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Titre du blog : Mario Bergeron, romancier du Québec
Auteur : Marioromans
Date de création : 01-01-2016
 
posté le 11-01-2021 à 14:09:11

Émotion du romancier

 

 

Je viens de terminer la création du dernier roman de la série Grand-Regard, bien qu'il  me reste un épilogue important à écrire.

La scène finale est la mort de mon personnage. À l'origine, un autre dénouement avait été prévu, mais depuis décembre dernier, je ne pense qu'à cette nouvelle et étonnante dernière scène.

Au moment de la mettre en marche, au cours de la nuit du 11 janvier 2021, j'avais cessé d'écrire, puis passé deux heures à regarder mes feuilles, incapable de les approcher et ainsi faire mourir le personnage le plus extraordinaire de toutes mes créations. Puis vers 6 heures 30, je me suis lancé. Trois pages sans arrêt, interrompues par mon chagrin et mes larmes incessantes.

Je vis intensément avec Grand-Regard depuis avril 2017. En réalité, l'origine de la demoiselle est plus lointaine : en 2009-2010, lors de la création du roman Gros-Nez le quêteux. Le personnage y apparaît discrètement, dans un seul chapitre. Le quêteux, sur sa route d'errances, arrive dans un petit village et rencontre cette jeune demoiselle. Elle lui demande son nom : Gros-Nez. Alors, un peu par dérision, elle avait répondu : "Je m'appelle Grand-Regard."

 

 

Le roman a été accepté par les Éditions Marcel Broquet en 2015, publié l'année suivante, alors que je préparais une fiction à propos d'une jeune femme de 1905 ayant une relation avec l'esprit d'un homme d'une autre galaxie, tombé sur Terre sous une forme lumineuse.

 

 

Au salon du iivre de Trois-Rivières de 2016, un homme approche pour me faire part de son personnage favori de Gros-Nez : Grand-Regard. Alors, j'avais décidé que Grand-Regard serait le centre de ce texte. J'ai ainsi créé le roman Grand-Regard et la Lumière peu après et qui devait être un seul roman. Mais j'avais tant aimé la demoiselle que j'avais décidé que trois autres romans, racontant la vie entière du personnage, seraient de mise. Ceci a été fait entre 2017 et ce janvier 2021, bien que j'aie écrit d'autres histoires pendant ce temps.

 

 

Je ne pourrai jamais oublier Grand-Regard et la mise en oeuvre de ces quatre romans, moments précieux au cours de ma vie. Je tente encore de faire publier ces livres, refusés plusieurs fois, sans doute parce qu'on ne fait par intervenir une femme de 1905 avec l'esprit d'un extra-terrestre, mais les fictions vont beaucoup plus loin que ces seules séquences. Grand-Regard n'est qu'amour et créativité, étonnement et charme.

 

 

Voici la première présence de Grand-Regard, extraite de Gros-Nez le quêteux. Quant aux DEUX finales, je vous les présenterai et les expliquerai bientôt.

 

 

 

L’attitude de ce marchand confirme à Gros-Nez la pertinence de sa décision de vivre éloigné de l’humanité. Une jeune femme, témoin de l’altercation, sort de la boutique et presse le pas vers le vagabond. « Monsieur ! Monsieur ! » L’homme l’ignore, jusqu’à ce qu’elle ajoute : « Ce n’est pas un surnom ridicule, Gros-Nez. C’est joli. »  L’homme se retourne et sent son cœur battre en voyant un si charmant minois.

 

         « Mon frère a beaucoup de tabac et ne manque pas de travail pour gagner l’argent nécessaire à en acheter d’autre. Venez chez moi, je vais vous en donner.

         - Je vous remercie, mademoiselle, mais je vais me rationner.

         - Le tabac est le meilleur ami de la solitude. N’agissez pas en orgueilleux et suivez-moi.

         - Moi, orgueilleux ? » 

         Gros-Nez est intrigué de l’entendre parler de son frère à la manière d’un mari. La maison, modeste, est privée de décorations. Pas de papier peint aux motifs floraux. Des couleurs pâles remplacent les foncées habituelles. Aucune photographie austère d’un aïeul, comme partout ailleurs. Avant de penser au tabac, elle remplit une cafetière et dépose une bûche dans le poêle.

         « Je m’appelle Grand-Regard.

         - Grand-Regard ?

         - Si vous êtes Gros-Nez, j’ai le droit d’être Grand- Regard. Je sais où vous habitez. Du moins, je le présume. C’est une cabane à sucre abandonnée, dans la forêt, quelques milles au nord des limites du village. Vous marchez souvent cette longue distance pour venir acheter ceci ou cela chez le marchand. Je vais me ranger de son côté, pour une question : pourquoi de l’encre ? Qu’écrivez-vous ? Ne seriez-vous pas un peu poète ?

         - Vous êtes curieuse, Grand-Regard.

         - Vous aussi, Gros-Nez. Alors, je n’ai rien à cacher : cette maison appartenait à notre père, décédé voilà trois années. Ma mère l’avait précédé deux ans plus tôt. Mon frère et moi y habitons toujours. Il est chef de gare au village voisin et y couche en chambre, si bien que je suis seule ici cinq jours sur sept. J’étais maîtresse d’école, mais comme je ne me pliais pas à toutes les règles, les commissaires m’ont remplacée. Des biscuits, avec votre café ? »

         La rencontre dure un peu plus d’une heure, pendant laquelle Gros-Nez se donne un torticolis à force de suivre les mouvements saccadés de la jeune fille, qui s’exprime autant avec sa bouche qu’avec ses mains. La belle dit des choses inhabituelles, comme si elle vivait hors du temps présent. Elle lui a parlé des étoiles, des planètes, des herbes sauvages.