De tous mes romans publiés, celui-ci est celui que j'aime le moins. Je ne l'affirme pas avec le recul, car même l'année de sa mise en marché, en 1998, ce récit me faisait pousser des boutons. Je dois préciser qu'à ce moment, j'achevais d'écrire la série Tremblay et que, chemin faisant, j'avais pris des initiatives davantage créatrices et originales que ces deux textes rédigés en 1992. De plus, j'ai déjà expliqué mon allergie à ce titre qui m'a été imposé par l'éditeur.
Le roman d'époque porte le nom de 'roman historique'. Je n'ai jamais compris pourquoi. Quoi qu'il en soit, tel qu'il est, ce texte est plein d'erreurs socio-historiques. De plus, j'avais eu la mauvaise idée de parsemer l'ensemble de mots vieillots, sans doser, ce qui devenait agaçant.
L'éditeur Jean-Claude Larouche avait décidé de présenter deux romans dans chaque livre. J'étais d'accord avec lui. Dans le cas présent, je reprenais le texte de Tremblay & Fils, avec deux chapitres nouveaux et beaucoup de corrections. Ça peut aller, mais quand on arrive dans la seconde partie, il y a une nette baisse de qualité, s'expliquant par le fait que deux éditeurs étaient passés par ce texte, dont le premier m'avait fait enlever une soixantaine de pages, si bien qu'il y a des passages inégaux relativement à ce qui se déroule vingt pages plus loin.
Il va de soi que depuis, j'ai apporté des modifications : corriger les erreurs, enlever le vocabulaire ancien, puis écrit une troisième partie, se concentrant sur un aspect féminin, absent des deux premières sections. Le roman ayant été huit années sur le marché, j'en ai vendu un certain nombre et à chaque fin d'impression, je demandais à monsieur Larouche de considérer mes améliorations, ce qu'il refusait toujours.
En 2017, les Éditeurs Réunis, ayant récupéré le catalogue de Jean-Claude Larouche, me font signe pour rééditer Petit Train en format poche. J'accepte à condition qu'ils impriment le roman amélioré. Ils n'ont pas voulu, disant que le modèle 1998 était bien. Alors, j'ai refusé.
Ceci est la version européenne du roman. Monsieur Larouche avait pris une entente avec cette maison française pour 'échanger' des romans. Les Parisiens ont accepté celui-ci, puis Perles et chapelet, et c'est tout. Ils en ont vendu autour de 6000 copies chaque, ce qui, au Québec, m'aurait permis de me classer parmi les best-sellers. Cependant, pour la France et l'Europe francophone, c'étaient deux échecs. Je me souviens de cette jeune romancière française qui avait traversé l'Atlantique pour participer à des salons du livre du Québec. Elle avait trouvé tout ça beaucoup plus difficile qu'en France.
L'extrait. Je l'aime bien. En juin 1908, près de la moitié de la ville de Trois-Rivières disparaît dans un incendie. Le piège aurait été d'expliquer comment, de décrire ce qui se passait. La réaction de la famille Tremblay était davantage réaliste : ils avaient peur, ne savaient pas précisément ce qui arrivait et s'étaient refugiés au loin, sur les berges de la rivière Saint-Maurice.
Nous n’entendons rien, sinon le murmure des gens agenouillés, récitant frénétiquement leurs prières. Parfois, un sanglot étouffé de petite fille surgit pour nous effrayer. Ma mère nous retient par les épaules et ses lèvres répètent le même Je vous salue, Marie, pendant que Louise opte pour une infinité de Notre Père. Mon regard se porte vers l’eau claire de la rivière Saint-Maurice, coulant doucement avant de se jeter dans le grand fleuve Saint-Laurent. Toute cette paisible eau chantante, alors que l’horizon se déchire en murs de fumée : Trois-Rivières brûle en ce lundi 22 juin 1908.
Adrien veut s’échapper, désirant prouver qu’il est un homme en partant au secours des amis, des voisins, des connaissances et des inconnus. Cependant, à quinze ans, le voilà condamné aux berges du Saint-Maurice avec le reste de ma famille. Pauvre Adrien, prisonnier des femmes et des enfants, alors qu’il demeure impuissant devant cette opportunité de montrer sa valeur. Les hommes, les vrais de vrais, travaillent à aider la population de Trois-Rivières. Notre père Joseph nous a ordonné de ne pas quitter ce lieu sécuritaire.
« Allez, les enfants ! Agenouillez-vous pour prier encore le bon Dieu ! » ordonne Louise. Mes lèvres remuent en mimant une prière, mais je regarde surtout l’eau de la rivière, toute cette eau qui pourrait éteindre le feu qui tue ma ville. Soudain, Jeanne m’offre un clin d’œil plein d’espoir et me demande candidement si l’école des filles va brûler. Un petit rire d’innocence et d’insouciance au cœur de ces instants effrayants.
Non loin de nous, une femme tombe à genoux, les bras en croix en hurlant « Ma maison ! Ma maison ! » De notre position, nous voyons les flammes surgir du ciel de l’ouest et du centre de la ville. Mon foyer natal crépite sans doute comme une bûche dans un poêle… Je pense soudainement à la scène de maman quand, il y a près d’une année, papa nous avait annoncé ce déménagement près de la gare, loin du quartier Saint-Philippe. Comme nous tous, elle avait pensé à ce qui serait maintenant éloigné : le Petit Carré, l’église, le parc Champlain, le marché, les écoles, la terrasse Turcotte et sa belle vue sur le fleuve, les grands magasins de la rue Notre-Dame. Papa prophétisait que l’avenir de Trois-Rivières serait vers le nord. Les flammes ne semblent pas toucher notre nouveau lieu de résidence…
En 1993, j'ai créé un roman intitulé Entre deux enfers, à propos d'un adolescent de Trois-Rivières au début du 20e siècle. Ayant aimé l'expérience, j'avais poursuivi avec un autre récit, cette fois sur la soeur de mon héros. C'est à ce moment que j'ai décidé de créer une série couvrant entièrement le siècle, avec le personnage Roméo, devenant centenaire au cours des années 1990. Le premier roman débutant en 1908, il me manquait donc l'épisode 1900 à 1907, l'enfance de Roméo. C'est pourquoi j'ai écrit ce roman, Tremblay & Fils, un peu, je l'avoue, comme un 'bouche trou'. Bref, ce qui est le premier de la série a été écrit en troisième.
Le roman a été présenté, un peu malgré moi, à un concours régional, dont le prix était la publication du texte. J'ai gagné un prix, hors catégorie. J'aurai donc un véritable livre sur le marché. L'organisme de ce concours n'était pas une maison d'éditions, mais des gens fabriquant du matériel pédagogique, dont des livres. Leur nom était CERRDOC, de Shawinigan.
Le roman a été commercialisé en 1996. Il fut le seul avec un dessin de page couverture représentant une scène du récit. Le distributeur a fermé ses portes quelques mois plus tard, si bien que je n'ai aucune idée du nombre qui a été vendu et, cela va de soi, je n'ai pas été payé. Je me suis servi de Tremblay & Fils pour tenter de trouver un véritable éditeur. J'ai ai déniché... deux!
Mon sentiment, avec le recui : ce roman porte la marque de mon amateurisme. Il est cependant rigolo, car le récit est avant tout enfantin. J'avais toujours écrit par moi-même et l'avenir allait m'enseigner beaucoup de leçons pour devenir un véritable romancier, ce que je n'étais pas au moment de ce livre. Le roman est sans doute le plus rare de mes publications.
La page couverture avait été dessinée par une femme de La Tuque, collaboratrice du CERRDOC. J'avais cependant suggéré à ces gens qu'une personne adolescente soit l'auteure du dessin, l'organisme s'adressant à la jeunesse. Avec l'aide d'un prof de mon ancienne école, j'avais pris contact avec un garçon, qui a offert ce que vous voyez et qui a été refusé par le CERRDOC. On peut constater que l'idée est la même.
Comme extrait : L'enfant Roméo est craintif, mais la peur la plus repoussante de sa vie s'est produite au marché public de Trois-Rivières.
Roméo soupire d’impatience, ferme les paupières pour mieux rêver à ses pommes quand, soudain, Joseph s’immobilise devant un comptoir. En ouvrant les yeux, le garçon tombe face à face avec un tonneau décoré d’une immense tête de cochon. Il hurle d’effroi et part à la course, poursuivi par son père, obligé de le traîner à deux mains. Roméo, les yeux sortis des orbites, abîme la robe de sa mère par un mouvement continuel des ongles, scène que Joseph et le boucher trouvent amusante.
« C’est vrai qu’il est gros votre cochon, mon ami.
- Deux cent vingt-cinq livres, monsieur.
- Non? Ça, c’est du cochon!
- Imaginez tout le bon jambon que j’ai pu en tirer. Puis les cretons, les filets et le boudin. Pensez à tous les mets délicieux que votre épouse pourra préparer avec cette tête. J’ai même fabriqué deux blagues à tabac avec la vessie.
- Nous avons surtout besoin de jambon.
- C’est celui de ce cochon que je vous offre au meilleur prix, monsieur.
- Vrai? C’est bel et bien la viande de ce cochon?
- J’ai fait boucherie ce matin même, monsieur, avant le chant du coq. »
Ce matin, alors que Roméo se réveillait dans la douceur de ses draps, ce gentil gros cochon rose pataugeait dans ses immondices quand soudain, tel un loup, ce boucher, avec son cigare vissé dans le bec, surgissait pour lui planter son énorme couteau aiguisé en plein cœur avant de la dépecer en riant. Pire que tout, il a cisaillé cette tête, afin d’attirer l’attention des passants du marché. Cette tête géante qui ne cesse de surveiller Roméo, même si le garçon garde ses yeux fermés, s’agrippant sans cesse à sa mère, respirant avec peine et prêt à éclater en sanglots.
Le père de Roméo décidera de se porter acquéreur du cochon le lendemain, permettant ainsi à son garçon de faire un horrible cauchemar. Le moment venu, l'homme oblige son fils à vaincre sa crainte et doit l'accompagner au marché. Roméo tremble en voyant cette tête, mais trouve au fond de lui-même le courage de peser sur l'horreur, faisant s'enfuir une volée de... vers. Il n'était pas si frais, le cochon!
1. chocoreve le 27-10-2018 à 23:27:48
L’idée n’est pas la même … sur la dernière couverture, la petite fille est au premier plan, c’est elle qui retient l’attention.
La scène concernant le cochon, je l’ai vécue … avec en plus, le souvenir des cris de la pauvre bête.
2. Marioromans le 28-10-2018 à 04:18:08 (site)
La différence est que mon porc est mort.
J'aurais aimé que le jeune gagne la palme avec son dessin, car c'était un bon gars, puis ma visite chez lui avait semé l'enthousiasme chez ses parents. J'admets cependant que le dessin choisi est meilleur.
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Le véritable titre de ce roman est Cheveux longs et cheveux gris. Les fleurs de Lyse était le titre de la seconde partie du volume. Aucune trace d'un personnage de ce prénom dans les 300 premières pages. Il s'agit d'une version d'un court roman que j'avais créé en 1990.
Les deux textes formant l'ensemble sont caricaturaux et se concentrent sur la jeunesse des années 1960 et 1970. Dans ce dernier cas : des macramés, que l'on appelle baba-cools en France.
L'histoire se concentre dans un café étudiant un peu bohème, constitué de bric à brac, dans le local jadis connu sous le nom de Petit Train, dans la série Tremblay. Les propriétaires en sont Clément Tremblay, jeune homme d'affaires sérieux, et son adjoint, Dur, un colosse ancien joueur de football. Le lieu porte le nom de La Pitoune. Il s'agit des billots de bois coupés par des bûcherons et qui flottaient sur la rivière Saint-Maurice, près de Trois-Rivières.
Une bande d'hurluberlus s'incruste à la Pitoune. Popeye Castonguay, pusher du lieu, et son chat Acide. Jean-Michel Michel, dramaturge amateur. Nelligan Veillette, poète raté et playboy. Sylvie, petite-fille de la peintre Jeanne Tremblay, gentiment irresponsable et qui fera partie d'un groupe musical folklorique du nom de Ah Ben Coudon. Enfin, Loulou, petite amie de Clément et rockeuse de son état.
Le personnage donnant son nom au roman est Lyse L'Anglais, cuisinière de la Pitoune, se spécialisant dans les recettes des ancêtres. Lyse est féministe, têtue, excitée, gueularde et ne vit que pour l'indépendance du Québec. Elle adore les fleurs et tout ce qui est profondément québécois, dont le langage joual, qu'elle est pourtant incapable de parler. Son activité favorite : tenir tête à Clément. Il va de soi que Lyse demeure dans une commune hip.
L'extrait : Lyse invite Clément à visiter sa commune.
Clément garde un long silence, puis se demande pourquoi il accepte une si étrange invitation. Peut-être parce qu’il se sent heureux d’avoir triomphé de sa têtue. Lyse prend place dans l’auto et hurle d’effroi quand Clément met la radio et qu’une chanson en anglais se fait entendre. À la place, elle se met à chanter Mon pays, de Gilles Vigneault. Il a le goût de fredonner un air de Jimi Hendrix, mais change d’idée. Ce serait maladroit de gâcher cette journée où Lyse semble dans des dispositions amicales.
Les sept jeunes qui habitent avec Lyse, dans cette maison de campagne de Pointe-du-Lac, ont tous en commun le désir de retrouver leurs racines ancestrales et, conséquemment, ils sèment à la main et labourent avec une charrue attelée à un cheval. « C’est plus écologique », d’expliquer Lyse. Elle présente Robert, agriculteur et propriétaire de la maison, qui porte une barbe lui chatouillant presque le nombril. Il est assisté dans son labour par Colombe Oiseau, poète naturaliste. Voici Paul, drop-out professionnel, qui revient d’une expérience mystique aux Indes, entreprise en 1967 après avoir entendu le disque Sgt. Peppers des Beatles. Line Rolando est artisane, spécialiste en pots de terre. Elle s’occupe du jardin de Lyse en compagnie de Marc-André Ouellet – surnommé Mao, d’après ses initiales – syndicaliste militant, actuellement en chômage. Juliane Brouillette cultive les enfants : cinq à ce jour, tous de pères différents. Le tableau est complété par Binta, femme-noire-africaine-battue-obèse-handicapée-féministe-lesbienne-assistée-sociale-et-mère-célibataire. Elle fait aussi du ballet jazz. La maison ressemble à la Pitoune, avec ses fleurs, ses drapeaux québécois et ses photos géantes de René Lévesque et de Félix Leclerc. Lyse vient de cuisiner des grands-pères dans le sirop, un délice du terroir qu’elle offre amicalement à Clément en s’assoyant sur un vieux sofa fleuri et éventré qui trône sur le perron, près d'une glacière antique.
« Clément Tremblay, j’dois t’parler sérieusement.
- Je t’écoute.
- As-tu ta carte ?
- Ma carte ?
- De membre du Parti québécois. Es-tu abonné au journal Le Jour ?
- Je suis apolitique.
- Faux, Clément Tremblay ! Seuls les lâches se disent apolitiques. »
Elle bondit comme une puce sur un dos de chien, gesticule et vocifère, s’arrête soudainement pour demander, sur un ton horrifié, si par hasard il ne serait pas du côté de Bourassa, le persécuteur et traître. Clément hésite longuement avant de répondre, sachant qu’un oui ou un non ferait basculer Lyse dans un autre discours interminable. Le regard de feu de la cuisinière réclame un aveu.
« Non, mais je ne le trouve pas si persécuteur. Son projet hydroélectrique de la baie James, c’est très bien.
- Et les forêts ? Et les rivières ? Et les Indiens ?
- Comment, les Indiens ? »
Elle rebondit et recommence ses sermons, avec une telle véhémence que bientôt la moitié de ses compagnes et compagnons approchent pour convaincre Clément du bien-fondé de la cause indépendantiste. Exaspéré, Clément vient près de clamer haut et fort son respect pour le Canada, mais il craint que cette gaffe entraîne la démission de Lyse et ferait ainsi baisser son chiffre d’affaires. Se sentant coincé, Clément accepte d’assister à une séance publique des membres du Parti québécois.
Deux anecdotes : Marc-André Ouellette était le nom d'une connaissance de mon adolescence et ses initiales sont devenues son surnom : Mao
Juliane Brouillette est le nom d'une fidèle lectrice de Québec et je lui avais promis que je le citerais dans un de mes romans. Ceci est arrivé à quelques occasions.
Ce que vous voyez, je l'ai fait pour la plupart de mes romans et obligatoirement pour tous ceux de la série Tremblay. Celui-ci était pour Ce sera formidable. Dans la colonne de droite, il y a l'année. Puis, en haut, les noms des personnages de la famille en cause, avec leurs âges selon l'année. Ceci est important pour situer certaines actions, qui sont, par exemple, logiques pour une personne adulte, mais pas pour une autre adolescente. Cette feuille était insérée dans le machin que je transporte, avec les feuilles du roman.
Toujours pour le même roman. Un aide-mémoire indiquant les prénoms du mari ou de l'épouse des personnages de la famille. La deuxième flèche indique le nom des enfants que ces couples ont eu. Il y a aussi les métiers des hommes. Pas que je me servais de tout ceci, mais au cas où la chose était nécessaire, j'avais une référence! 'Sais pas trop pourquoi j'ai indiqué les deux chansons du répertoire du patriarche Isidore...
1. chocoreve le 15-10-2018 à 18:16:21
Waouh ! ça en fait des secrets de dévoilés ! ... c'est impressionnant ce qu'il faut de méthodes ! ...
et ce doit être vraiment énervant d'avoir le refus d'un éditeur, après autant de travail ... comme par exemple pour "la maison amoureuse" sous prétexte de gens qui n'aiment pas quand il n'y a pas de dialogues ! ...( bien entendu pas comparable avec une saga, mais quand même !)
2. Marioromans le 15-10-2018 à 18:53:49 (site)
Je considère que mes trois romans les plus satisfaisants n'ont pas de dialogues. La maison amoureuse, c'est très simple, mais avec de l'originalité et je suis certain que ce titre aurait pu plaire au public.
J'ai de plus en plus l'impression que les éditeurs cherchent un équivalent de feuilletons télévisuels.
À propos, pour Ce sera formidable, je n'avais pas pris en note les noms de l'imposante famille de Marguerite. La correctrice s'en était rendu compte. "Tu nommes une femme que tu n'avais pas nommée lors de la rencontre entre Marguerite et Joseph." Ceci me laisse deviner que les correctrices prennent aussi beaucoup de notes !
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Mais où trouvez-vous votre inspiration, m'sieur Bergeron ? Le roi des cadeaux est une version romancée d'un travail de recherche dans le cadre d'un de mes cours universitaires. Le Palace, de Trois-Rivières, était un cinéma qui a ouvert ses portes au début de la grande dépression des années 1930, cela dans un quartier ouvrier fauché par le chômage. Les propriétaires font donc appel à un vétéran des salles montréalaises, réputé pour relancer les salles en difficulté : Alexandre Sylvio.
La vie du Palace a duré l'équivalent de deux années, de 1930 à 1932. Pour le travail, j'ai consulté toutes les pubs de la salle, pris en note les événements qui s'y sont déroulés et, ce faisant, je me suis rendu compte que Sylvio, son adjoint Eddy Gélinas et les comédiens de vaudeville (Ti-Pit, Fifine et Ti-Phonse) étaient d'extraordinaires personnages de roman. La pub, contrairement à celles des autres salles, était fabriquée localement par Gélinas et Sylvio lui-même, ayant recours à de l'argot et ayant le sens de la formule. Il se surnommait Le roi des cadeaux, parce que les tirages (de nourriture, entre autres) représentaient sa façon d'attirer le public.
Donc : un roman basé sur des faits et des personnages réels, avec une approche amusante et avec beaucoup de dialogues. Voici un dialogue entre Alexandre Sylvio et Eddy Gélinas, préparant une publicité. L'échange est basé sur une publicité qui a existé.
Comme salle indépendante, le Palace ne bénéficie pas des vignettes somptueuses de Famous Players pour annoncer les films. Alexandre n’a surtout pas l’intention de payer pour ce service. Il a toujours eu sa propre façon d’élaborer la publicité, lui permettant de se démarquer des autres salles. Deux fois par semaine, il dicte à Eddy le contenu de ces réclames et le jeune homme doit aller porter ces brouillons au typographe du journal Le Nouvelliste. En premier lieu, Eddy ne comprenait pas pourquoi son patron faisait exprès pour parsemer ses phrases de fautes de français, d’anglicismes, de tournures orales. Cette semaine, pour la première fois, Alexandre utilise le surnom Roi des Cadeaux à la suite de son nom. C’est qu’il a des montres soi-disant en or à faire tirer!
« Je me demande si les chômeurs ont réellement besoin de montres, Alex.
- Et la fierté personnelle, mon Eddy? Je leur offrirais n’importe quoi qu’ils viendraient quand même. Et puis, ça se revend, une montre.
- D’accord.
- Là, tu mets le nom des vues principales.
- Sur une seule ligne?
- C’est en masse. Qui sont les vedettes?
- Ken Maynard et Joe E. Brown.
- Marque : Vue comique et drame de l’Ouest. Si c’est une vraie vedette, tu mets son nom, sinon, ça ne vaut pas la peine. À moins que… Tiens! C’est ça! Marque Ken Ménard! M-É-N-A-R-D. Ça fait plus local et le monde va s’identifier à ça.
- Comme tu voudras.
- Pour les titres des pièces, tu prends cinq lignes. Insiste sur Ti-Pit et Fifine. Tu joues dans ces pièces?
- Dans Ma tante est en ville. Je suis le propriétaire de l’immeuble.
- Marque Poléon avec Ti-Pit et Fifine. Ça va être beau, cette annonce-là.
- Pas un peu trop surchargé, non?
- Au prix qu’on paie, j’en mets pour la peine. Va me porter ça au Nouvelliste, mon Eddy.»
Le Palace n'a pas réellement fermé ses portes. La salle a été vendue au distributeur montréalais France-Film, qui la rebaptisera Cinéma de Paris et sera ouverte jusqu'à ce qu'un incendie la détruise, circa 1987.
Curieusement, une douzaine d'années plus tard, Eddy Gélinas sera le personnage principal d'un feuilleton radiophonique, mettant aussi en vedette les comédiens de vaudeville du Palace.
1. chocoreve le 14-10-2018 à 16:21:41
Ça ne semble pas si simple que ça de trouver l'inspiration ! ... il en faut du travail ...
c'est amusant quand tu vas sur le net, en 5 conseils, tu y arrive facilement ... dont celui qui m'amuse le plus, celui de trouver le "bon endroit" pour écrire ...
bisous
2. Marioromans le 14-10-2018 à 19:32:56 (site)
Le plan de ce roman, sa chronologie, c'était le travail d'histoire. Exemples : l'arrivée de Sylvio, des comédiens de vaudeville, le léger incendie de 1932, les concours d'amateurs, les tirages de cadeaux, etc.
Le Palace fut le premier ciné de ma ville à accueillir le père Noel !
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Commentaires
1. chocoreve le 29-10-2018 à 13:26:14
On ne fait vraiment pas ce que l'on veut dans ce domaine !
Quand on ignore l’histoire et que l’on prend le texte en son début, on pense que les personnes se trouvent à des obsèques … des sanglots, des prières et malgré tout un regard qui se porte vers l’eau claire, une eau paisible et chantante …
2. MarioMusique le 29-10-2018 à 18:23:05 (site)
Un peu plus tard, une femme de la ville a situé son histoire au moment de l'incendie, sauf qu'elle le décrit exactement comme les journalistes du temps et les historien du futur l'ont perçu. Ça ne va pas du tout.
Il n'y a que mon dernier éditeur qui n'a pas fait de vagues avec le contenu des textes. Mais les cas suivants ne sont pas aussi pires que celui-ci.