et vous verrez pourquoi.
Il y a tant de gens, chez lui comme chez elle, et l’intimité d’un couple ne peut se manifester dans les rues ou dans les salles de cinéma, même si certains mal élevés ne se gênent pas pour profiter de l’obscurité de ces lieux. François sait l’embrasser avec un si profond amour. Simone sent contre elle la poitrine dénudée de François, alors que sa respiration devient haletante. Dans un soupir, elle le décoiffe et plante ses ongles dans ses épaules, percevant contre elle, malgré elle, la transe pécheresse du garçon. Le long baiser terminé n’a pas le temps d’agoniser qu’un « Je t’aime » râlé en fait naître un nouveau, plus profond, davantage chaud. Simone sent ses jambes devenir molles, et François, pour reprendre son souffle, lui chuchote à l’oreille des « Je t’aimerai toujours » avant de retourner à ses lèvres brûlantes. Il serre la taille de Simone et ses mains se posent sur les fesses de son amoureuse, geste la faisant sursauter, alors qu’il plonge avec plus de gourmandise dans sa bouche. Il renverse la tête de l’adolescente, mêlant ses cheveux d’une main rebelle, tandis qu’il descend de plus en plus ses doigts pour atteindre l’ourlet de la robe, qu’il retrousse rapidement pour faire glisser un pouce à la source du bas de soie. Un toucher, pressé et fébrile, frôle le rebord du sous-vêtement, puis il tire avec vigueur, pendant que Simone harponne avec fougue le dos de François, pleurant son amour en de courts aveux interrompus par d’autres baisers. Elle sent l’insistance pressée de François près de son ventre, quand, tout à coup, il guide la main de son amoureuse vers le bas de son dos, et, d’un geste sec, fait baisser son pantalon. Simone arrondit les yeux, et sa bouche ouverte n’arrive pas à exprimer son soudain effroi. François s’empare du haut de la robe, qu’il anéantit avec violence. Le cœur de Simone hurle « Non ! » alors que ses lèvres murmurent « Oui », tandis qu’il répète, tel un leitmotiv, ses « Je t’aime » teintés de sanglots désespérés.
Cette chaleur, si souvent devinée et jamais confessée, sans crier gare, lui déchire le corps en une pression inouïe. Elle laisse s’envoler un petit cri vite étouffé par la bouche de François, guerrière, reconquérant ses lèvres. Simone sent ce mal atroce une fois, deux fois, trois, quatre, tant de fois, se transformant en une sensation hors de ce monde. Elle renverse la tête, alors que les mains de François libèrent les seins généreux de leur prison, vite reconquis par les paumes douces du garçon. Tout l’être de Simone n’en peut plus de basculer dans ce précipice amoureux. Une plus forte insistance fait crier Simone, mais les mains de François quittent les monts aux faîtes pointus pour se précipiter sur sa bouche, et, soudainement, si soudainement, Simone sent son corps reculer et elle tombe sur un vieux divan, alors qu’il se retrouve sur le plancher, s’emparant à toute vitesse de son pantalon. Simone cache sa poitrine, pendant que sa tête, transformée en girouette, cherche sa robe. Elle l’enfile, alors qu’il s’est installé sur une chaise, le front entre les mains. Elle approche, titubante, ivre, pose ses doigts contre son dos, puis embrasse délicatement la peau humide de sueur. Simone renifle comme une fillette, alors qu’à sa grande surprise, François se dégage promptement de son emprise. À genoux face à lui, Simone regarde son visage, qu’il cache de nouveau, balançant la tête dans un mouvement négatif de plus en plus rapide.
« C’est épouvantable ! C’est épouvantable, Simone ! Qu’est-ce que tu m’as fait faire là ?
- Je… je ne sais pas…
- Mais oui, tu le sais ! C’est comme ça que tout a commencé, au paradis terrestre ! C’est Ève qui a tendu la pomme à Adam ! Depuis toujours, nos guides, nos enseignants, nos saints hommes nous mettent en garde contre cette pomme ! Et toi, toi que j’aime tant, que je désire de tout mon cœur comme mon épouse honnête et propre, comme la future mère de mes enfants, toi, tu… tu… tu m’as tendu la pomme ! Pourquoi m’as-tu obligé à faire ça, Simone ?
- Je… je… Pardonne-moi, François.- J’ai honte ! J’ai si honte de ce grand péché que tu m’as fait faire ! Va-t-en !
- François, mon amour…
- Va-t-en !
- Tu… tu ne veux plus de moi ?
- Laisse-moi ! »
Au cours des semaines suivantes, Simone deviendra parano, pleurera sans cesse, croyant que tout le monde qu'elle croise est au courant de 'son péché'. Son père Roméo a du mal à comprendre ce qui arrive à sa fille, mais l'aveu honteux de Simone permettra à la jeune fille de se rendre compte que c'est son amoureux, le responsable. Aidée par Roméo et par sa soeur Renée, l'adolescente chassera la honte et fera preuve d'une confiance inhabituelle. Dans la seconde partie du roman, Simone épousera François et ce ne sera pas une union heureuse...
Commentaires
Ma mère était d'une famille ouvrière. Comme beaucoup de gens de cette classe, il n'y avait pas d'appareil photo à la maison. Une fois par année,elle se rendait chez un photographe pro pour une photo soignée, qui trônait au salon. Ses soeurs faisaient la même chose. Il nous reste donc plusieurs phoros de ce temps, mais j'aime celle-ci. D'ailleurs, je l'ai fait agrandir et déposer sur un laminé, l'ai accrochée dans ma chambre à coucher.
Cette photo de ta maman est magnifique … et son histoire toute autant !
On comprend bien pourquoi le mariage de Simone et François ne sera pas heureux …