Ceci faisait partie du guide du salon du livre de Québec, en 2001. Pas une heure idéale pour une entrevue, mais comme ces gens en accordent rarement aux 'auteurs inconnus', je n'ai pas chialé.
Avant mon moment, je me suis rendu écouter le type me précédant. Il semblait confus, avait du mal à répondre aux questions de ce journaliste Laurent Laplante, septuagénaire un peu froid. Un véritable intellectuel, actif depuis des décennies et, à ce moment, travaillant pour la revue littéraire Nuit Blanche. J'ai alors pensé que ce ne serait pas facile, sentiment qui n'a fait que s'accroître quand je me suis présenté à l'homme avec mes quatre romans entre les mains. Laurent Laplante a alors dit, tel un prof sévère : "Monsieur Bergeron, je ne parle que de Contes d'asphalte." Gasp!
Sa première question : "Monsieur Bergeron, pourquoi, dans votre roman, seul un commissaire d'école s'exprime de mauvaise façon?" Je lui ai répondu illico : "Au cours des années 1940, et même auparavant, les commissaires d'école étaient des commerçants parvenus ayant ce poste pour le simple prestige. La plupart avaient peu d'instruction et se fichaient du sort des enfants dans les écoles."
Il a aimé mon intervention, et surtout que je répondais sans hésitation à chacune de ses interrogations. Une heure plus tard, je le vois approcher de mon stand, me tendre la main, me féliciter, m'assurer que c'était la meilleure entrevue depuis que le salon avait fait appel à ses services.
Il allait critiquer favorablement Contes d'asphalte et trois années plus tard, Laurent Laplante écrira un article de cinq pages sur la série Tremblay.
Je n'ai jamais oublié ces moments, la bonté de cet homme, décédé depuis peu.
***
J'adorais ces entrevues publiques dans le cadre des salons du livre, mais je n'ai pas connu cet honneur trop souvent. Ayant travaillé cinq années pour une station de radio, j'étais familier avec la méthode et à m'exprimer en public, ayant beaucoup appris des 'trucs du métier' des animateurs.
Une anecdote de cet acabit. Au salon de l'Abitibi-Témiscamingue, une radio locale m'avait approché pour une courte entrevue. L'animatrice m'a répété deux fois que nous n'aurions qu'une minute. Oui, oui, fis-je... En enlevant son intervention, il me restait quarante secondes. J'ai eu le temps de présenter mon livre, de le résumer et de nommer mes autres publications et de dire comme j'aimais le salon de leur région.
L'animatrice a semblé estomaquée. J'ai haussé les épaules et lui ai révélé que j'avais passé une année à écrire des commerciaux de 30 secondes pour une station de radio et de voir les animateurs lire ces textes en 28 secondes, sans jamais se tromper.