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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 22-11-2020 à 10:45:24

Suzanne défend Max et Betty

 

 

Nous sommes en 1967. Une année auparavant, la mystérieuse et séduisante poétesse Suzanne avait trouvé un emploi comme commis dans une tabagie, propriété d'un homme gros et laid, prénommé Max. Elle avait en premier lieu jugé son patron comme vulgaire, d'autant plus qu'il affichait une culture de bas étage.

 

 

Célibataire dans la soixantaine, n'ayant jamais eu d'amoureuse, Max rencontre Betty, tout autant obèse et affreuse et qui adore aussi cette culture.

 

 

 

Peu à peu, Suzanne se rend compte que sous ces enveloppes criardes se cachent deux coeurs d'or, des personnalités généreuses en bonté. La jeune femme assiste à cette histoire d'amour hors de l'ordinaire et se lie d'une profonde amitié pour le couple. Elle décide d'écrire un roman sur leur histoire et pour y arriver, consent à participer à leurs loisirs afin de mieux les connaître. Une soirée dans un bar western ne se déroule pas comme prévu par Suzanne. Sous son insistance, Max avait invité Betty à danser, ce que le duo refusait sans cesse, ayant crainte de paraître ridicules.

 

Un extrait de Quand on s'aime bien tous les deux.

 

 

 

 

La jeune femme se sent intérieurement terrorisée d’avoir pensé que le couple a l’air grotesque, certaine qu’en insistant trente secondes de plus, un inconnu pointera du doigt en éclatant de rire. Ce qu’elle ne souhaite pas se produit à quelques pas de son épaule : « As-tu vu les deux trucks qui font une collision ? » Il n’en faut pas plus pour que tout le monde dans la boîte, y compris les musiciens, se tournent vers ce point après avoir entendu un blasphème hurlé puis de voir cette chevelue vider la table de ses verres, bouteilles et cendriers, provoquant la course du gérant pour que le tout ne dégénère pas en bagarre. « Jeune hippie droguée! Pas de ça dans mon club! » Il raccompagne Suzanne avec vigueur vers le trottoir.

 

 

« Ah, saudit! T’as vraiment été cow-boy dans un saloon!        

- Je ne peux accepter des insultes à votre endroit. Je m’excuse, cependant, de mettre fin à votre soirée.        

- T’sais, on a passé notre vie à… Bon ben non, ma petite, il ne faut pas pleurer.        

- Désolée. »

 

         

 

 

Suzanne est toujours apparue froide, aux yeux de Max. Elle sourit peu, et toujours brièvement, à l’image de ses rires, de sa constante gueule de bois. Cependant, ces larmes soudaines l’étonnent, prouvent qu’elle a une sensibilité féminine comme toutes les autres. Il la serrerait entre ses bras pour le consoler, mais sent que ce serait maladroit de sa part. De toute façon, Betty a déjà pris l’initiative.

Max propose de trouver un coin paisible pour boire une autre bière, afin que Suzanne se calme.

 

        

 

 

Un bar d’hôtel, pas trop éloigné, gagne la palme. Betty s’assure tendrement que Suzanne va mieux, pendant que Max approche du comptoir pour commander un verre de la marque favorite de la jeune femme. « Tiens, ma fille », fait-il souriant, alors que Betty ajoute maternellement le conseil de ne pas boire trop rapidement. Les deux lui parlent de sa poésie, de ses créations, même si Max lui a un jour avoué : « C’est dur à comprendre, tes affaires, mais c’est beau quand même. » De façon générale, Suzanne ne se vante pas de son style et d’avoir été publiée. Cela existe et voilà tout.

 

         

 

 

Soudain apparaît un nœud papillon avec un homme tout autour, présenté par la serveuse comme Raymond Fingers Lacroix, « de passage dans notre localité avant de se rendre à Las Vegas. » Un piano-bar! Max n’avait pas remarqué l’écriteau, à l’entrée.  Betty souligne qu’elle avait déjà entendu, il y a quelques années, un pianiste très talentueux, Claude Fingers Levasseur. Le musicien débute illico par Moonlight Serenade, faisant cligner les paupières de Betty. Max chantonne tout bas, autant ravi. La troisième pièce jette le couple au sol : rien de moins que Quand on s’aime bien tous les deux, leur hymne par la voix incomparable d’Yvan Daniel.

 

        

 

 

« Dans notre petit  nid de rêve, tout près de moi tu viens t’assoir,          - -  et ma voix tendrement s’élève, dans cette prière du soir,           

- à ce chant très doux, le bonheur jaloux,        

- n’a plus d’autre secret pour nous. Que c’est beau, Max! Saudit que c’est beau! »

 

         

 

 

Suzanne relève les sourcils, sans doute autant étonnée que Fingers, face à cette harmonie maladroite de deux cœurs unis par les mots. Rapidement, tout ce qui bouge dans ce petit espace ne vit que pour cette enfilade de chansons romantiques, faisant tanguer Max et Betty. Suzanne n’a jamais vu rien de plus singulier et de charmant. 

 

 

Commentaires

MarioMusique le 23-11-2020 à 22:39:38
Merci. Je suis très content de ce roman.
Maritxan le 23-11-2020 à 13:37:12
Bonjour Mario,

Avant de continuer la lecture de ton texte, je remarque une petite erreur de frappe dans une phrase... "Il la serrerait entre ses bras pour le consoler...".


Merci pour la lecture, j'aime bien ton style.

@+