Au cours d'une quinzaine d'années, je me rendais dans un foyer pour personnes âgées en perte d'autonomie, où mes parents ont terminé leurs jours, dans un climat sain, où travaillaient des femmes admirables. Le lieu n'avait rien de démoralisant. J'y ai même vu des faits amusants, puis je me suis familiarisé avec la réalité de la vieillesse, et aussi celle de la génération de mes parents.
Pour ma mère, c'était une ou deux fois chaque semaine et donnait lieu, de sa part, à un certain rituel. Ce qui m'avait étonné était son amitié pour une femme, madame Lafontaine, alors que maman avait eu peu d'amies au cours de sa vie. De plus, madame Lafontaine, expansive, était à l'opposé du caractère de ma mère, personne discrète. Photo ci-haut.
Je me suis alors demandé ce qui arriverait aux gens de ma génération qui atteindraient cette étape. Ceci nous mènerait à 2044. L'idée d'écrire un roman, en 2013, sur ce sujet est venue naturellement. Il portait le titre Manon, depuis changé pour Madame Club-Sandwiche. La dernière année de vie d'une personne de 89 ans, Manon, anciene femme d'affaires dans le domaine de la restauration.
Le personnage Manon n'est pas un portrait de ma mère. Par contre, madame Lafontaine, sous le prénom de Sylvie, est semblable à la copine de maman. J'avais parsemé le récit de faits réels dont j'avais été témoin au foyer, dont plusieurs vécus par ma mère, décédée en 2019.
Je suis en train de faire une relecture de ce roman pour l'améliorer et à chaque fois que je croise un de ces faits, je me sens ému, presque troublé. Par exemple, maman fabriquait des fleurs avec des papiers mouchoirs, coloriait beaucoup, ce que j'attribue à Manon. Tout comme maman, Manon adorait le perroquet Délima, appartenant à la responsable de la zoothérapie. Maman, chaque vendredi, cognait à sa fenêtre en me voyant approcher. Manon le fait aussi, quand un de ses enfants la visite. Chaque fois que je croise un de ces faits, je cesse ma lecture pendant quelques minutes. En visite à la ferme de la zoothérapeute, ma soeur avait pris cette photo, qui, dans le roman, devient ce qui suit.
Un œuf! Un œuf tout chaud, gracieuseté de madame Poule. Je n’avais jamais vécu une telle chose, moi l’urbaine. Elle était pleine, puis s’est vidée et, aussitôt, cet œuf était entre les mains. Émouvant! Si demain matin, on me sert des œufs au déjeuner, je vais refuser de manger. « Très beau, maman! Ce sera parfait! » Je n’ai pas eu à répondre à la demande de sourire, car Patricia a croqué sur le vif ma réaction joyeuse. J’ai hâte de voir cette photo.
Qu'est donc la vie de personnes âgées en 2044 ? La société a beauucoup changé. Il n'y a presque plus de téléviseurs. Internet est devenu Ultranet et on croise des métiers comme Irréchaire et un objet du nom de Chulybe. Un des pensionnaires est un ancien guitariste tatoué d'un groupe heavy-métal et Sylvie adore écouter la musique du "bon vieux temps" : Led Zeppelin et Black Sabbath. Lors d'un accouchement, un ordinateur remplace le médecin. L'on parle avec effroi des années de rectitude politique, se demandant comment les gens pouvaient vivre avec tant d'entraves, dont un scandale public datant de 2024 et qui, conséquemment, changera profondément la société, redonnant la liberté aux gens et chassant la peur, présente sans cesse dans les médias et à chaque coin de rue.
Le foyer de mon roman porte le nom de Primerose et les employées ont toutes des prénoms de fleurs : Myrtha, Jasmée, Anise, Liserine, Églantine, etc. Primerose n'a qu'un seul employé masculin, un homme à tout faire du nom de monsieur Lafleur.
Pour un autre extrait de ce roman :
http://marioromans.vefblog.net/1.html#Extrait__La_radio_et_les_Beatles
Grand-Regard note un arbre qui a l’air triste : « Ne pleure pas de sève. L’été reviendra et tu rencontreras des feuilles qui t’aimeront sincèrement."
Difficile second accouchement. Douleurs et cris. Prenant son garçon dans ses bras pour une première fois, elle lui lance : « Voyou ! »
« Aller sur la lune, d’accord ! Mais pas dans le fleuve ! »
La petite Adèle se plaint à sa mère qu’elle a mal au ventre. « Approche. Je vais faire sourire ton ventre. »
« Appelez-moi Grand-Regard, en toute simplicité. »
« Les modes sont futiles, et moi, je peins l’éternité. C’est plus long »
« Vendre des toiles ? Jamais! Quand je serai morte, si quelqu’un de ma descendance décide de vendre mes créations, je vais ressusciter pour lui dire ma façon de penser et lui cogner les fesses. »
« Le temps ne s’écoule pas : il court. »
Grand-Regard explique sa situation de femme enceinte à ses enfants : « J’ai un ballon qui court dans mon ventre. »
Grand-Regard vient d’accoucher de jumeaux. On lui demande souvent de quelle façon les différencier : « Facile. Robert fume la pipe et Jeanne prépare des tartes. »
« Les poissons ont des oreilles très sensibles et plus d’un m’a avoué être séduit par mon chant. »
Grand-Regard est une consommatrice de café. Arrêtant au restaurant de l’hôtel pour s’en délecter, elle constate ceci : « Comment, vous n’avez plus de café ? C’est cruel ! »
Grand-Regard écrit des contes pour enfants. Elle décrit ainsi son style : « Une nouvelle option pour vivre ailleurs que sur Terre. »
« Nous sommes tous des histoires. »
Pour d'autres citations :
http://marioromans.vefblog.net/31.html#Les_citations_de_GrandRegard
1. fabienne_fafa le 03-11-2020 à 22:54:23 (site)
bonsoir Mario
merci pour ton petit com chez moi, passe une bonne semaine.
bises.
Le vagabond Gros-Nez cache son passé, sauf un épisode de son adolescence, alors qu'il avait passé deux étés chez un oncle habitant Manchester, au New Hampshire. C'est là que le garçon découvrira le baseball, passion absolue de son existence.
Dans Ce sera formidable, il tente d'enseigner ce sport à des bûcherons. Dans Petit Train du bonheur, l'homme devient l'arbitre lors d'une joute entre enfants. Mais c'est dans Gros-Nez le quêteux que cet amour devient davantage présent.
Dans son sac de misère, on trouve une balle de baseball. Quand tout va mal, qu'il a passé, par exemple, une journée sans manger, il sort la balle de son sac, la lance au loin, marche vers elle, la reprend et la relance. Cela lui permet d'oublier ses soucis. Cette manie est basée sur quelque chose que j'ai vécu. Alors que je sortais du stade de Trois-Rivières avant la fin d'une rencontre, une balle projetée hors du stade est tombée non loin de moi. Croyez-moi, le type qui a frappé cette balle avait de la force, car non seulement fallait-il qu'il la sorte du stade,mais il elle devait franchir une longue distance. Alors, j'avais pris cette balle pour la déposer dans mon sac à dos. Elle y est encore, près de vingt ans plus tard.
Gros-Nez joue autant qu'il le peut, travaille comme arbitre, rêve du sport et se rend deux fois à Boston pour assister à une rencontre de profesionnels. Il trouvera la mort en désirant encore atteindre Boston pour assister à un match.
Dans la séquence de l'extrait : nous sommes en 1907 et Gros-Nez se rend à Montréal pour assister à une partie de l'équipe mineure du lieu, mais il pleut beaucoup. C'est alors qu'il rencontre un joueur autant peiné de l'annulation de la joute. Au fait, ce joueur a existé, même si je ne le nomme pas, un parti-pris de ce roman. Il s'agissait d'un franco-américain ayant joué dans les majeures et qui poursuivait son rêve au niveau mineur.
Approchant du stade, le quêteux a l’impression de marcher vers le désert. Déception! Comme un petit garçon, il se répète que ces athlètes ne se laisseront pas impressionner par un terrain détrempé. Le guichetier, obligé de demeurer à son poste pour renvoyer les hardis, donne un autre son de cloche : « Ce n’est pas les grandes ligues des États-Unis, ici. » Gros-Nez demande de voir le terrain. Refusé! « Payez, allez vous installer, puis revenez une demi-heure plus tard et je vous rembourserai. » Ces règlements…
Comme c’est beau! Aussi joli qu’à Boston! Cette verdure! Ces belles estrades! Malgré l’absence de gens, le lieu semble animé par une âme. Soudain, le quêteux voit un joueur, avec son magnifique uniforme. Gros-Nez se lève, l’applaudit. L’homme, étonné, salue de la main. Le vagabond prend le risque d’approcher de la clôture, afin de peut-être lui parler en anglais.
« Beau terrain, n’est-ce pas?
— Les seuls vrais terrains, ce sont ceux des grandes ligues. Quand on y a joué et qu’on arrive à Montréal, c’est comme recevoir un coup de poing sur la gueule. Qu’est-ce que je pouvais faire d’autre? Je dois jouer afin de retourner là-bas, leur prouver qu’ils ont eu tort de me mettre à la porte.
— Vous… Vous avez joué dans les grandes ligues?
— À Boston et à Brooklyn.
— Merveilleux!
— Vous le dites! Notez bien que je frappe solidement, à Montréal, et que je terminerai peut-être la saison avec une équipe des États-Unis.
— Et vous êtes le seul en uniforme sur le terrain.
— Il y en avait quatre autres, tantôt, mais ils sont partis. Le champ extérieur ressemble à une rivière.
— Pourquoi être resté?
— À trente-cinq ans, je ne dois rien rater. Quand tout sera terminé, je vais redevenir un homme sans rêves. Aussi bien profiter de chaque seconde aujourd’hui, même si je sais que les Royals ne joueront pas.
— J’ai espéré le contraire avec la plus grande foi du monde.
— Vous me plaisez, monsieur. Allons prendre un verre ensemble.
— Est-ce que… Est-ce que je pourrais descendre sur le terrain? »
Gros-Nez s’endort dans un champ du nord de la ville, ne ressentant ni le vent ni le froid. En suçant son pouce, il a pensé à ce moment où il était installé au milieu du terrain, une casquette sur la tête et un gant de professionnel dans sa main droite. Puis, il a lancé des balles avec cet homme unique qui gagne son pain en jouant au baseball et qui a été applaudi par d’immenses foules aux États-Unis.
Parce que je me montrais aimable avec les gens visitant les salons du livre, parce que je laissais mon adresse de courriel aux visiteurs, j'ai reçu un certain nombre de messages semblables, lors de ma participation intense à ces événements, entre 1998 et 2004.
Avec le recul, je ne me souviens plus trop de ces personnes et des circonstances. Ce n'est pas le cas de cette femme. Comme indiqué dans son message, elle travaillait dans une bibliothèque. J'ai souvent revu cette femme, au salon de l'Outaouais. Elle revenait d'année en année. À une occasion, elle avait apporté les copies des romans pour que je les dédicace à la population de sa petite ville. Par contre, j'ai oublié son nom !
2. Marioromans le 13-10-2020 à 16:29:42 (site)
En quelque sorte. Cela faisait vraiment plaisir.
3. chocoreve le 14-10-2020 à 05:56:21
Quel retour formidable. Comme ça doit être plaisant...
4. Marioromans le 14-10-2020 à 17:19:20 (site)
C'était il y a 20 ans.
Nous sommes en 1949. Carole Tremblay, jeune mariée, est enceinte de sept mois. Semble-t-il qu'elle n'ait pas du tout apprécié cette expérience... Je souligne que mon personnage a un handicap à la jambe gauche.
Le bébé se manifeste. D’abord intriguée et émerveillée par ces coups de pied, Carole croit maintenant que ce petit être l’agresse, lui fait mal. Elle est prise de fatigue tout le temps, craint de faire un effort et marche misérablement. En aidant sa mère du mieux qu’elle le peut, Carole fait un faux pas et tombe, hurle de douleur et braille comme une gamine qui vient de s’écorcher un genou sur le trottoir. Céline la transporte vers son lit et lui éponge le front. La future maman croit qu’elle n’a plus d’équilibre, que sa jambe gauche ne peut supporter le poids du bébé, installé dans ce bassin fragile. Le médecin, trois jours plus tard, l’assure que tout ceci est le fruit de son imagination. Carole ne l’écoute pas, et se crée sa propre thérapie en essayant de bouger le moins possible.
« Patate, tu t’inventes des histoires, ma sœur. Moi, à sept mois, je dansais le boogie woogie au salon.
- Tes jambes sont normales, Renée.
- Nous y voilà ! Encore les gros complexes d’infériorité !
- Ce n’est pas vrai ! C’est lourd ! Je mange mal ! Je dors mal ! J’ai chaud! Je vomis ! J’urine sans cesse ! Tous mes membres me font souffrir ! Je suis abominable à voir ! Mon ventre est zébré d’épouvantables grosses veines répugnantes !
- Tu as oublié les diarrhées.
- Oui ! Surtout la nuit !
- Des milliards de femmes ont porté des enfants et il faut que ma sœur soit la première grande exception. Je vais prendre une photo et l’envoyer dans les journaux. Ils vont aimer ça en patate.
- J’ai la peau sensible ! Porter des vêtements m’irrite le ventre et les seins ! On dirait que mes dents vont tomber et j’ai des piquements dans les yeux !
- Bla bla bla ! Allez ! Debout ! On va danser !
- Je n’aurai plus jamais d’enfant ! C’est insupportable et je ne suis pas faite pour ça !
- Et le saint martyr Glenn Miller pointa du doigt en disant à l’informe infirme : lève-toi et danse, patate ! »
De retour de son travail, chaque jour, Romuald fait le ménage et la cuisine, puis monte ses chemises au second étage pour demander à sa mère de les repriser. Il change les couvertures que Carole porte sur ses pieds, s’assure que les coussins sont confortables. Quand il entend sa tendre moitié se lever, il se précipite pour lui demander ce qu’elle désire. Il la transporte dans ses bras jusqu’à la salle de bain à chaque fois que la nature réclame cette visite. Cependant, Carole refuse qu’il la lave, car elle ne veut pas montrer son corps boursouflé. Pourtant, Romuald ne se confesse pas qu’il désirerait tout le temps admirer le ventre de Carole, pour le caresser, l’admirer en rêvant à son contenu.
« Je veux des fraises.
- Le coup des fraises au mois d’octobre ! Les gars m’en ont parlé. C’est un grand classique, Carole. Tu ne pourrais pas trouver quelque chose de plus original ?
- J’ai dit que je veux des fraises, Romuald !
- J’y vais tout de suite, Cendrillon. Ne bouge pas ! Ne te fatigue pas ! »
1. chocoreve le 11-10-2020 à 14:18:40
Sans handicap, certaines futures mamans se comportent de la sorte, et font de leur grossesse la pire des maladies qui puisse exister...
Bien vu.
2. MarioMusique le 11-10-2020 à 16:09:32 (site)
En fait, elle changera d'idée et aura quatre enfants, dont trois en l'espace de six années.
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