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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 07-08-2020 à 02:13:40

Mes romans et le cinéma 2

 

 

CE SERA FORMIDABLE

Évocation de la première séance de cinéma à Trois-Rivières,en 1895. dans un ancien restaurant.

 

 

Pour une grande première, j’aurais préféré un lieu plus prestigieux que le restaurant National, fermé depuis plus d’une année. Le petit local de la rue Notre-Dame se remplit rapidement de curieux. Marguerite rougit en voyant plusieurs religieux, confortablement installés devant un écran, semblable à ceux que les lanternistes utilisent. Elle devient plus rouge en entendant le vieil accent de France des nobles présentateurs, messieurs Minier et Pipier, noms qui me font sourire, surtout que les deux se prénomment Louis. On dirait des faux jumeaux. Je suis surtout attiré par leur appareil : une boîte rectangulaire, avec des manettes et une lentille de projection. Le discours du duo est plutôt scientifique. Je n’y comprends rien, mais ce sont des propos tout de même fascinants, ceux d’hommes savants qui vivent déjà au cœur du siècle du modernisme. Quand la démonstration débute enfin, je demeure abasourdi, comme tout le monde, car les images bougent véritablement! Électrisant! Là, sous mes yeux, de vraies personnes de Paris, qui marchent dans les rues! Les vagues de la mer qui foncent sur nous! Des cavaliers au galop, qui s’approchent tant que Marguerite, prise d’effroi, laisse échapper un petit cri et se cache le visage.        

Ce spectacle me semble plus que concluant, d’un réalisme inouï. Voilà la vie, dans tous ses mouvements, qui s’immortalise dans une machine. De plus, le tout a un aspect instructif, pour connaître les grands personnages du monde, ainsi que les villes et pays lointains. Les deux Louis insistent surtout sur les réalisations scientifiques dans le domaine de la photographie. À la maison, nous n’avons qu’un portrait de ma mère, pris à l’époque des photographies sur zinc. Si elle avait été captée par ce cinématographe, j’aurais vu maman bouger! Prodigieux!   

« Ça en valait la peine, n’est-ce pas, Petite Fleur?        

- Ces hommes sont si distingués. Une si belle façon de s’exprimer! Mais j’ai eu l’air ridicule de crier… Quelle honte!         

- Tu n’étais pas la seule. Moi-même, j’ai eu peur. Ces chevaux fonçaient vraiment sur nous! Et les vagues de l’océan! Je sentais presque la fraîcheur, tant c’était réaliste. La locomotive, donc! Comme si nous étions sur le quai de cette gare lointaine et voyions approcher l’engin! Je dois revoir ça absolument!        

- Joseph…        

- Avec Louise. Ce sera instructif, pour son jeune cœur.        

- Joseph!

 - Bon, ça va, j’ai compris. »

 

 

 

 

 

 

L'HÉRITAGE DE JEANNE

 

Ce roman déborde de références au cinéma. Des noms de vedettes de l'écran sont souvent utilisés. Renée et ses douze copines raffolent de ciné et Rocky, son amoureux, porte le surnom de James Cagney dansle film Public Enemy. Tous les films nommés dans ce roman ne sont pas fruits du hasard ; ils sont passés dans les salles de Trois-Rivières exactement au moment où j'en parle dans le récit.

La salle du Cinéma de Paris, pendant la seconde guerre mondiale, ne pouvait faire venir des productions récentes de France, se contentant de passer en reprise des productions anciennes. Cela déplaît à Renée, mais pas à sa tante Jeanne.

 

 

 

Dans le but de la consoler, j’accepte de l’accompagner au Cinéma de Paris pour voir les films César, Marius et Fanny. Ça ne m’intéresse pas trop, ces mélodrames de la vieille France, mais Jeanne essuie de chaudes larmes sur le triste sort de cette idiote de Fanny qui est obligée d’épouser un vieux marchand, alors que le beau Marius est parti à l’aventure sur les mers (et pendant ce temps, César boit du pastis). « C’est chez moi ! » de me dire fermement Jeanne, après la dernière séance.

 

 

 

 


GRAND-REGARD ET LES ENFANTS

 

Séance de cinéma au Royal, un samedi soir. Une séquence d'un film fait beaucoup rire Grand-Regard. Je ne le nomme pas, mais il s'agit de Flaming Youth, mettant en vedette Colleen Moore

 

 

 

« T’as vu ça? Cette jeune femme a une façon incroyable de se maquiller, passant d’un produit à l’autre à une vitesse folle, avec comme finale une pluie de poudre sur son visage. Je n’ai jamais rien vu de plus drôle! Tu imagines Jeanne ou Adèle faire une telle... Non, pas Adèle… »

 

 

Bien que très populaire, il n'existe plus de copies de ce film. Par contre, vous pouvez regarder ce qui a tant fait rire mon personnage.  Je n'ai pu déposer le lien ici. Allez sur Tutube et écrivez Flaming Youth Makeup Routine Colleen Moore. Cela dure environ deux minutes.

 

 

L'AMICALE DES FANTÔMES

 

Ah, comme la poudrée de la rue des Forges adore le cinéma ! Ceci lui permet de rêver éveillée à ceci :

 

« Bernadette, te voilà enfin! » Je sors de mon petit sac à main une gomme à mâcher, la dépose dans ma bouche, étonnée de constater qu’Harold Lloyd est plus grand que dans ses films. « Tu dois m’accompagner à Hollywood où tu seras la vedette féminine de ma prochaine production. J’ai besoin d’une demoiselle  très à la mode et tu seras parfaite pour le rôle. » Vraiment? Pourtant… « Je ne peux pas, Harold. J’ai promis à Charlie Chaplin que je jouerais dans sa nouvelle comédie. » Voilà la vedette à l’air défait, me suppliant de téléphoner à Charlot pour lui apprendre que j’ai un rôle ailleurs. Eh non! Harold me promet un imposant salaire. Pas plus! « Ce n’est pas une question d’argent, mais de principe. J’ai donné ma parole à Charlie et je serais malhonnête de briser cette promesse. »  Pauvre Harold qui pleure, me tournant le dos, traînant des pieds. Je le rejoins pour le consoler. « L’an prochain, peut-être. » Il se redresse, si content qu’il en perd ses lunettes. Heureux acteur comblé! Il m’assure que je deviendrai la reine de Hollywood. À bien y penser, reine de la rue des Forges me suffit.

 

 

 

 

PERLES ET CHAPELET

 

Jeanne se rend à Montréal avec une amie afin de voir le film où Rudolph Valentino danse le tango.

 

 

Voici enfin le bijou! Et le SI-LEN-CE... et BAAAAM! de faire l’orchestre! Quand le nom du bellâtre apparaît au générique, un frisson parcourt la salle. Le voilà! Elles crient! Les spectatrices crient! À chaque fois qu’on le voit, on entend un murmure. Quand la caméra le prend en gros plan, la folie s’empare de toutes. Lucie me griffe l’épaule en miaulant «oooh!», comme si cet homme de nitrate allait sortir de l’écran afin de venir jusqu’à elle et lui faire bisou.

 

C’est un film d’action. En fait, pas du tout une œuvre romantique. Le genre de film qu’habituellement les femmes ignorent. Et puis, il y a Wallace Beery dedans : ma tête de salaud favorite. Il paraît que le film dure deux heures. Je me lève, car j’ai envie de pipi, le goût d’en brûler une autre et chercher à voir clair dans toute cette histoire d’idole mâle. Je passe pour la pire des cinglées : me lever pendant que Valentino crève l’écran! Mon jeune placier de tantôt est avec un homme à l’air sérieux qui a entre les mains une petite valise, comme celles des médecins.

 

« Puis? Quoi de neuf?

- Vous... vous ne restez pas dans la salle, mademoiselle?

- Deux heures, c’est beaucoup trop long pour un film. C’est l’équivalent de deux films. C’est...»

 

Pas le temps de terminer la conversation qu’un autre placier lance de grands signes avec sa lampe de poche. Mon jeune et le vieux partent immédiatement vers la salle. Ils reviennent avec entre les pattes une fille évanouie. Le vieux sort les sels. Un médecin! Diable! Ils font venir un médecin à chaque représentation, car il y en a toujours une ou deux pour tomber dans les choux! Je retourne rapidement en dedans pour assister Lucie en cas d’une syncope. Je la retrouve le mouchoir à la main et le souffle haletant. À chaque plan rapproché, elle avance le bout du nez, les lèvres entrouvertes et les yeux humides. Cette image m’impressionne et me donne un goût incontrôlable de dessiner! Vite! Je rebondis à l’arrière pour un croquis!

 

Libérée de cette envie, je retourne dans la salle. Soudain, un cri commun me projette dans la réalité. Lucie me griffe à nouveau. C’est la scène du tango. À toi, à moi, ratata. Vrai qu’il le danse bien. Après la finale, le cinéma n’est qu’un lac de larmes. Les femmes hurlent de désespoir quand le fatal «The end» apparaît cruellement. Lucie a toujours les mains jointes et les yeux rougis. Je me lève, mais notre voisine ne bouge pas. Ça y est! Une autre dans le champ de pommes! Vite, doc! Les sels!