Louis Roy : Mon espoir, ma vie, ma carrière est un roman pardodique des autobiographies de personnages publics. Louis est un pianiste et chanteur de charme, ayant connu de nombreux succès avec ses disques entre 1958 et 1964. Parallèlement, il veut toucher à tous les domaines : comme comédien (cinéma, télé, théâtre) animateur à la radio et à la télévision. Sauf que le succès le fuit en 1965 : son style romantique est considéré démodé. Dès 1966, il ne peut plus enregistrer et se tourne vers la production de disques et le théâtre. Cependant, il tente un retour, mais les deux microsillons produits dans la première partie des années 70 sont de cuisants échecs.
Son épouse lui en adresse le reproche : "Admets que ta carrière de chanteur s'est arrêtée en 1964 !" Piqué au vif, il lance un pari à la femme, assurant qu'il connaitra un succès de palmarès. Alors, à toute vitesse, il écrit une chanson romantique, passe au studio pour l'enregistrer, malgré l'opposition de son gérant et de son musicien le plus fidèle. Louis gagne son pari : le 45 tours connaît un grand succès radiophonique.
Cependant, Louis réalise qu'il a fait un faux-pas, que cette chanson stupide ne lui ressemble pas et jure de ne jamais la chanter en public. Jusqu'à ce que...
Trois semaines après la prise de bec avec Jocelyne, La femme en rouge est sur le marché et je souhaite un échec. Hélas! Toutes les stations A-M, sauf au Saguenay, l’ajoutent à leur programmation matinale et j’obtiens mon premier succès de palmarès depuis 1964. Jocelyne me remet cent dollars, un détestable sourire narquois sur son visage. Un gribouilleur de journal à potins me téléphone pour me poser des questions horribles, comme qui est cette femme vêtue de rouge. Je mens jusqu’à la dernière seconde, avant un cri du cœur : « C’est une maudite chanson quétaine! » Ce qui devait être un entrefilet devient un article et une première page, avec une photo de moi-même pigée dans leur réserve et qui doit dater de cinq années.
Qu’importe, car mon gérant a des appels pour des spectacles, comme jamais il n’en a eu depuis… 1964. Cela me permet de tenter de présenter mes pièces personnelles, même si elles continuent à être ignorées. Le premier de ces spectacles a lieu à Valleyfield et après avoir installé nos instruments, nous poussons la porte d’un petit restaurant du coin et je me sens rougir en entendant la chanson au juke-box. Puis cette couleur devient écarlate quand un adolescent, assis à la table voisine, lance à sa blonde : « Plus niaiseux que ça, tu meurs! »
Pas terminé mon repas, m’enfuyant pour trouver un coin isolé et pleurer comme un gamin. Le soir même, quelqu’un réclamera cette chanson. Je sais que Jean la déteste. Les autres musiciens ne disent rien, car ils sont là pour accompagner, comme ils le feront pour un autre chanteur dans quelques mois. Avant le début, je leur dis que nous ne ferons plus jamais cette chanson. Nous réservons Mon espoir pour le bis, mais, ce soir-là, une spectatrice crie : « La femme en rouge! » Je garde silence, puis, dix secondes plus tard, la même voix, davantage plaintive, poursuit : « S’il vous plaît, monsieur Roy. » Cela me remue. Je fais signe aux autres de s’en aller, puis je la chante, seul au piano.