J'ai beaucoup écrit, depuis une mois. Sans doute est-ce dû au fait de me rendre presque chaque jour au terrain fantôme. Quand je me trouve là-bas, je compose un peu plus. J'ai atteint ce qui est près de la moitié du roman Grand-Regard et le crépuscule.
Comme indiqué dans l'article précédent, les premiers chapitres se concentraient beaucoup sur les enfants de mon personnage vedette, particulièrement sur Adèle. Grand-Regard semblait en retrait.
Je me suis donc concentré à donner de l'importance à la femme. Les propos sont positifs, car il n'arrive que de bonnes nouvelles : les enfants se marient, deviennent parents, les romans de Grand-Regard se vendent bien, particulièrement parce que le lectorat identifie la femme comme la mère d'Adèle, laquelle connaît la gloire parce que deux de ses romans sont adaptés en feuilletons radiophoniques.
Au début du roman, Grand-Regard craignait beaucoup la cinquantaine, signe de vieillesse, à ses yeux. Sauf qu'elle fut tant et tant active qu'elle n'a pas eu trop de temps pour vérifier si des rides se manifestent. Gardons ceci pour la décennie 1940.
Le seul malheur vécu par Grand-Regard est le décès de sa soeur aînée Juliette, âgée de soixante-sept ans. Ceci m'a permis d'écrire une courte phrase que je trouve touchante. Je vous explique pourquoi.
L'enfance de Grand-Regard et de son frère Arthur se déroule dans le dernier quart du dix-neuvième siècle. À ce moment, l'aînée de la famille devient comme le bras-droit de sa mère. Il s'agit de Juliette. Elle aide sa maman dans les travaux ménagers, peut cuisiner comme il faut, s'occupe d'un jardin, puis prends soin d'Arthur et de Grand-Regard, les aidant, par exemple, à étudier et faire leurs travaux scolaires. Les deux enfants ont beaucoup appris grâce à leur soeur. Celle-ci se marie tôt et déménage dans la capitale, où elle deviendra mère à son tour, puis grand-maman.
Le décès ébranle énormément Grand-Regard et encore plus Arthur. Quelques semaines après l'enterrement, mon personnage organise un repas de remerciement pour les leurs, les gens qui sont venus en aide lors de cette épreuve. Il y a de la joie dans la maison, à cause de la présence d'enfants. Grand-Regard note cependant qu'Arthur demeure en retrait dans un coin, ne sourit pas. Elle approche, lui prend les mains, puis l'homme lui dit ceci : "Maintenant, nous sommes seuls."
Bonjour,
Merci de nous avoir soumis votre manuscrit Grand-Regard et la jeunesse (2020-029). Il a fait l’objet d’une évaluation par deux membres de notre comité de lecture mais, malgré le fait que votre récit soit extrêmement bien écrit, tout à fait charmant (vraiment!), et que son contexte pourrait cadrer avec nos collections, il comporte également des différences suffisamment importantes avec ces dernières pour que nous ne sentions pas aptes à le défendre comme il le mériterait. Nous ne pouvons donc pas en envisager la publication, surtout dans le contexte actuel, et vous m’en voyez désolée.
Comme vous vous en doutez sans doute, le marché du livre a été durement touché depuis mars et nous devons consacrer nos ressources à tenter de planifier la reprise --lente et graduelle—, de nos activités avec ce que cela comporte de défis, de reports de publication et de choix difficiles. Le développement de nouveaux auteurs sera vraisemblablement ralenti
**********
Je devrais être habitué, mais il y a un aspect très frustrant dans ce courriel de refus d'un de mes manuscrits. En effet, c'est bien la première fois qu'on dit que c'est extrêmement bien écrit et tout à fait vraiment charmant, et qu'on refuse.
Les "différences suffisemment importantes" signifient surtout que je n'ai pas suivi la norme et je ne doute pas qu'une des différences est parce qu'il n'y a pas de dialogues avec tirets (Bien que les personnages s'expriment), que c'est un texte continu et que je n'ai pas joué le jeu de la culture québécoise, puisque ce texte n'a aucune indication d'un territoire précis, que ce soit via la voie d'un pays, de son langage et de sa culture. Bref, fais comme les autres et on va publier. Sinon...
Je n'écris pour qu'il y ait publication. Ce n'est pas mon objectif. Cependant, s'il y a publication, je l'accepte en sachant que cela va plaire à plusieurs personnes, comme c'était le cas de mes douze romans qui ont été un jour sur le marché.
Tout ceci est de plus en plus triste...
1. chocoreve le 28-09-2020 à 18:00:44
Les différences suffisamment importantes...mériteraient d'être développées ... pas les 2 (peu nombreux) membres du comité, ce serait la moindre des choses ! ...
2. Marioromans le 28-09-2020 à 19:22:09 (site)
Eh bien, ils ne l'ont pas fait. Ceci me fait surtout penser que les romans, du moins la majorité, suivent une seule ligne de pensée et qu'en fin de compte, ils sont tous pareils et on n'a pas le droit à la différence et à la créativité.
J"avais vécu un schéma semblable avec l'éditeur de 2009 ('Les bonnes soeurs') qui refusait manuscrit sur manuscrit pour des raisons voisines et qui avaient même fermé les yeux sur les 3 livres qui seront publiés par Marcel Broquet.
Nous sommes au début des années 1910 et la petite Germaine va vivre son premier jour d'école. Elle a tant hâte! Le résultat est à la hauteur de l'espoir de sa maman Grand-Regard. Un extrait de Grand-Regard et les enfants. Notez que Donatien est le père et Conrad, le petit frère, sans oublier que Madeleine est le véritable prénom de Grand-Regard.
Germaine se voit très excitée par la situation. « Je vais connaître tous les chiffres, de 1 à F. » Comme sa maman, elle lira des livres, « mais pas aussi gros, parce que je suis petite. » Le grand jour venu, elle danse tant et tant sur place que Conrad rit et a aussi hâte de l’imiter. Madeleine regarde Germaine s’éloigner avec Donatien aussi loin qu’elle le peut. « Tiens… j’y pense… Ma fille est sans doute la première écolière à se rendre à destination à bord d’une automobile. »
En rentrant dans la maison, Grand-Regard se sent seule, sans sa jolie qui gazouille partout. Elle regarde à gauche et à droite, soupire. Conrad se rend compte que quelque chose ne va pas, décide de jouer, pour l’égayer, mais revient de sa course avec une poupée de sa sœur. « Honnêtement, comédien de vaudeville, tu es très drôle! »
Madeleine se réinstalle sur le perron à quatre heures quinze, pour voir revenir son enfant. Donatien est très souriant. « Elle a beaucoup de choses à raconter, je t’assure. » Le discours débute par une affirmation étonnante : « La mademoiselle s’appelle Mademoiselle. » Suivi de la première leçon : A « Pour la récréation, j’ai joué au ballon avec Mathilde, ma meilleure amie » Déjà ? La collation était délicieuse. « J’ai hâte à demain, car je vais apprendre un autre mot : C. Je vais aussi savoir compter les lettres et à écrire les chiffres. »
J'ai commencé la création de Grand-Regard et le crépuscule le 12 août. Voilà donc moins d'un mois. À ce jour, il y a quatre chapitres rédigés, et donc quarante pages. Mon plan informel a déjà été modifié. Il se passe beaucoup de choses, dans chaque chapitre, mais j'ai l'impression que mon personnage vedette est en retrait. C'est une période (le début des années 1930) où il arrive divers événements relatifs aux enfants de Grand-Regard, comme des mariages, des naissances et le succès surprise de la jeune Adèle, comme romancière et qui vole nettement la vedette à sa mère Grand-Regard. De plus, lors des deux premiers chapitres, je devais évoquer et résumer ce qui s'était passé dans les tomes précédents. Je ne fais pas de corrections actuellement, car ceci est réservé à la fin de la création, quand le texte sera dans son fichier informatique (car j'écris à la main sur du papier).
Le soir, je travaille à la première relecture de Grand-Regard et les enfants. À toute vitesse, car cette étape doit avoir recours à la mémoire vive, entre autres pour déceler ce qui a été inutilement répété. La seconde lecture est plus lente et elle concerne surtout le vocabulaire choisi à modifier, à améliorer.
J'écris rarement à la maison (sauf en hiver!) Je me rends au parc près de chez moi, avec mon café, pour intriguer les passants. 'Qu'est-ce qu'il fiche là, ce gars ?'. Le second endroit : le terrain de baseball fantôme, où je me sens profondément à l'aise. Aller-retour, c'est près d'une heure de marche, mais à force de le faire, le temps passe rapidement, et je ne pense plus que c'est loin. Jusqu'ici, il y a eu seize occasions et... 'Qu'est-ce qu'il fiche là, ce gars ?'
1. chocoreve le 06-09-2020 à 08:37:14
Oui quoique l'on fasse, où que l'on soit nous ne sommes jamais seuls. Moi qui habite à la campagne, il n'est pas rare de voir un rideau se lever, un volet s entrebailler, un voisin m'a même dit un jour :"non,non,le facteur ne vous a pas déposé de courrier ! ...
Écrire sur du papier et retranscrire ensuite...moi je fais le contraire, d'abord l'ordinateur puis je recopie au stylo ... évidemment je n'écris pas de romans...
Bise Mario
édité le 06-09-2020 à 08:38:30
2. MarioMusique le 06-09-2020 à 22:39:46 (site)
Je réponds à leur questions et je leurs dis ce que je fais. Quand je vois que c'est une personne qui aime les livres, je donne un signet, qie j'ai toujours dans mon sac à dos. Mais je trouve amusant de faire naître ainsi le curiosité.
3. Mafran le 09-09-2020 à 22:01:45 (site)
Content de te retrouver. Ça fait un bout. Je pensais te retrouver au parc à un Mach de baseball mais COVID oblige. J’espère avoir des nouvelles, Marcel.
4. Mafran le 09-09-2020 à 22:07:35 (site)
Alors je vais faire les deux parcs en espérant revoir un de mes meilleurs amis. À bientôt j’espère!
Les deux parties les plus importantes d'un roman : les premiers mots et ceux de la finale. La catégorie numéro 1 établit immédiatemet un contact pour la personne qui lit. Cela doit être accrocheur, éveiller la curiosité. J'avais déjà parlé de ceci :
http://marioromans.vefblog.net/17.html#Les_premiers_mots_dun_roman
Et la finale ? Elle est porteuse d'émotions, joyeuses ou tristes. La première chose que je dois connaître avant de créer un roman est la finale. C'est, en quelque sorte, la destination du texte. Et puis, z'avez déjà croisé des gens qui se précipitent tout de suite vers la finale avant même d'avoir lu une seule ligne de l'ensemble ? J'en ai rencontré beaucoup, lors des salons du livre. Voici quelques exemples.
LES BONNES SOEURS
Finale sous forme de dialogue. Mes deux personnages, anciens religieux, ont décidé de se marier.
« Madame Gervais, je serai avec vous avec tout mon cœur jusqu’à ce que notre Créateur nous rappelle près de sa Lumière.
- Je serai fidèle, dévouée et aimante, comme je l’ai promis au Tout-Puissant.
- Chère épouse!
- Petit mari d’amour ! Maintenant, je n’ai plus le pseudonyme de Françoise Gervais. C’est mon vrai nom!
- Vous savez, Françoise, je…
- Et si on se tutoyait?
- Je ne sais pas si j’oserais.
- Si tu n’oses rien, le voyage de noces sera terne.
- Oh! Oh!
- Je veux un coup de circuit!
- La balle est de ton côté, Françoise. »
DES TRÉSORS POUR MARIE-LOU
Nettement plus triste... Marie-Lou et Isabelle, de l'enfance à l'adolescence, furent des amies inséparables. Mais un conflit les sépare brusquement. Les retrouvailles se font la veille de l'an 2000, alors qu'Isabelle est atteine du sida.
Marie-Lou l’enlace avec fracas. Les deux se serrent fort et pleurent lourdement, comme des plaintes souterraines qui effraient Alexandre. Marie-Lou sent les os de son amie, sa peau rugueuse et ces gros ganglions dans son cou. Marie-Lou l’emmène à la fenêtre et, soudées, visage contre visage, elles regardent arriver l’an 2000, sachant d’instinct que les prochains mois seront extraordinaires, car elles les passeront ensemble, l’une pour vivre, l’autre pour mourir.
CE SERA FORMIDABLE
Joseph Tremblay, de l'enfance jusqu'à sa vie adulte, ne pense qu'au modernisme. Il croit fermement que le 20e siècle apportera des progrès immenses. Lors d'une fête du premier de l'An, il a préparé un discours sur le sujet, mais, chose rare, il a pris quelques verres de trop, ce qui...
La chaise craque et, voulant amortir ma chute, je me penche vers l’avant et m’étale de tout mon long au milieu de la table, cassant les verres, renversant les cendriers et mêlant les cartes. Ouille… Mais je hausse le sourcil en entendant tout le monde faire le compte à rebours tant espéré, auquel je ne participe pas : cinq! Quatre! Trois! Deux! Un! Bonne année! Mes frères, étouffés de rire, me relèvent et me décoiffent. « Sacré Ti-Jos! Tu ne fais jamais rien comme tout le monde! Si c’est vraiment aujourd’hui, ton siècle du modernisme, tu l’as vu arriver comme un vrai Canadien français, dans la tradition des cartes, du tabac, de l’alcool, de l’odeur des tourtières et de la chanson de ton vieux père! »
En effet… Quelle honte! Je me sens si étourdi… Je regarde autour de moi, embarrassé d’avoir causé ce grabuge. J’aperçois Marguerite, furieuse, qui accourt. Je m’essuie, toussote, essaie de reprendre contenance, pendant que Roméo me tire par la main. Je le prends vite dans mes bras. Il me sauvera du courroux de Petite Fleur. Il me donne un gros baiser sur la joue et s’exclame : « C’eau beau le siècle du modernisme, papa! C’était formidable! Fais-le encore! »
GRAND-REGARD ET LES ENFANTS
Grand-Regard craint beaucoup la vieillesse et l'âge de 50 ans. Peu avant ce moment, sa belle-soeur Anna, 53 ans, est décédée. Il n'en faut pas plus pour faire augmenter sa crainte, d'autant plus que son mari a réuni les proches amis pour les remercier de leur présence lors de l'enterrement. Or, mon personnage, écoutant leurs propos, croient qu'ils sont terriblement vieux. Elle prétexte une fatigue pour monter s'étendre dans son lit, mais seule sa fille Adèle devine ce que la femme désire : se rendre dans le petit bois, près d'un arbre géant, où elle avait rencontré l'esprit d'un être d'une autre galaxie, puis regarder le ciel.
Soudain, la bouche de Grand-Regard s’arrondit. Une lumière dans le ciel. « Une étoile filante », de penser Adèle. Elle prend les mains de sa mère, le cou tendu vers le ciel pour voir cette illusion disparaître. « Il sera toujours présent car il n’a pas quitté ton âme. Tu auras toujours l’âge de ce moment. Le jour où tu partiras, tu verras la lumière pour l’éternité. À mon tour, bien plus tard, quand mon moment sera venu, je verrai aussi cette lumière et nous serons alors ensemble à jamais. »
LE PAIN DE GUILLAUME
Nous sommes en Nouvelle-France, au 17e siècle. Guillaume le boulanger fabrique un pain délicieux, selon sa recette sacrète. Un jour, il communique la recette à son épouse Jeanne, au cas où un accident lui arriverait, puis lui fait promette que seul leur fils François pourra la connaître, le jour où il sera devenu à son tour boulanger des Trois-Rivières. De terribles problèmes surgissent dans la vie de Jeanne, devenue veuve, mais jamais elle n'oublie la promesse faite à son époux. Devenue aveugle, mourante, ce qu'elle avait tant espéré se produit.
Progressivement, Jeanne se redresse lorsque de sa lointaine mémoire ressuscite une odeur qui a tant fait battre son cœur. Jeanne ne l’a jamais sentie à Lachine et à l’île d’Orléans. Pour la première fois de sa vie, François utilise la grande recette secrète de son père, écrite par Jeanne, perdue dans l’incendie des Délices des Trois-Rivières. François n’a jamais oublié. L’après-midi passe et Jeanne remercie Dieu, pense aux promesses d’Atichasata, de Sacajawea et de Claude. Au repas du soir, François tend vers sa mère Jeanne Aubert, fille du roi, épouse de Guillaume Tremblay, le fruit de tant d’espoirs : le pain de Guillaume.
Commentaires
1. ANAFLORE le 03-10-2020 à 08:50:38 (site)
Bravo pour la photo du jour
Par les temps maussades ta passion est un bon dérivatif
Bon wk