Nous sommes à Trois-Rivières, au début du 19e siècle, où vit Étienne Tremblay, jeune homme peu favorisé par la nature, car il est laid, a un défaut d'élocution et est bossu. Étienne est peu aimé par la population locale, croyant diverses superstitions relatives aux bossus et parce qu'il est le fils d'un père excessivement violent et d'une mère qui fut pendue. Étienne a eu des frères et des soeurs, mais ne les a jamais connus. Il ne sait pas leurs noms et les gens de la ville ne veulent pas lui en parler.
Étienne a épousé une femme aussi peu favorisée, car elle est muette, rachitique et a un visage ingrat. Irlandaise de naissance, elle a perdu son père dans son pays, puis sa mère, son frère et sa soeur sont morts lors de la traversée de l'Atlantique. Elle vit donc, du point de vue familial, la même situation qu'Étienne.
Un jour, cette Jenny réalise que c'est facile de connaître les prénoms des frères et soeurs disparus de son époux. Il n'y a qu'à demander au prêtre du lieu, car les religieux colligaient tout, dont les occasions de baptême. C'est ainsi qu'Étienne apprend les désignations des siens. Cependant, Jenny le sent encore morose. Or, la femme a un grand talent : elle dessine admirablement bien. C'est ainsi qu'elle dessine à sa façon les visages des enfants de la famille d'Étienne.
Un extrait de La Splendeur des affreux, un des romans les mieux réussis de ma part, malheureusement non commercialisé.
Il désigne ses frères et sœurs par leurs prénoms, se demande laquelle des filles était Antoinette ou Mary. Étienne s’amuse comme un enfant. Mon mari n’a jamais manqué d’imagination, mais cette fois, elle est atténuée par la vérité tant désirée : qui était qui ? Que sont-ils devenus ? En quelles circonstances sont-ils disparus ? Je participe autant à sa joie qu’à ses interrogations. Depuis longtemps, je lui ai présenté ma famille sur papier. Il me demande de sortir ces dessins de mon coffre. Il les disperse sur la table, autour de ceux de ses frères et sœurs. Je cours chercher les gobelets, les assiettes, les bols, les fourchettes. Notre premier repas familial!
Chacun apprécie ma cuisine, sauf Anne, si turbulente, ayant passé près de s’envoler avec le vent surgissant d’un volet. Pas très calme, mon petit frère Shawn! Je le remets à l’ordre en lui faisant savoir qu’il donne une mauvaise image de l’Irlande aux Tremblay canadiens. Étienne me recommande de ne pas me montrer si sévère et que l’occasion de la fête peut permettre quelques excès. Il invite tout le monde à une sortie! Comme chacun n’est pas trop lourd avec leurs âmes de papier, ils prennent place sous nos manteaux d’automne, près de nos cœurs. Ma petite bosse d’amour présente aux miens tous ces magnifiques paysages. Il les fait rire avec une chanson. Voilà mon père lui offrant une mélodie irlandaise. Les gens qui nous croisent, je le devine, doivent penser que nous sommes fous. Peu importe! Nous avons droit de montrer ce bonheur à notre famille dessinée. Dans plusieurs années, ces feuilles seront encore près du cœur d’Étienne, mais sa voiture sera pleine de nos propres enfants.
Commentaires
Je suis passé souvent à Chicoutimi, car mon premier éditeur était de cette ville (Jean-Claude Larouche). Par contre, je n'ai traversé la région du Lac St-Jean une seule fois, pour me rendre au salon du livre de l'Abitibi.
Merci de ton commentaire ! Moi aussi de je viens du Québec ( du Saguenay Lac St - Jean ) . J'aime bien venir lire tes extraits de livre . Passe une très belle journée.