Malgré le plan de rédaction, il y a beaucoup d' improvisation dans chacun des chapitres. Dans Ce sera formidable, un des personnages les plus attachant est Monsieur Trou, qui n'était pas du tout prévu dans mon plan. Le jeune Joseph le rencontre une première fois alors que l'homme travaille à la pose de conduits d'égoût et mon héros le surnomme immédiatement Monsieur Trou, parce qu'il était dans un trou. Je l'ai fait revenir une seconde fois et décidé de le garder comme personnage. Même quand Joseph sera devenu adulte, le surnom survivra.
Monsieur Trou est passé d'ouvrier à policier, puis au mari de Lise, soeur de Joseph. C'est un homme calme, plus que souvent d'accord avec les explications et les fantaisies de Joseph, jusqu'au moment l'aîné le sermonne quand il désire quitter Trois-Rivières. En réalité, Monsieur Trou tient le rôle du frère aîné de la famille, que Joseph admirait beaucoup, quand il était petit. Ah, ne pas oublier que lorsque Lise donnera naissance à une fille, Joseph la surnommera Petite Trou. Voici la rencontre. Ceci se déroule au cours de la décennie 1880.
Après les maisons neuves de l’an dernier, qui donnent un air si magnifique à notre ville, des hommes posent maintenant des tuyaux de bois dans le sol, au milieu des rues, afin de faire circuler l’eau. Après, on pourra avoir de l’eau en tournant une poignée, installée dans notre cuisine. Plus besoin d’aller au puits et de la faire bouillir. Nous aurons de la bonne eau de tuyau. Cependant, le prix à payer consiste à voir des trous partout. Quand j’approche, les ouvriers passent leur temps à me répéter : « Attention, p’tit gars! Tu vas tomber dans le trou! » Eux ont le droit d’être au fond et pas moi? J’aime bien les regarder travailler. Ils sont sales et ont l’air de gamins qui s’amusent dans le sable. Les tuyaux sont beaux, mais je me demande s’ils ne seraient pas meilleurs en fer. Avec les années, on risque d’avoir de l’eau pourrie. De quelle façon vont-ils s’y prendre pour emmener l’eau du fleuve dans ces conduits et comment va-t-elle réussir à se rendre dans nos maisons? Ces mystères du progrès! Même les hommes dans les trous ne savent pas trop comment tout ça fonctionne. « Vous ne savez pas ce que vous faites, quoi! - Attention, p’tit gars! Tu vas tomber dans le trou! - Je savais que vous étiez pour me dire ça, monsieur Trou. - Il fait chaud. Tu ne pourrais pas passer chez toi et demander à ta maman qu’elle me donne une tasse d’eau froide? - Il n’y en a pas, dans votre tuyau? - Ce n’est pas encore branché. Fais-moi plaisir, mon garçon. » Je reviens avec mon gobelet et regarde ce jeune monsieur de haut. Il a l’air d’une souris et moi, d’un chat. Il tend la main et j’ai bien envie de lui tirer la langue. Il sait ce que je désire : descendre et voir tout ça de plus près. Merci, monsieur Trou! Il n’y a pas à discuter : ça, c’est du tuyau! Je pourrais m’y cacher. Tous sont raccordés et l’eau va pouvoir couler partout sous la terre. Mais ça ne me dit pas comment elle va réussir à monter jusqu’à nos cuisines. Et les poissons? Ce sera un peu noir pour eux, non? Monsieur Trou rit, me donne une tape sur les fesses et me conseille de remonter.
RÉSUMÉ :
Au milieu du 19e siècle, un riche américain décide d’établir une fabrique de meubles près de la rivière Saint-Maurice. Afin d’attirer sa jeune épouse au Canada, il tient sa promesse et lui fait construire une somptueuse maison. Quand cette Judith arrive, la maison en tombe immédiatement amoureuse, lui jurant confort et fidélité pour l’éternité. Cependant, la femme capricieuse déteste la vie dans ce coin perdu et met à exécution son projet de s’en aller. Dès lors, la maison attend le retour de sa Judith, demeurant fidèle à sa promesse romantique. Divers propriétaires se succèdent jusqu’à un déclin progressif de la maison, abandonnée au cours des années 1970. Mais voilà qu’un jour, une descendante de Judith fait l’acquisition de la pauvre habitation en ruines.
CARACTÉRISTIQUES : Un court roman de 250 pages environ, à la première personne, car la narration est l’œuvre de la maison elle-même. Conséquemment, il n’y a pas de dialogues (Vous avez déjà entendu une maison tenir une conversation avec quelqu’un ?) Un livre d’humour, mais aussi un récit d’amour, où les grandes lignes de l’histoire du Québec se dessinent par la voie des propriétaires de l’habitation. Je souligne qu’aucun être humain autre que Judith n’est nommé dans le roman et que le texte est inspiré d’une histoire véritable.
1. Maritxan le 19-03-2018 à 14:37:47 (site)
Je me répète, mais il faut dire ce qui est... tu as une imagination débordante ! J'ai toujours plaisir à te lire. De mon côté, mes blogs sont un peu à la traîne, car à l'approche du printemps, je vois une ribambelle de petits travaux à faire.
@+
2. MarioB le 19-03-2018 à 17:57:26 (site)
Le départ et un peu avant la fin, c'est inspiré d'un fait réel. Cette maison, je l'ai vue, lors d'un voyage organisé par un de mes profs d'université. Je l'ai vue, mais pas approché, car en ruines. Le prof a raconté l'idée de l'entreprise d'un riche anglais, sa promesse de faire construire à son épouse une maison somptueuse, puis la femme qui fiche le camp après deux années. J'ai extrapolé et inventé le reste.
Quelques jours plus tard, je passe au bureau de mon prof et lui demande de me parler de cette maison. Il m'a regardé et, sourire en coin, il m'a dit : Tu veux écrire un roman, pas vrai ?
Malgré son originalité, ce texte a été refusé par des éditeurs, dont un m'a dit la vérité : "Le public et nous n'aimons pas les romans sans dialogues."
Les romans de la série Tremblay portent beaucoup la marque de mon passage aux trois niveaux universitaires en histoire. On m'a enseigné à bien lire les manuels de cette science, à faire des recherches, cela même où il ne semble exister aucune source.
Ceci est évident dans l'extrait de L'Héritage de Jeanne. Ce passage se déroule en 1942, alors que mon personnage Renée exprime son amour pour sa ville de Trois-Rivières, et plus particulièrement pour la rue des Forges, du centre-ville, alors artière commerciale. J'ai donc reconstitué la rue de ce moment et y fait déambuler Renée.
Comment ai-je fait? Avec un annuaire téléphonique commercial de l'époque. Le temps d'une trentaine de minutes, j'ai pris en note les adresses des établissements de la rue, les ai remis en ordre et j'avais mon plan d'époque. Il ne me restait qu'à écrire le texte, que voici.
J’aime bien la rue des Forges, en fin d’avant-midi. Comme nous sommes samedi, elle est envahie par des gamins et des fillettes en congé d’école qui viennent flâner ou rêver devant la vitrine de People’s ou face au cow-boy de l’affiche du Rialto. En semaine, à l’heure de l’ouverture, il y a un calme inquiétant, brisé par l’arrivée du premier autobus, transportant un flot de femmes avec tout dans la tête et rien dans le sac à main. Elles font comme leurs enfants et rêvent devant la vitrine de Gasco ou de Clark Gable affiché à l’entrée du Capitol. Le soir, alors que les petits se préparent au dodo et que leurs mamans sont retournées au tricot, la rue des Forges devient le rendez-vous de la jeunesse. Les jitterbugs se mêlent aux ouvrières du textile et pas une vitrine n’attire leur attention, bien qu’elles s’attardent irrésistiblement devant l’une des trois salles de cinéma. Leurs rêves nichent ailleurs, habituellement au détour d’un regard vif jeté sous le chapeau d’un beau garçon. La jeunesse se retrouve au café Bouillon, chez Ernest ou chez Child’s, à dépenser quelques sous dans le juke-box ou à boire un Cola, prétexte pour connaître celui ou celle face à soi. Ils parlent de la guerre, d’Hitler, du rationnement, de l’aviation ou de la marine, ne se rendant pas compte qu’ils parlent avant tout d’amour sans se le dire. Que de mots superflus ! Des façades pour masquer la gêne première de se dire qu’on se trouve de son goût.Oh, cette rue des Forges ! J’ai visité Montréal et sa grande rue Sainte-Catherine et je jure qu’elle ne peut battre notre rue des Forges. Mon père me dit qu’au cours de sa jeunesse, c’était la Notre-Dame qui lui procurait cet effet. Les temps ont vite changé : il n’y a que les gens qui veulent acheter qui vont dans la rue Notre-Dame. Quel jeune y perdrait son temps ? C’est bon pour les vieux snobs de Corona Cigar ! Un centre-ville, est-ce vraiment fait pour les emplettes ? Je la connais tellement par cœur, ma rue des Forges ! Du coin de Notre-Dame, jusqu’à la rue Royale. Tous ces grands édifices, la plupart construits en 1908 et 1909 après le grand incendie de Trois-Rivières, semblent pareils. Pourtant, je les trouve si différents.
L’été, chaque commerce se coiffe d’un petit auvent multicolore qui fait penser à un parapluie, prêt à nous procurer de l’ombre en cas de chaleur, et pour nous protéger la tête d’une pluie inattendue. Nous nous sentons si bien sous cette ombrelle, immunisés de la hauteur de l’édifice et contre les gros mots des hommes qui chialent parce qu’ils ne trouvent pas à garer leur automobile devant le magasin où ils veulent acheter. Parmi nos commerces, il y a les gloires locales : Bergeron et ses bijoux, Labelle et sa peinture, Gasco et sa fourrure, Héroux et ses photographies, Caron et ses chaussures, Loranger et ses clous. Tous des Trifluviens importants, ou qui croient l’être. Ils distribuent des cartes de visite et des sourires comme des politiciens en campagne électorale. Ils plantent un cigare dans le bec de leurs meilleurs clients. Ils ne font cependant pas le poids devant les grands magasins d’origine anglaise : F. W. Woolworth, Zellers, Kresge. Des vêtements ! Des jouets ! Des manteaux ! Des disques et des livres ! Des outils ! Tout ! Et sur un seul étage ! Ces grands espaces nous évitent les propriétaires, leurs cartes et leurs cigares puants. En prime, chaque magasin à grande surface a son comptoir-lunch. Je sais ! J’ai mon Petit Train et je suis une habituée de Christo, à cause de Sousou. Mais déguster une limonade au comptoir de chez Zellers, c’est tellement différent ! Il y a le bruit des caisses enregistreuses, le murmure des clients derrière nous, le grand miroir avec ses affiches claironnant que « Coke, c’est la vie », nos sacs sur le plancher qui nous empêchent de déposer nos pieds, et la pauvre serveuse obligée de tourner sans cesse dans un couloir trop étroit. Et les bavardages des magasineuses ! Rien de plus délicieux que d’écouter ces femmes ! « Chez Rennett, c’est moins cher qu’au Royal. T’as vu les tomates chez Dominion ? Bien moins mûres qu’au marché aux denrées ! T’as noté qui est sorti de l’hôtel Saint-Louis ? Mais oui ! La Duquette ! On sait bien ! Son mari n’est pas capable de la mener et ça va à la messe une fois sur trois ! » Quelle drôle de musique que celle du comptoir-lunch de chez Zellers ! Rien de pareil nulle part ailleurs. Il y a pourtant des commerces sur la rue Saint-Maurice, près du Petit Train et quand, en après-midi, des femmes viennent se désaltérer dans mon restaurant, j’entends des conversations dépourvues d’importance, mais sans ce soupçon de merveilleux propre à l’effet provoqué par l’abondance de la rue des Forges, par le bruit des automobiles et des autobus, par ces trottoirs que tout le monde foule depuis des années. La rue des Forges est Trois-Rivières ! Quand un étranger descend d’un train et entre dans mon restaurant, il a souvent la tête en girouette avant de me demander : « Où est le centre-ville ? », sachant que ce petit coin de la rue Champflour ne peut être Trois-Rivières. « C’est la rue des Forges, le centre-ville, monsieur. » Cinq fois sur dix, l’étranger en a entendu parler. Ce sont des gens de la Mauricie, de Shawinigan Falls, de Grand-Mère, de Nicolet. Ils ont leurs artères commerciales, là-bas, mais ils savent que rien ne vaut la des Forges.
Je n'en ai pas tellement fait... C'était une simple question de transport. La bibliothèque de Saint-Hyacinthe, entre autres, m'avait demandé deux fois, mais l'autocar pour s'y rendre, avec arrêt à Montréal, ne retournait pas dans la métropole le soir même, si bien qu'il aurait fallu coucher dans un hôtel. Je me souviens de la rencontre de Shawinigan où le public présent consistait en... une personne! Tout ça pour le leurre de "se faire connaître" typique de ma phase avec le premier éditeur.
Les deux réussites se sont produites à Montréal, devant une classe pleine de gens intéressés, puis à Valleyfield, pour le compte d'un club de lectrices du nom de Bouquineuses. Il y avait aussi une rencontre dans la bibliothèque de la ville. Non seulement cela avait été annoncé dans leur journal local (ci-haut), mais en plus du cachet, on avait payé mon transport et mon gîte, dans une maison du 19e siècle. On se sent alors très flatté.
L'activité que je présentais consistait à révéler les secrets derrière la publication d'un roman. Alors, j'apportais mon brouillon, le contrat d'édition, des photocopies de courriels entre l'éditeur et moi-même. Je me souviens surtout que les gens étaient impressionnés par le brouillon, car même à ce moment-là, beaucoup de personnes étaient étonnées d'apprendre que j'écrivais ces romans à la main, et non dans un ficher informatique. Puis, à la fin, je faisais un tirage du roman en vedette. Je me sentais à l'aise de parler devant un public. Même avec une idée de base, il y avait surtout de l'improvisation.
J'ai cessé ceci après ces six années avec les Éditions JCL. Une bibliothèque de ma région m'a offert une tribune en 2016, mais j'ai refusé, tout comme des gens de la Côte du Sud, qui organisaient une fête du pain et attirés par le titre de mon roman Le Pain de Guillaume. Bon cachet, transport payé mais... Non merci.
Ah, je me souviens tout à coup d'une anecdote. Lors de la mise en marché du tout premier livre, en 1996-97, j'étais passé dans deux écoles, dont une avec un public plutôt jeune et lors de la période de questions, une fille m'avait demandé pourquoi j'avais situé mon histoire au Moyen-âge, c'est-à-dire entre 1900 et 1908 !
2. Marioromans le 15-03-2018 à 18:01:27 (site)
Hmmm... Je ne comprends pas trop le sens de cette remarque relativement à cet article.,..
Merci tout de même pour la visite.
En 1969, un garçon de treize ans se rend au stade de baseball de Trois-Rivières pour applaudir la nouvelle équipe des Aigles. Dès le début de la rencontre, une balle est frappée avec puissance et l'atteint dans le front. Le garçon meurt immédiatement. Cependant, il se réveille dans le stade déserté, cherche en vain à sortir. Il a la surprise de revenir à la vie quand une joute est présentée, pour tout de suite retourner à son état de fantôme dès la partie terminée. Il passera ainsi 45 années.
Je suis fier de ce texte parce qu'il ne déroule à 95 % que dans un seul lieu. Content aussi car malgré le sujet, ce n'est pas un roman sur le baseball. C'est à la fois tragique et drôle, un peu science-fiction, mais de façon terre à terre. Voici un extrait où les gens se rendent compte que l'adolescent décédé est toujours vivant. Photo ci-haut : le stade où mon héros a passé tant de décennies sans jamais pouvoir en sortir.
Six jours plus tard et je suis encore là. Six! J’ai raté une semaine d’école et je n’ai eu aucune nouvelle de mes parents. J’ai tenté de fracasser les vitres des portes, de briser la clôture et j’ai même grimpé sur une des tours d’éclairage pour me jeter de l’autre côté. À chaque occasion, il ne se passait rien. Le monde existait pourtant à l’extérieur! J’entendais les automobiles passer sur le boulevard du Carmel, je voyais les religieuses dominicaines se balader dans leur jardin. Quant au personnel du stade, il n’y avait rien à faire avec eux! Le pire moment de cette semaine a été quand j’ai mis la main sur le journal local et que j’ai vu une photo de mes parents lors de mon enterrement. Même le maire de la ville s’en est mêlé pour dire qu’il était désolé qu’un tel drame se soit produit au stade. Et le drame que j’existe toujours et que personne ne me voit ni ne m’entend? Est-ce qu’il va faire la première page du Nouvelliste? Ils en ont même parlé à la radio. Oui, j’entends très bien! Je touche tout et ressens le froid ou la chaleur des objets! Je peux même manger, pisser et… Mais aussitôt que je termine un sac de chips, il se remplit et se ferme comme par magie. Et ma tête dans le miroir, est-ce que c’est un esprit? Si je me pince, ça me fait mal. Le gars qu’ils ont enterré, ce n’est pas moi! Impossible! La vie se poursuit pour tout le monde, n’est-ce pas? Les Aigles ont gagné deux fois, perdu une autre rencontre à Québec et Carlos a solidement cogné la balle. Il semble que les joueurs vont porter un brassard noir pendant un mois pour honorer ma mémoire. La belle affaire! Je suis d’ailleurs dans le vestiaire quand l’équipe arrive pour renouer avec ses partisans. L’instructeur Nick Testa fait un long discours, dont je ne comprends que quelques mots épars. Mon English is encore juste en neuvième année, you know. Tout ça se termine par des « Come on! Come on! » et les hommes qui frappent solidement le creux de leurs mains. Qu’est-ce que j’ai à perdre? Je vais regarder la partie. Après tout, l’autre, je ne l’ai vue qu’une demie manche! Et puis, je n’aurai même pas besoin de payer mon billet d’entrée. Il y aura foule et sûrement qu’un spectateur arrivera à me voir. Oh! voilà une minute de silence en ma mémoire… « Bande de niaiseux! Bande de niaiseux! » Je ne devrais pas hurler une telle chose, mais comme je sais que personne ne m’entend… Je m’assois près du siège fatal. Voici la présentation de nos Aigles en défensive. L’organiste se met à l’œuvre. Carlos recommence son jaspinage vers ses coéquipiers. « Playball! » de crier l’arbitre. Ils ont arrêté tout de suite, regardant en ma direction. J’ai nettement vu Carlos devenir blanc, arrondir les yeux, échapper son gant, avant de tomber dans les pommes. Hourrah! Je viens de ressusciter! Vite! Dehors! Je cours dans la rangée, ignorant les hurlements des femmes en ma direction. Je traverse le lobby comme une flèche, me précipite vers la porte et… Impossible d’ouvrir! Je pousse, frappe! Rien à faire! Encore cette sensation du mur invisible infranchissable! Une autre issue! Le grand patron des Aigles m’intercepte. Ah! cette fois, il me voit! Ça fait des jours que je lui parle, l’engueule. Sans oublier tous ses employés ayant subi un pire traitement. Personne ne m’empêchera de sortir de ce stade! Mes parents doivent être rongés par une inquiétude épouvantable parce que quelqu’un a enterré un gars en leur faisant croire que c’était moi. « T’es le jumeau de Daniel Raymond? » Qu’il me fiche la paix, cet homme! Je dois m’en aller! Je me lance partout, bondissant sans cesse contre les points de sortie, même par la grande porte du paddock, entièrement ouverte, assez large pour laisser passer un camion. Tout le temps, l’homme des Aigles me poursuit, ordonnant de demeurer calme. « Nous allons agir de façon rationnelle, mon garçon. Je vais téléphoner chez tes parents, la police et les ambulanciers qui sont venus te chercher lors de l’ouverture de la saison. » Rationnel, mon œil! Je ne suis pas mort! Il le voit très bien, non? Voilà les deux responsables de l’entretien qui m’immobilisent. La police arrive avant mes parents. Les agents me posent des questions stupides et ne croient aucune de mes réponses. Ils me regardent comme un délinquant immonde qui aurait monté le pire canular de tous les temps. Quand mon père et ma mère se présentent, les flics passent en dernier lieu. Maman crie et pleure, m’ouvrant les bras. Papa semble abasourdi. « T’es mort! Je ne suis pas fou! On t’a mis en terre! » Tout le monde me confirme ce que j’ai vu dans le journal : j’ai une pierre tombale dans le cimetière Saint-Louis, tout près d’ici. Mon père me montre une photo de moi dans le cercueil et je me sens alors très, très mal…Ah! et puis au diable, tout ça! Je prends le bras de ma mère et marche fermement vers la porte et me cogne dans le vide de l’extérieur. Un policier, plus jeune que ses confrères, suggère de monter sur son dos pour sortir, sous prétexte que mes pieds ne toucheront pas le sol. Ça ne fonctionne pas : je demeure en dedans, alors qu’il est dehors. Je réponds à ses questions. Oui, j’entends tout ce que les gens disent quand ils ne me voient pas. J’entends tous les sons de l’extérieur. « Je crois que tu es bel et bien mort, Daniel, mais que tu as une vie parallèle ne dépassant pas les limites de ce stade. Ne sourcille pas, car tu n’es pas seul au monde. J’ai lu un article, il y a quatre ou cinq années, sur un homme de l’Oklahoma mort d’une crise cardiaque dans un centre commercial. Sauf qu’il ressuscite quand les boutiques sont ouvertes. Il devient esprit lors de la fermeture. » Moi et les histoires d’esprit! Je lui fais remarquer que lors de mes disparitions, je me vois très bien dans le miroir. Je mange! Je parle et m’entends! Je fais pipi! Je pousse toutes les portes de ce stade, sauf celles menant dehors. Le policier m’écoute attentivement, les doigts sur le menton.
La discussion s’éternise et personne ne voit arriver la fin de la partie. Alors, je disparais et je vois tous ces gens devant moi devenir pâles, après avoir hurlé à l’épouvante. Ma mère est hystérique, pleure comme une cinglée. Les spectateurs arrivant des estrades se demandent ce qui se passe. Je me lance dans le dos d’un costaud, qui ne ressent rien, et, bien sûr, il sort, alors que moi… Dans ce tumulte, seul le jeune policier demeure calme.
1. johnmarcel le 12-03-2018 à 07:01:11 (site)
Triste car ça me fait penser à ce jeune supporteur de l'équipe de hockey-sur-glace de Dunkerque de 9 ans tué lorsqu'il a été touché par un palet renvoyé par un joueur au début de 2014.
édité le 12-03-2018 à 07:01:56
2. Marioromans le 12-03-2018 à 08:46:23 (site)
Ce sont des choses qui arrivent rarement.
L'idée m'est venue au stade, parce que je prenais place assez près de l'action (sur les bancs tout juste au dessus de ce qui est jaune) et une fois, une balle frappée dans ma direction a été évitée de justesse. Elle arrivait très rapidement ! Sur les bancs orangés, il y a moins de chances d'un incident, car la balle a l'habitude de monter et de ne pas arriver comme une flèche. Mais tout ça n'est pas monnaie courante.
3. hazel le 14-03-2018 à 00:05:23
Très intéressants, continue Mario
4. Maritxan le 14-03-2018 à 19:33:01 (site)
L'histoire n'est pas très réjouissante, mais je t'avoue que j'ai envie de connaître la suite. Je trouve ce scénario très intéressant. Ton imagination est débordante...
@+
5. Marioromans le 14-03-2018 à 19:42:43 (site)
Au début, il est un peu révolté. Mais, progressivement, il se fait à la situation. Les gens du stade lui préparent un petit coin douillet et le public, tout autant habitué, accepte sa présence. Il se met à faire des trucs dingues, comme manger 45 hot-dogs, sans que cela ne le fasse sourciller, car un fantôme n'a pas de corps. Ses amis le visitent, sachant qu'il les voit. Alors, ils se réunissent pour fêter, écouter de la musique, avec les gars assis face à une chaise qui, pour eux, est vide. Son seul contact avec le monde extérieur provient de la télévision et de la radio.
Puis un jour, bien plus tard, un jeune chat le voit. Le seul être vivant pouvant apercevoir le fantôme. Son existence change alors, mais quand le chat meurt, après des années, le choc est si grand que mon héros retourne à la vie et peut sortir du stade. Il est alors âgé et ce qu'il voit dehors le décourage beaucoup...
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