Un personnage discret, même s'il apparaît dans cinq des six romans de la série Tremblay. Céline Sicotte est l'épouse de Roméo. À l'image de l'homme, elle n'a connu d'amoureux qu'une seule personne. Ils se sont rencontrés à treize ans et à dix-huit, ils étaient mariés. Le couple aura six enfants.
Céline sera une femme traditionelle, dans son rôle d'épouse. Fervente catholique, elle règne dans sa maison et adore les tâches relatives à ses devoirs.
Jeune, cette rousse était bègue, défaut qui ira en diminuant en prenant de l'âge. Pourtant, dès le début, Céline croit que Roméo pense trop à Jeanne. Quand l'homme désire se rendre en France pour chercher sa 'petite soeur' de presque quarante ans, afin de la protéger de la possible guerre contre les Allemands, Céline s'oppose à son époux. Au retour de Jeanne à Trois-Rivières, la femme se montrera très froide à l'endroit de sa belle-soeur. Céline perdra la vie au début des années 70. Roméo sera ravagé.
En ayant terminé la série Tremblay, j'avais alors décidé d'ajouter une troisième partie à Petit Train, au moment où Roméo revient de la guerre 14-18 et désireux d'empêcher les jeunes de s'enrôler. Il trouvera un immense appui chez Céline. Cette partie inédite du roman a donc cette jeune femme comme narratrice. Une injustice a ainsi été corrigée : ce personnage est important et méritait mieux que la discrétion des autres romans.
L'extrait, de Contes d'asphalte : Une des filles de Céline, Carole, est en visite dominicale avec son mari Romuald et leurs enfants, avec Martin comme narrateur. Les grands-parents sont heureux de les recevoir. On peut y voir le rôle traditionnel charmant de Céline.
Nous avons l’habitude de visiter grand-père Roméo chaque dimanche, sauf pendant le temps où ma mère attend un bébé. Papa espace alors ces occasions, pour ne pas fatiguer maman. Quand nous nous y rendons, j’ai pu observer un rituel se répétant à chaque fois et qui, après avoir consulté mes amis, semble le même dans toutes les familles. D’abord, grand-père fait comme si notre arrivée est une surprise, même si nous l’avons averti par téléphone la veille. Souriant, il ouvre les bras et fait : « Entrez ! Entrez ! Ne restez pas dehors ! » Grand-maman Céline, derrière, les bras tendus, est prête à recueillir nos vêtements et à les mettre en tas sur un lit, même s’il y a un placard au salon. Ensuite, grand-père répète : « Entrez ! Entrez ! » même si nous sommes déjà en dedans. De la main, il nous indique le salon.
Grand-mère revient avec un plat de nourriture : du sucre à la crème, des beignets, des chips ou des guimauves. Après, grand-père se tourne vers mon papa pour lui demander des nouvelles de l’usine. Grand-mère regarde maman enceinte jusqu’aux yeux en disant : « Ma pauvre petite fille ! »
Nous, les enfants, demeurons tranquilles, surveillons, pour une millième fois, le décor inchangé du salon. Il y a un large sofa avec des bouts de dentelle sur les appuie-coudes. Deux fois sur trois, ils tombent quand nous y déposons les bras. Sur les murs : les photos religieuses favorites de grand-mère et aussi une belle peinture, œuvre de la grande-tante Jeanne. J’aime bien l’antique appareil de radio, aussi gros qu’une télé. Il a deux petits boutons, un cadran et une enceinte sonore qui ressemble à une bouche à quatre dents. Sur le téléviseur règne le Sacré-Cœur lumineux de grand-maman Céline.Soudain, les grands-parents se rendent compte que nous nous ennuyons. Grand-mère court chercher sa boîte de jouets qu’elle installe au milieu du plancher. Ce sont de vieux jouets, ayant sans doute appartenus à nos parents. C’est pourquoi nous apportons parfois nos propres joujoux. Ainsi, aujourd’hui, j’ai emmené Coco, toujours très content de rencontrer Fido, le chien de peluche de ma cousine Johanne. Après quinze minutes, grand-maman invite ma mère à la cuisine. Les hommes demeurent au salon pour fumer et parler de politique. Nous les laissons pour jouer dans le couloir. À cinq heures, nous soupons. Grand-mère Céline a préparé un immense choix d’aliments, toujours en trop grande quantité. Nous devinons que grand-père Roméo va passer la semaine suivante à manger des restes. Après le repas, nous retournons au salon, mais les femmes ne quittent pas à la cuisine. À notre départ, grand-père Roméo nous dit toujours : « Vous reviendrez ! » tandis que grand-maman Céline fait : « Attention à la route, là ! » C’est toujours ainsi, mais je ne m’en lasse pas. J’aime l’odeur de cette maison, les photographies sur les murs et les histoires que grand-père aura eu le temps de me raconter. Dans l’auto, papa confie toujours à ma mère : « Ils vont bien, hein », et maman lui répond : « Oui, ils vont bien. »