Mario Bergeron, romancier du Québec

posté le 23-09-2018 à 05:02:14

Accouchement au 17e siècle

 

 

Un extrait de Les secrets bien gardés. Nous sommes autour de l'année 1630 en Nouvelle-France et Marie-Anne, dite La Voleuse, va accoucher de son premier enfant. Pas facile! Aussi : un acte avec des habitudes aujourd'hui disparues et qui pourraient donner le frisson à plus d'une.

 

 

J'ai une bonne raison de me souvenir de l'instant où j'avais écrit ce passage. J'étais au salon du livre de Jonquière, filant vers ma pause et commandant un café au petit casse-croûte du centre commercial adjacent. Je sors mon stylo, commence à écrire quand, soudain : plus d'encre! Je regarde dans mon sac à dos : pas de deuxième stylo! Soudain, je vois un confrère attablé plus loin, lui demande : "Peux-tu me prêter un stylo? Je suis en train d'écrire un accouchement et ça ne peut pas attendre!" L'homme aimable me délivre et je peux continuer à écrire. À la fin, je retourne vers sa table, lui remet le stylo et fait : "Au nom de la mère et de l'enfant, je te remercie."

Quand Marie-Anne sent le moment venu, elle intercepte un garçon dans la rue pour lui demander de courir chercher la sage-femme et, sur le chemin du retour, qu’il arrête avertir Jeanne. En attendant, elle prend de grandes respirations, marche à petits pas, grimace, s’appuie sur la chaise d’accouchement en la regardant avec effroi. La douleur se fait plus intense et la voleuse va s’allonger sur le lit, se relève aussitôt qu’elle entend la porte ouvrir. C’est la voisine, mère du garçon, qui vient l’aider. 

 

La sage-femme suit quelques minutes plus tard. Elle se presse de fermer tous les volets, d’allumer le feu, alors que la voisine place des chandelles aux quatre coins de la maison. Le lit est approché de l’âtre et la femme ensevelit Marie-Anne sous des couvertures. Jeanne arrive avec des chiffons imbibés d’eau bouillante qu’elle dépose sur le ventre de la future mère, qui réagit en lançant un «Nom de Dieu!» peu de circonstances. Jeanne pousse sur le ventre, pendant que la sage-femme introduit ses doigts imbibés de beurre dans l’intimité de Marie-Anne.

Une heure plus tard, la pauvre crie encore, alors que les sueurs perlent sur son visage rougi. Parfois, les femmes la font lever et sautiller sur place, ce qui provoque chez elle des exclamations horribles. «Criez! Criez, Marie-Anne! Vos souffrances plaisent à Dieu! S’il ne vous voit point souffrir, il vous enlèvera la vie et celle du nourrisson! Ne vous contrôlez pas et criez!» Parfois, la sage-femme la fait asseoir sur un chaudron chauffé, avant qu’elle ne prenne place sur le banc d’accouchement. Marie-Anne gémit, maudit Samuel, insulte la sage-femme. Jeanne et la voisine crient tout autant, dans une exaltation rituelle qui stimule la future mère. Jeanne pousse encore le ventre, alors que la sage-femme lui dilate les parois avec violence. Marie-Anne se mord les lèvres jusqu’au sang dans un râlement atroce, suivi des cris du nouveau-né qu’elle n’entend pas.

L’enfant est emmitouflé dans le tablier de la sage-femme. Jeanne la regarde tâter vigoureusement le nourrisson, afin de le façonner, de s’assurer que tous ses membres sont normaux. Après avoir coupé le cordon qui a retenu si longtemps à sa mère, la femme place le petit être près de la cheminée.

 La voisine et Jeanne transportent Marie-Anne sur le lit pour la laver. Elle reprend conscience quelques minutes plus tard, hors de souffle, exténuée, sentant encore les atroces douleurs dont elle est pourtant délivrée. La voleuse jure que plus jamais elle ne souffrira autant. Jeanne sourit. Toutes les femmes disent ça. Vite, on lui apporte son nourrisson, dont la vue l’effraie quelques secondes, avant qu’elle ne le pose avec affection contre son visage. «C’est une fille, bien chère voleuse! »

 

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1. johnmarcel  le 23-09-2018 à 06:01:26  (site)

Dieu serait-il sadique au point de vouloir que la future mère souffre plus qu'elle ne doit ?

2. Marioromans  le 23-09-2018 à 06:36:56  (site)

C'est une double croyance de la société catholique de la Renaissance :
1)_ Il faut souffrir sur Terre pour mériter le bonheur éternel du Paradis.
2)- La femme est porteuse du péché d'Eve et est donc née pour souffrir.

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posté le 19-09-2018 à 05:17:19

L'Expo et l'amour

 

 

Momo et l'Expo raconte l'histoire d'un adolescent de 13 ans, ayant gardé des habitudes de son enfance. Un jour, il rencontre une fille de son âge, Marie-Claire, davantage cultivée et mature. L'adolescente attend avec fascination l'ouverture de l'Expo Terre des Hommes, tenue à Montréal en 1967. Elle fait entrer dans ce jeu le garçon, Momo, qui a un coup de foudre pour l'événement. Tout au long de l'été, Momo fait tout pour se rendre à l'Expo le plus souvent possible, à la manière de Marie-Claire. Terre des Hommes change la façon de penser de Momo, réalisant que le monde est plus riche et varié que les sports.

L'extrait : L'Expo doit fermer! Nous sommes au début d'octobre, alors que Momo et Marie-Claire décident de faire leurs adieux à Terre des Hommes, séchant leurs cours pour se rendre seuls à Montréal. Le plan fonctionne bien, sauf pour une température épouvantable et... Vous verrez !

 

 

 

L’Expo à nous seuls! En fait, il est possible que nous y soyons seuls… Pourquoi fallait-il que ce malheur humide vienne gâcher ce grand jour? Il ne manque que la grêle, mais j’aime mieux ne pas y penser, au risque de provoquer le destin.         

Notre liste de visites était trop longue. Nous l’avons réduite, lors d’une discussion dans l’autobus. En prenant une grande respiration, nous abordons le pont de la Concorde vers l’île Notre-Dame, et, au milieu, le vent pousse la casquette de Marie-Claire, tombant dans le fleuve. Je la coiffe de la mienne et presse le pas vers la terre ferme. Nous tournons vite pour rejoindre la Place d’Afrique. Une douzième fois, peut-être? Qu’importe, là-dedans, il y aura du soleil, mais nous avons surtout l’impression de réveiller les hôtesses, sans doute frigorifiées et rêvant déjà du retour dans leurs pays, où octobre est plus torride que notre juillet. L’effet ne dure pas longtemps : nous sommes des visiteurs et les sourires généreux sont de mise.         


Nous prenons le temps d’échanger avec une gentille hôtesse, pour lui dire jusqu’à quel point nous avons appris à connaître et à aimer l’Afrique grâce à ce riche ensemble de petits pavillons. Marie-Claire parle de sa correspondante. Je jure qu’un jour, je retrouverai la gentillesse africaine sur le continent même. La chaleur de mon cœur ne dure pas longtemps, car en sortant, c’est abominablement pire…        

En avant les braves et vite vers la Tchécoslovaquie! Nous devons revoir ces films projetés partout, ces personnages qui semblent apparaître dans tous les coins, comme si nous vivions au cœur d’une féerie. Cependant, nous sommes encore bloqués par le déluge. Nous demandons la permission de manger nos sandwiches dans le hall d’entrée. Entre deux bouchées, je mentionne notre prochaine destination : le Mexique. Marie-Claire sait comme c’est important pour moi, mais je sens dans son silence une réponse que je ne voudrais pas entendre : « C’est de l’autre côté de l’île. Nous allons congeler avant d’y arriver. »        

Elle ne dit rien, mais sa pensée a eu raison : nous sommes mille fois trempés en entrant sous la chaleur mexicaine. Tout près, il y a le Kaléidoscope, qui n’est pas sur notre liste, mais nous pourrons nous sécher un peu en regardant les lumières danser avec les miroirs. J’essaie d’encourager mon amie : « On s’en souviendra longtemps, de la pluie d’octobre lors de notre dernière visite. En fait, ce sera un beau souvenir. » Une réponse de nouveau sans mot : elle me tire la langue. Triste, je regarde le film.        

Notre prochaine destination est sur l’île Sainte-Hélène. Il pleut toujours, mais le vent a cessé son jeu cruel. Nous n’atteignons pas l’île, car Marie-Claire, sans me le demander, bifurque vers le pavillon de la Thaïlande, tout près, qui devait être le dernier à être visité. Puis, très soudainement, ce qui manquait au palmarès de la journée : le tonnerre et les éclairs. Marie-Claude crie. Moi aussi. Je mets les deux pieds dans une imposante marre et lance le premier gros mot de toute ma vie. Elle rit. Pas moi.        

L’hôtesse sursaute en nous voyant. Depuis tous ces mois, elle a dû voir des tas de gens différents et bizarres, mais nous sommes sans doute les premiers canards à pousser sa porte. Elle lève le petit doigt, nous demandant d’attendre. Elle revient trois minutes plus tard avec une boîte de papiers mouchoirs, tendus à Marie-Claire. Nous regardons tout précieusement, sachant qu’elle et moi avons eu le coup de foudre pour Terre des Hommes en ce lieu. Je me sens alors troublé de penser que tout ceci va disparaître.        

Nous remercions l’hôtesse pour son amabilité et traçons un plan pour nous rendre au pavillon des Indiens du Canada. Marie-Claire n’a pas dessiné dix pas qu’elle se met à pleurer très fort, en criant : « Je ne peux pas croire que c’est terminé! C’est impossible! » Alors, je me lance contre elle pour l’approuver, pleurer tout autant. Puis je vois ses yeux tristes et si touchants, je pense à tout ce que nous avons partagé depuis ce printemps, et j’ai le réflexe d’avancer mes lèvres vers les siennes. Soleil… Plein soleil… Chaleur bienheureuse. Je la tiens par la taille et nous marchons très lentement, seuls au Paradis terrestre.        

Nous abrégeons notre visite, décidés à nous réchauffer au terminus d’autobus. Pendant qu’elle est descendue à la salle de toilettes, je file à la tabagie avec l’espoir idiot de trouver une carte de Saint-Valentin qui n’aurait pas été vendue, en février dernier. Dans le véhicule, nous n’avons pas parlé de l’Expo. Nos mains sont demeurées soudées. Parfois, je passais un doigt dans ses cheveux. Marie-Claire se blottit contre moi et je suis devenu un… Non : pas un homme. Un adolescent. Plus de jeux dans les rues, plus de gamineries. L’Expo à jamais dans nos cœurs. Maintenant, tout sera beau pour toujours, au cœur de la liberté de la prochaine décennie.

 

Tags: #67 #expo
 


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posté le 15-09-2018 à 06:05:06

Plan pour Ce sera formidable

 

 

Ce sera formidable se déroule entre 1874 et 1900. Le thème est la modernité, obsession de mon héros Joseph. Il fut décidé que chaque chapitre se concentrerait sur une année et, bien sûr, sur un thème (Car tous les chapitres de tous mes textes sont thématiques). Ce qui devenait le moteur de chaque chapitre était une manifestation du modernisme, que ce soit une invention, une nouveauté, jusqu'à l'ouverture d'un commerce.

Pour ce faire, je devais consulter tous les journaux de Trois-Rivières, entreposés sur microfilms à mon université. J'avais alors pensé "Ah non..." car les journaux du 19e siècle sont quelque chose très aride à lire. Cependant, je savais qu'un des directeurs du département d'Histoire l'avait fait il y a plusieurs années. Monsieur Hardy avait peut-être été frustré parce que ce travail gigantesque n'avait pas été transposé sur fichier informatique. Bref, ces documents, écrits à la main, demeuraient dans son bureau et ce n'était pas le premier venu qui obtenait l'autorisation de consulter la chose.

J'avais dit à monsieur Hardy que je devais dresser une liste de tous les cirques et autres amusements du 19e siècle en sol Trifluvien, cela pour ma thèse de doctorat. Il a dit d'accord et a transporté tout ça dans un petit local. Nous étions en mai et la session d'hiver étant terminée, il y avait peu d'étudiants et de profs dans notre secteur. Je pourrais travailler en toute paix.

Je me suis mis à la tâche quand soudain, je sursaute, parce que je n'avais pas entendu René Hardy entrer. ¨Ça va, ta recherche, Mario?" Oui, oui... Je ne voulais surtout pas qu'il regarde mes notes par dessus mon épaule! Pour ma thèse : oui. Pour un roman? Il aurait refusé.

Après avoir pris en note ces manifestations du modernisme, je suis montè à la bibliothèque pour regarder les microfilms. Comme j'avais les dates, le nom du journal et le numéro de la page, ce fut plus facile. Tout de même, cela m'a pris trois jours.

Il y avait des années où il n'y avait rien de neuf. Alors, dans ces cas, je choississais un thème caractériel, la plupart à propos d'un membre de la famille de Joseph. C'est ce qu'on voit en bas : Lise, soeur de Joseph, perd son mari, doit retourner vivre chez son père, alors que Joseph se met en tête de lui trouver un nouvel époux.

 

Des années plus tard, lors d'un salon du livre, René Hardy avance vers moi et me dit : "Je m'en doutais que c'était pour un roman." Puis il a souri.

 

Cliquez pour mieux voir la modernité admirée par Joseph et voir les thèmes de deux chapitres.

 

 

Tags: #plan
 


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1. chocoreve  le 17-09-2018 à 15:53:23

La modernité un sacré sujet !
quelle étude au préalable !!!

2. Marioromans  le 17-09-2018 à 19:08:41  (site)

Les journaux anciens, je les ai parcouris tant de fois, pour ma thèse et mon mémoire de maîtrise!

Sauf que les journaux du 19e sont très ardus. La plupart des articles n'avaient pas de titres. Dans le document, je nomme le journal, la page, et le C désigne la colonne où ce qui m'intéresse est indiqué.

Pour un extrait où j'ai utilisé cette méthode, clique sur ce lien :

http://marioromans.vefblog.net/6.html#La_lumiere_electrique

édité le 17-09-2018 à 19:11:01

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posté le 12-09-2018 à 04:41:43

Lecture mélodramatique

 

 

Un extrait de Une journée, une rue, cent personnages, le roman qui m'a donné le plus de satisfaction dans ma vie. Nous sommes en 1949 avec une jeune adolescente qui prend à coeur la lecture de romans sentimentaux à deux sous. L'extrait est le chapitre complet, puisque les dits chapitres ont tous trois pages.


 



Craintive, elle approche de sa berçante et, nerveuse, met la main sur son roman, dont elle reprend la lecture immédiatement. « Je suis étranglée d’émotions en le revoyant lui jurer un amour éternel, la main sur le cœur, agenouillé devant elle. Il avait l’air si sincère et, trente pages plus loin, il la trompe avec la première roturière venue! Une fille de rien! Que va devenir l’héroïne? Je dois le savoir, avant de me coucher. »

 

La jeune femme lit les cinq paragraphes suivants en diagonale afin de connaître le destin de la pauvresse. « Ah non! Pas entrer au couvent à cause de l’infidélité de ce malfrat! Ne fais pas ça! Tu n’as pas la vocation et une femme de cœur comme toi a tant d’amour à donner! Tu souffriras davantage en devenant une religieuse! Ne le fais pas! Ne… D’ailleurs, elle ne le fera pas, car il reste soixante-dix pages… Mais c’est si triste! Ça y’est! Je pleure! Vite, mes mouchoirs! » +

 

La chambre de cette ouvrière du textile est remplie de romans à cinq sous, souvent glanés dans les tourniquets que l’on croise à la gare. Elle en consomme de façon effrénée depuis trois années. Passion d’amour, Tendre amour, La marquise et l’amour, Mademoiselle Amour, Amour sans fin et tant d’autres avec des titres semblables, sans oublier son chef d’œuvre : Tennis d’amour, où une spectatrice tombe en pâmoison devant un champion de la raquette, mais qui se révèle, à la page trente-sept, être un infâme bigame qui bat ses enfants. L’adolescente l’a lu six fois et pleuré pendant trois semaines.

À l’usine, le contremaître lui adresse la parole en disant Mademoiselle, ses camarades la nomment par son prénom, mais à la maison, son père et ses trois frères l’appellent Mouchoir. Sa mère n’oserait les imiter car, après tout, elle a aussi lu ces romans, sans pourtant déverser des torrents. « C’est un scandale! Consacrer trois pages à ce malfaisant et à sa dévergondée, pendant que mon amie pleure, a perdu l’appétit et le sommeil, puis pense encore au couvent. Je devrais me plaindre à la maison d’éditions et… À Paris, évidemment… Qui a écrit ce torchon? Lui? Encore lui? J’aurais dû me méfier! Sous prétexte de glorifier l’amour, ce gars-là méprise les femmes! Je me rappelle ce qu’il avait fait subir à la belle et courageuse héroïne de Malaise d’amour. Non! Trop, c’est trop! Je ne lirai plus jamais rien de cet auteur! »

 

 

Livre illico jeté à la corbeille, se noyant sous les mouchoirs de larmes. L’adolescente se redresse, renifle un peu, marche vers la fenêtre pour prendre une bouffée d’air. Il pleut de plus en plus. Elle regarde les piétons marchant rapidement, n’ayant pas pensé à se munir d’un parapluie. Elle note un jeune homme très mal vêtu, qui, au contraire, semble prendre son temps. Elle a un haut de cœur en le voyant. On dirait un vagabond. Il vaut mieux fermer la fenêtre avant qu’il ne la remarque. Elle décide d’enfiler sa robe de chambre et de se préparer pour la nuit quand, soudain… La corbeille… Le livre… Elle doit absolument connaître le destin de l’héroïne, mais jure de ne pas lire les passages mettant en vedette le bourreau des cœurs. Elle va voir vingt-cinq pages plus loin. « Un bal au château! Le comte a dû l’organiser pour plaire à sa fille et… voyons trois paragraphes plus loin… Voilà ce que je pensais : elle n’est pas intéressée. C’est pourtant si beau, toutes ces toilettes distinguées, puis l’orchestre qui va jouer une valse. Une page plus loin, peut-être… Un jeune capitaine de l’armée de Sa Majesté l’invite à danser et… Horreur! Il a perdu un bras à la guerre! Ça fait pitié! Pauvre lui! Je lis… Non! Pauvre lui! Mes mouchoirs, vite… »

 

 

Trois additionnels pour la séquence décrite quinze pages plus loin : la demande en mariage. L’héroïne semble mieux se porter, folle d’amour pour ce capitaine élégant et sensible. Cependant, l’adolescente découvre vite que le mécréant qui avait joué avec les sentiments de l’héroïne n’est pas disparu. « Écœurant! Trop tard, maintenant! Tu l’as perdue! C’était à toi de te montrer fidèle quand elle t’aimait! T’as du culot de te présenter au château! »

La curiosité étant ce qu’elle est… « Quoi? Provoquer le beau capitaine en duel? S’en prendre à un infirme? Bandit! Mais tu vas voir que même avec un seul bras, le grand cœur sait toujours viser. Oh! il faut que je vois ça! »Le capitaine est atteint à son bras valide et s’écroule! Voilà que l’héroïne sort son pistolet et abat l’ennemi. « Bravo! Elle a protégé son amoureux et s’est vengée de l’affront subi. J’aurais fait la même chose! Elle se précipite vers le blessé, l’embrasse. Comme c’est beau! Si beau! Le mariage! Je dois lire le passage du mariage. À la fin, assurément. »

La jeune fille tourne nerveusement les pages, échappe le livre, renifle encore en pensant à la somptueuse cérémonie, quand… « Quoi? L’échafaud? Pas pour elle, tout de même! Hein? Elle monte vers… la guillotine! Non! AAAAAAA! »

 

Hurlements! Niagara de larmes! L’adolescente, étourdie, se sent étouffée, se précipite pour ouvrir la fenêtre, crie davantage en voyant la jeune mal vêtu s’abriter sous sa fenêtre. Les parents, à bout de patience, ordonnent à la pauvre de cesser ces larmes et ces cris, de fermer la lumière et de se coucher. « Personne ne comprend quoi que ce soit à l’amour! Personne! La guillotine! Mes mouchoirs, vite! »

 

 


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1. chocoreve  le 12-09-2018 à 23:16:10

C est tout à fait ça, la lecture en diagonale pour aller plus en avant, et l idée que l on se fait d une suite à donner ! Le livre à la poubelle, ressorti ...
Pour quelqu'un qui lit très peu ? Bravo la description est parfaite !

2. Marioromans  le 12-09-2018 à 23:20:43  (site)

Quelqu'un qui lit très peu ? Moi ? Attention, je lis peu de romans, mais beaucoup de livres d'Histoire. D'ailleurs, je les dévore comme... des romans !

Les 100 histoires de 3 pages, pour les 100 personnages, présentent la forme classique de l'intro, le noeud, la conclusion et, vers la fin, je présente le personnage suivant. Ici : le jeune mal vêtu qui ressemble à un vagabond.

3. chocoreve  le 17-09-2018 à 15:42:39

Est-ce que tu as le même esprit critique pour un livre d'histoire, que pour un roman ?

Présenter un personnage en fin de roman, qui se trouvera dans le roman suivant, je trouve ça génial ! ... d'autant plus qu'il n'attire pas plus que ça l'attention du lecteur.

4. Marioromans  le 17-09-2018 à 19:05:56  (site)

Il s'agit plutöt de la fin des chapitres, et non du roman,

Oui, des livres d'Histoire, j'en ai croisé des mauvais et des moyens.,

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posté le 08-09-2018 à 07:05:49

Louis tourne à Hollywood

 

 

Un extrait de Louis Roy : Mon espoir, ma vie, ma carrière. Louis chante merveilleusement, joue du piano de superbe façon, sera un brillant animateur à la télé et à la radio et, cela va de soi, touchera au cinéma, d'abord localement, puis à Hollywood, avec des vedettes établies, cela à cause d'un contact de prestige, celui de Frank Sinistre, qui avait repris en anglais sa chanson Mon espoir. L'extrait se déroule en 1961.

 



 Descendre dans l’État du soleil et être attendu par une limousine avec valet et chauffeur est particulier, d’autant plus qu’à l’intérieur, il y a Frank Sinistre, qui me tend la main et un verre de whiskey, en me chantant Mon espoir dans sa langue.

 

« Content de te rencontrer, Frenchie. Ta chanson a été un million seller partout dans le monde. » Pendant ce séjour, je couche dans sa villa. Je n’ai jamais vu un tel château! Je lui fais cadeau de mes microsillons. Il s’empresse d’écouter. « Celle-là, je vais l’enregistrer. Écris-moi des paroles en anglais. Sur l’amour, hein! Toujours l’amour! »

 

L’homme m’explique que le film sera un navet, « mais avec trois têtes d’affiches, le public n’y voit que du feu. C’est le système Hollywood, Frenchie. » Le film, d’action, réalisé par Robert Baun, s’intitulera Saving America. Trois agents secrets tentent de coincer des espions soviétiques qui ont envahi le monde des courses, des casinos et du cinéma, afin d’attirer les révoltés vers le communisme. Trois histoires semblables, mises en parallèle. En plus de Beurk Lancaster, il y aura Cric Douglas. Les vilains : Ulf Gustaffsen, Pancho Rodriguez et moi-même.

 

Suite à mon arrivée, Frank m’accorde une soirée de repos, afin de m’installer confortablement dans une chambre princière. Le cuisinier me demande ce que je désire manger le lendemain matin. La vedette m’offre encore de l’alcool, désireux de connaître les péripéties de ma carrière et, bien sûr, il m’avoue adorer le Canada.

Le matin venu, nous rencontrons le producteur qui, à ma grande surprise, connaît tout de moi. Il a même vu certains des documentaires du BOF. Il faut croire que Hollywood a des espions partout. « Frank a confiance en vous, monsieur Roy. » Pourquoi donc? Le chanteur ne m’a jamais vu à l’œuvre, mais j’imagine que s’il a dit à cet homme que je jouerais dans le film, il valait mieux obéir à la vedette.

 

Logique de cette pensée : le réalisateur Baun ne semble pas ravi de me serrer la main. Je l’assure immédiatement que je suis prêt, que j’ai bien cerné mon rôle et répété mon texte, avec l’aide des Cupidons et de Jocelyne. Les comédiens du téléroman m’ont donné des conseils judicieux, entre autres pour avoir l’air fourbe, sans devenir caricatural.

 

Ensuite, nous nous rendons au studio pour regarder les décors, le matériel. Je dois avouer que c’est beaucoup plus vaste qu’un studio de télé, que les caméras me paraissent davantage modernes. Magnifique travail! Ils ont recréé une salle de jeu de casino dans les moindres détails. Ce sera mon domaine. Ceux pour le cinéma et l’hippodrome attendent dans un autre lieu. Tout sera tourné en pièces détachées, à cause de la disponibilité des comédiens. Frank me précise que Beurk Lancaster tourne deux films à la fois. Le chanteur semble amusé de voir mes réactions. « Bigger than Canada, hey Frenchie? It’s America! » Le tournage s’échelonnera pendant presque deux mois, mais ma participation sera terminée dans une douzaine jours.

 

Frank m’enseigne comment recevoir un faux coup de poing sur la gueule. « C’est une spécialité américaine. Même dans les films romantiques, il y en a un ou deux. » Je lui avoue que cette technique ne fait pas partie de mon curriculum vitae de comédien. « Tout ira très bien. Tu peux me faire ta tête de truand? Fantastique! T’as vraiment l’air d’un espion communiste! »

Tout fut terminé à temps. Expérience enrichissante! Je me suis frotté à des professionnels, de l’éclairagiste jusqu’aux maquilleuses. J’ai agi comme à la télé : obéir sans poser de questions. Le réalisateur Baun a apprécié. « Garçon, tu as de l’avenir au cinéma. Laisse-moi tes coordonnées. Je parlerai de toi à mes amis et on te fera sûrement signe sous peu. Tout le monde aura retenu ton visage, quand le film sera sur le marché. »

 

Tags: #cinéma
 


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1. chocoreve  le 11-09-2018 à 23:45:27

Quelle aventure dans ce monde "à part " ! ...

2. Marioromans  le 12-09-2018 à 04:35:49  (site)

Ce roman est plein de passages moqueurs.
Entre autres élément particulier : tous les musiciens que Louis engagera au cours de ses 50 années de carrière se prénomment Pierre,Jean, Jacques.

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