VEF Blog

Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 24-08-2020 à 18:58:16

Finale d'un roman

 

 

Les deux parties les plus importantes d'un roman : les premiers mots et ceux de la finale. La catégorie numéro 1 établit immédiatemet un contact pour la personne qui lit. Cela doit être accrocheur, éveiller la curiosité. J'avais déjà parlé de ceci :

 

 

http://marioromans.vefblog.net/17.html#Les_premiers_mots_dun_roman

 

 

 

Et la finale ? Elle est porteuse d'émotions, joyeuses ou tristes. La première chose que je dois connaître avant de créer un roman est la finale. C'est, en quelque sorte, la destination du texte. Et puis, z'avez déjà croisé des gens qui se précipitent tout de suite vers la finale avant même d'avoir lu une seule ligne de l'ensemble ? J'en ai rencontré beaucoup, lors des salons du livre. Voici quelques exemples.

 

 

 

 

 

 

LES BONNES SOEURS

 

Finale sous forme de dialogue. Mes deux personnages, anciens religieux, ont décidé de se marier.

« Madame Gervais, je serai avec vous avec tout mon cœur jusqu’à ce que notre Créateur nous rappelle près de sa Lumière.        

- Je serai fidèle, dévouée et aimante, comme je l’ai promis au Tout-Puissant.        

- Chère épouse!        

- Petit mari d’amour ! Maintenant, je n’ai plus le pseudonyme de Françoise Gervais. C’est mon vrai nom!        

- Vous savez, Françoise, je…        

- Et si on se tutoyait?        

- Je ne sais pas si j’oserais.        

- Si tu n’oses rien, le voyage de noces sera terne.        

- Oh! Oh!        

- Je veux un coup de circuit!        

- La balle est de ton côté, Françoise. »

 

 

 

 

 

DES TRÉSORS POUR MARIE-LOU


Nettement plus triste... Marie-Lou et Isabelle, de l'enfance à l'adolescence, furent des amies inséparables. Mais un conflit les sépare brusquement. Les retrouvailles se font la veille de l'an 2000, alors qu'Isabelle est atteine du sida.

 

 

 

             Marie-Lou l’enlace avec fracas. Les deux se serrent fort et pleurent lourdement, comme des plaintes souterraines qui effraient Alexandre. Marie-Lou sent les os de son amie, sa peau rugueuse et ces gros ganglions dans son cou. Marie-Lou l’emmène à la fenêtre et, soudées, visage contre visage, elles regardent arriver l’an 2000, sachant d’instinct que les prochains mois seront extraordinaires, car elles les passeront ensemble, l’une pour vivre, l’autre pour mourir.

 

 

 

 

 

CE SERA FORMIDABLE


Joseph Tremblay, de l'enfance jusqu'à sa vie adulte, ne pense qu'au modernisme. Il croit fermement que le 20e siècle apportera des progrès immenses. Lors d'une fête du premier de l'An, il a préparé un discours sur le sujet, mais, chose rare, il a pris quelques verres de trop, ce qui...

 


La chaise craque et, voulant amortir ma chute, je me penche vers l’avant et m’étale de tout mon long au milieu de la table, cassant les verres, renversant les cendriers et mêlant les cartes. Ouille… Mais je hausse le sourcil en entendant tout le monde faire le compte à rebours tant espéré, auquel je ne participe pas : cinq! Quatre! Trois! Deux! Un! Bonne année! Mes frères, étouffés de rire, me relèvent et me décoiffent. « Sacré Ti-Jos! Tu ne fais jamais rien comme tout le monde! Si c’est vraiment aujourd’hui, ton siècle du modernisme, tu l’as vu arriver comme un vrai Canadien français, dans la tradition des cartes, du tabac, de l’alcool, de l’odeur des tourtières et de la chanson de ton vieux père! »


En effet… Quelle honte! Je me sens si étourdi… Je regarde autour de moi, embarrassé d’avoir causé ce grabuge. J’aperçois Marguerite, furieuse, qui accourt. Je m’essuie, toussote, essaie de reprendre contenance, pendant que Roméo me tire par la main. Je le prends vite dans mes bras. Il me sauvera du courroux de Petite Fleur. Il me donne un gros baiser sur la joue et s’exclame : « C’eau beau le siècle du modernisme, papa! C’était formidable! Fais-le encore! » 

 

 

 

 

 

 

GRAND-REGARD ET LES ENFANTS


Grand-Regard craint beaucoup la vieillesse et l'âge de 50 ans. Peu avant ce moment, sa belle-soeur Anna, 53 ans, est décédée. Il n'en faut pas plus pour faire augmenter sa crainte, d'autant plus que son mari a réuni les proches amis pour les remercier de leur présence lors de l'enterrement. Or, mon personnage, écoutant leurs propos, croient qu'ils sont terriblement vieux. Elle prétexte une fatigue pour monter s'étendre dans son lit, mais seule sa fille Adèle devine ce que la femme désire : se rendre dans le petit bois, près d'un arbre géant, où elle avait rencontré l'esprit d'un être d'une autre galaxie, puis regarder le ciel.

 

 

Soudain, la bouche de Grand-Regard s’arrondit. Une lumière dans le ciel. « Une étoile filante », de penser Adèle. Elle prend les mains de sa mère, le cou tendu vers le ciel pour voir cette illusion disparaître. « Il sera toujours présent car il n’a pas quitté ton âme. Tu auras toujours l’âge de ce moment. Le jour où tu partiras, tu verras la lumière pour l’éternité. À mon tour, bien plus tard, quand mon moment sera venu, je verrai aussi cette lumière et nous serons alors ensemble à jamais. »

 

 

 

 

LE PAIN DE GUILLAUME


Nous sommes en Nouvelle-France, au 17e siècle. Guillaume le boulanger fabrique un pain délicieux, selon sa recette sacrète. Un jour, il communique la recette à son épouse Jeanne, au cas où un accident lui arriverait, puis lui fait promette que seul leur fils François pourra la connaître, le jour où il sera devenu à son tour boulanger des Trois-Rivières. De terribles problèmes surgissent dans la vie de Jeanne, devenue veuve, mais jamais elle n'oublie la promesse faite à son époux. Devenue aveugle, mourante, ce qu'elle avait tant espéré se produit.

 

 

Progressivement, Jeanne se redresse lorsque de sa lointaine mémoire ressuscite une odeur qui a tant fait battre son cœur. Jeanne ne l’a jamais sentie à Lachine et à l’île d’Orléans. Pour la première fois de sa vie, François utilise la grande recette secrète de son père, écrite par Jeanne, perdue dans l’incendie des Délices des Trois-Rivières. François n’a jamais oublié. L’après-midi passe et Jeanne remercie Dieu, pense aux promesses d’Atichasata, de Sacajawea et de Claude. Au repas du soir, François tend vers sa mère Jeanne Aubert, fille du roi, épouse de Guillaume Tremblay, le fruit de tant d’espoirs : le pain de Guillaume.