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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 24-11-2018 à 07:11:28

Bilan : Ce sera formidable !

 

 

Entre Des trésors pour Marie-Lou et l'acceptation du manuscrit de ce roman, il s'est passé six années, dont deux silencieuses de ma part, car je travaillais sur ma thèse de doctorat. J'avais certes été frustré quand la premier éditeur m'avait dit ne plus jamais vouloir lire quoi que ce soit de ma part et  je m'étais mis en tête de lui prouver son tort en étant accepté par un important éditeur.

J'avais en tête VLB, parce que je connaissais l'éditeur, croisé lors de salons du livre et qu'on s'entendait bien. C'était aussi le cas avec la romancière Pauline Gill, vedette VLB. J'ai cependant mis trois années de démarches et envoyé trois manuscrits, dont Le Pain de Guillaume, qui sera publié plus tard par un autre éditeur.

À ce moment, la première série de six romans sur les ancêtres Tremblay était terminée depuis un moment. Logiquement, le premier tome aurait dû être le gagnant, mais ce fut le... dernier. Celui-ci avait cependant une relation avec le roman Petit Train, qui avait été populaire. Je pense que VLB a accepté ce roman parce qu'il était amusant.

De ce fait, je crois que c'est le roman le plus rigolo de mes publications. Comme expliqué dans un autre article, il y avait aussi là cent faits véritables sur le quotidien de Trois-Rivières entre 1874 et 1900, car j'avais consulté la plus grande partie des journaux d'époque pour établir un plan mettant en relief la modernité, le progrès de la ville, car mon personnage vedette, Joseph, ne pensait qu'au modernisme. (D'ailleurs, le premier titre du roman était : Le siècle du modernisme.)

Dans mon esprit, j'avais gagné mon défi et je me sentais parti pour la gloire, ne me doutant profondément jamais que ce roman serait détruit à peine trois années plus tard, après avoir été mon meilleur vendeur. L'éditeur qui m'avait accepté était maintenant à sa retraite et son assistante, avec qui je m'entendais bien, a été congédiée. Il est évident que les successeurs ont fait table rase des décisions récentes de ces deux personnes.

J'adore ce roman! Jamais je ne changerai une virgule. Je réserve un autre article sur cette aventure qui ne fut pas formidable.

 

 

 

 

La plus grande différence entre mon ex-éditeur et VLB est que ces derniers me sont apparus beaucoup plus professionels. Trois personnes étaient responsables des corrections, chacune avec une tâche précise, remise à l'assistance directrice, Marie-Pierre, d'origine française. C'est en sa compagnie... téléphonique que nous avons revisé le texte. Je n'ai eu la version papier qu'en juin 2009, accompagnée par ce petit message. Je me souviens surtout qu'il faisait très chaud à ce moment et que je me rendais au parc près de chez moi pour relire. Ce fut le début d'une habitude qui se poursuit. Marie-Pierre m'avait qualifiée 'd'auteur facile' parce que je ne chialais jamais contre les corrections. En fait, mes deux seules protestations allaient contre le fait d'employer M. au lieu de Monsieur, et aussi d'écrire baseball comme base-ball, graphie désuète qu'on ne voit plus depuis des décennies, au Québec. Après son congédiement, j'ai écrit à cette femme pour l'encourager. Ayant trouvé un poste ailleurs, elle s'est empressée de refuser les manuscrits que je lui ai fait parvenir.

 

 

 

L'extrait. Joseph, roi du modernisme, est certes rempli d'enthousiasme face à une nouvelle invention qui sera présentée à Trois-Rivières : le cinématographe. Je souligne que ce que je décris est bel et bien la première séance ciné en sol trifluvien.

 

 

Cependant, au milieu de novembre, le monde moderne me rattrape quand on annonce une démonstration scientifique d’une invention française du nom étrange de cinématographe. Je me rappelle avoir lu un article sur une création américaine semblable. Il s’agit d’images comme celles de la lanterne magique, mais qui bougent, reproduisant fidèlement le mouvement naturel des êtres et des choses. J’avais été davantage impressionné par la description technique de l’appareil, car, à bien y penser, à quoi servent des images en mouvement? Quoi qu’il en soit, ce prodige est nouveau et sans aucun doute stupéfiant. Je dois d’abord convaincre Marguerite, car les spectacles, les distractions, ces dernières années…

 

« Nous irons voir ça.

- Comment, nous irons voir ça?

- Eh bien… Tu me l’as demandé, non? Alors, je te réponds que je vais t’accompagner.

- Folle dépense, Petite Fleur! Toi qui es la mère économe de la famille, pour notre plus grand bien, tu voudrais me voir dépenser quelques sous pour une chose inconnue et qui, on le sait très bien, nous éloignera de notre but d’avoir un magasin.

- Est-ce que tu te moques de moi, Joseph?

- Non, pas du tout.

- Nous irons. Ce n’est pas si cher.

- Après toutes nos dépenses à l’exposition?

- D’accord, nous n’irons pas.

- Magritte, il y a bien longtemps que je n’ai pas vu une invention moderne et…

- Ça vient de France, le pays de nos courageux ancêtres. Pas des États-Unis criards et protestants, avec leurs femmes qui montrent leurs jambes en public.

- Ah, voilà la clef du mystère! La France! »

 

 

Pour Louise, il s’agit aussi d’un grand événement, car, pour la première fois, Marguerite lui confie la garde d’Adrien et de Roméo. Mon épouse l’a tant bombardée de recommandations que, en temps normal, la petite devrait être terrorisée. Cependant, cette enfant se montre si calme et responsable… Je n’ai jamais vu une fillette aussi vieille. Petite Fleur a fait avaler un sanglot de crainte à Adrien en l’avertissant : « Si tu te comportes mal, tu vas en entendre parler! » Il ne reste que Roméo, dont on n’a rien à craindre, car nous savons qu’il va passer son temps à pleurer, comme d’habitude.

 

 

 

« Voilà si longtemps qu’on n’est pas sortis ensemble, en amoureux, que toi et moi!

- Joseph, le petit a à peine un an.

- Qu’est-ce que tu penses là? Je te parle de la sortie. Tu portes ta plus belle robe et ton chapeau des grandes occasions, je brille dans mon habit de futur échevin. Nous avons l’air si distingués. Pour rendre le tableau encore plus romantique, je vais prendre ton bras.

- Pas en public.

- Petite Fleur… Nous sommes mariés, tout le monde le sait. Puis ce n’est qu’un bras.

- Ça commence par un bras et je sais comment ça va se terminer. »

 

 

 

Pour une grande première, j’aurais préféré un lieu plus prestigieux que le restaurant National, fermé depuis plus d’une année. Le petit local de la rue Notre-Dame se remplit rapidement de curieux. Marguerite rougit en voyant plusieurs religieux, confortablement installés devant un écran, semblable à ceux que les lanternistes utilisent. Elle devient plus rouge en entendant le vieil accent de France des nobles présentateurs, messieurs Minier et Pipier, noms qui me font sourire, surtout que les deux se prénomment Louis. On dirait des faux jumeaux. Je suis surtout attiré par leur appareil : une boîte rectangulaire, avec des manettes et une lentille de projection. Le discours du duo est plutôt scientifique. Je n’y comprends rien, mais ce sont des propos tout de même fascinants, ceux d’hommes savants qui vivent déjà au cœur du siècle du modernisme. Quand la démonstration débute enfin, je demeure abasourdi, comme tout le monde, car les images bougent véritablement! Électrisant! Là, sous mes yeux, de vraies personnes de Paris, qui marchent dans les rues! Les vagues de la mer qui foncent sur nous! Des cavaliers au galop, qui s’approchent tant que Marguerite, prise d’effroi, laisse échapper un petit cri et se cache le visage.

 

 

Ce spectacle me semble plus que concluant, d’un réalisme inouï. Voilà la vie, dans tous ses mouvements, qui s’immortalise dans une machine. De plus, le tout a un aspect instructif, pour connaître les grands personnages du monde, ainsi que les villes et pays lointains. Les deux Louis insistent surtout sur les réalisations scientifiques dans le domaine de la photographie. À la maison, nous n’avons qu’un portrait de ma mère, pris à l’époque des photographies sur zinc. Si elle avait été captée par ce cinématographe, j’aurais vu maman bouger! Prodigieux!

 

 

 « Ça en valait la peine, n’est-ce pas, Petite Fleur?

- Ces hommes sont si distingués. Une si belle façon de s’exprimer! Mais j’ai eu l’air ridicule de crier… Quelle honte!

- Tu n’étais pas la seule. Moi-même, j’ai eu peur. Ces chevaux fonçaient vraiment sur nous! Et les vagues de l’océan! Je sentais presque la fraîcheur, tant c’était réaliste. La locomotive, donc! Comme si nous étions sur le quai de cette gare lointaine et voyions approcher l’engin! Je dois revoir ça absolument!

- Joseph…

- Avec Louise. Ce sera instructif, pour son jeune cœur.

- Joseph!

- Bon, ça va, j’ai compris. »

 

 

 

Commentaires

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