Il y a plusieurs personnages réels de l'Histoire du Québec dans mes romans. Parfois, ils sont simplement nommés, à d'autres occasions, ils apparaissent brièvement (Maurice Duplessis, Samuel de Champlain) et, enfin, il y a des personnages marginaux, tout à fait réels, mais qui font tout de même partie du patrimoine socio-historique. Parmi les 'célèbres' : le curé Chamberland, Ralph Burton, Jackie et Rachel Robinson, ou Ludger Duvernay, dont j'avais parlé dans cet article :
http://marioromans.vefblog.net/2.html#Personnage_reel__Ludger_Duvernay
Voici Pierre Boucher, personnage colossal de l'Histoire du Québec. Bien que natif de France, cet homme consacrera sa vie au Canada. Explorateur, interprète (Il maîtrisait plusieurs langues amérindiennes) juge, capitaine de milice, seigneur, Boucher a écrit le tout premier livre sur le Québec. Il est décédé à plus de 90 ans, ce qui était très rare, au 17e siècle. De nos jours, des écoles, rues, places publiques, musés, tant de choses portent son nom, dont une municipalité : Boucherville. Bien sûr, il fut gouverneur du bourg de Trois-Rivières et, dans le roman Le pain de Guillaume, il entretient des relations avec mon héros.
Condamné injustement par un gouverneur, Guillaume croupit dans un cachot de Ville-Marie (Montréal) quand Pierre Boucher le visite pour lui annoncer de bonnes nouvelles.
Au milieu de septembre, Guillaume a la surprise de recevoir la visite de Pierre Boucher, capitaine et juge des Trois-Rivières. Sans roulement de tambour, l’homme lui annonce que l’ordre de sa déportation, signé par Duplessis-Kerbodot, est maintenant caduque depuis qu’il est lui-même devenu gouverneur du bourg.
Guillaume, ému jusqu’aux larmes, s’agenouille devant lui et prend sa main droite, après avoir s’être signé. Pierre Boucher lui ordonne de se tenir droit comme un homme.
«Je vous félicite, excellence, pour cette nomination. Depuis longtemps, j’ai pensé que vous étiez le meilleur homme pour devenir notre gouverneur. Je vous promets mon dévouement et mon obéissance, comme un humble serf le doit à son seigneur.
- Notre habitation n’est plus la même depuis ces massacres à cause de l’initiative peu instruite de mon pauvre prédécesseur. Les veuves pleurent autant que les orphelins. Notre unité s’est dissolue depuis cette victoire des Agniers. J’ai besoin de vous pour nous unifier à nouveau.
- De moi, excellence? Moi, un simple boulanger?
- Vous avez été le seul homme assez courageux pour tenir tête à cet insensé qui a mené la Nouvelle-France au bord du gouffre qui nous absorbera bientôt si nous ne sommes plus unis. Tout le monde parle de plus en plus de partir, mais votre amour pour les Trois-Rivières les fera demeurer. Seul Guillaume Tremblay, dit le Poltron, peut m’aider à rétablir notre unité. Si vous vous acquittez de votre tâche, monsieur, je vous octroierai une seigneurie.
- Je veux avant tout retrouver ma boulangerie, excellence.»
Guillaume a débuté cette journée sur la paillasse de son cachot et la termine sur le matelas douillet d’une chambre de la maison du sieur de Maisonneuve. Entre temps, il a accompagné Pierre Boucher pour une visite de ce magnifique bourg. À ses yeux, Ville-Marie est une réussite sans conteste et doit devenir un modèle pour les Trois-Rivières, si jamais Dieu permet aux habitants de survivre à cette guerre iroquoise que plusieurs Français considèrent comme l’ultime. Tôt le lendemain matin, Guillaume mange des fruits veloutés et boit une coupe du meilleur vin. Il fait ses adieux chaleureux au gouverneur qui l’a si bien traité, malgré tous ces jours au cachot. Quelques Hurons transportent le canot de Pierre Boucher jusqu’au fleuve, alors que Guillaume cherche les autres indigènes de l’escorte.
«Vous êtes venu ici seul?
- Oui, bien sûr.
- Le nouveau gouverneur des Trois-Rivières prend le risque de franchir cette distance considérable alors que nous sommes en guerre et que vous représentez une capture de choix pour les Agniers.
- Oui, monsieur. Les Hurons des Trois-Rivières sont plus utiles à ce bourg en demeurant là-bas. Et n’avez-vous jamais apprécié la grandeur incomparable de ce pays, alors que vous êtes seul face à cette nature et à son créateur? Il s’agit là, monsieur, d’une expérience du plus haut enrichissement.»