L'adolescence est une invention du 20e siècle. Auparavant, ce temps de jeunesse n'existait pas et encore moins à la Renaissance. Je me suis tout de même permis cette fantaisie d'auteur, concernant les trois cousines, grandes amies, âgées de 13 ans et qui ont une réaction ado face à l'idée d'organiser un bal pour la danse. Un extrait de Les secrets bien gardés, qui se déroule dans la première moitié du 17e siècle, en Nouvelle-France.
La mauvaise nouvelle du refus importe quelque peu à Michèle et Françoise, mais ne décourage surtout pas cette dernière. «Nous danserons avec les jeunes hommes, mes amies! Je vous le jure!» Elles ricanent en rêvant tout haut d’un château de France avec ses laquais nègres à chaque porte, ses belles courtisanes à la peau pâle et les gentilshommes les plus galants et instruits, venus fraterniser sous des lustres de vingt bougies, au son d’un maître du clavecin et d’un angélique harpiste. Comment peuvent-elles imaginer tant de charme, elles qui sont nées au Canada, dans un petit bourg qui ne compte pas quatre cents habitants? Tout simplement dans un roman qu’un voyageur français avait oublié à l’auberge. Michèle, Marie et Françoise se le racontent par cœur depuis une année. Le Canada est si laid et la France si belle! N’ont-elles pas entendu tant de fois les souvenirs parisiens de Marie-Anne et de l’oncle Gaspard?
Grâce aux propos de ce roman, elles peuvent danser le branle comme dans les beaux salons de Paris. Marie, dans le rôle de la femme, est menée par Françoise l’homme, au son du clavecin vocal de Michèle. Le dernier pas est enseveli sous leurs rires enfantins, ce qui alerte un artisan fatigué par ces voix de souris. Il ouvre ses volets pour leur crier : «N’avez-vous point mieux à faire chez vos mères, petites sottes? J’ai besoin de calme pour mon travail! Allez plus loin!» Les trois se prennent par les mains, s’éloignent en étouffant leurs rires, avant que Françoise ne se décide à se retourner pour tirer la langue aux volets clos.
Assises près d’un arbre, elles chantonnent «Alouette, jolie gentille alouette, je vous plumerai» avant de s’esclaffer encore sans pouvoir s’arrêter. Puis elles rêvent de gavotte. Elles aimeraient tant en connaître les pas, mais le roman ne fait que mentionner le nom. À moins que cette danse ne soit déjà désuète et que les courtisanes de Paris s’enivrent d’une nouvelle mode. Sur la berge du fleuve, elles font une ronde, comme au cours de leur enfance. Tous les garçons sont à leurs travaux. Sous les protestations de Françoise, Marie et Michèle marchent vers l’ouest où les jeunes paysans s’activent aux champs. Les fêtes sont plus courantes à la campagne qu’à la ville. Peut-être qu’avec un peu de chance, une veillée remplacera le bal de leurs rêves. Elles ne trouvent rien, ne voient personne. Rien d’autre que la peur des laboureurs face à la trop grande chaleur.
La soirée tant souhaitée par ces copines aura lieu, grâce au bon coeur de l'oncle Gaspard. Cependant, l'événement se déroulera dans la cour d'une maison paysanne. Cela leur suffira pour un beau moment de leur jeunesse, avant que Marie ne devienne religieuse, que Michèle et Françoise ne prennent époux bien avant de penser à leurs 20 ans.
Commentaires
Peinture trouvée sur la toile.
Je considère ce roman comme mon meileur, mais je ne crois plus qu'il pourrait être publié un jour. 450 pages, sans dialogues, sur une période de 60 années, avec des personnages déjantés... Pas du tout ce qu'il faut pour un roman.,
Le pouvoir d un roman oublié ! ... et quelle belle période pour ces enfants là ...
J aime beaucoup la photo qui illustre ton article. Elle porte un nom ?