Mario Bergeron, romancier du Québec

posté le 21-08-2020 à 01:57:42

Public

 

 

Lors de mes participations massives aux salons du livre du Québec, je préparais toujours une feuille avec un résumé des tomes de la série Tremblay, un extrait du plus récent volume, en ajoutant mon adresse postale et mon courriel. Conséquemment, je recevais quelques messages, de temps à autres. Croyez-moi, c'était flatteur.

Ce message date de 2001, au moment où quatre romans étaient sur le marché. C'est une femme de l'Abitibi. Je recevais souvent des manifestations de cette région. Il ne faut pas s'étonner, car ces gens sont sociables. D'année en année, je voyais arriver avec empressement une femme et je me disais "Tiens, une personne qui m'avait envoyé un message." C'était toujours le cas et la femme achetait le nouveau tome, sans regarder le résumé. Cliquez pour mieux lire.

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posté le 15-08-2020 à 03:06:44

Nouveau roman

 

 

 

J'ai terminé Grand-Regard et les enfants mardi le 11 août. J'avais débuté le 15 mars. Pas terminé de copier le texte dans son fichier et, bien sûr, aucune relecture pour les corrections et améliorations. Le roman sera légèrement plus long que les deux tomes précédents.

 

 

Cela va de soi que dès le 12 août, le tome 4 était en route, sous le titre de Grand-Regard et le crépuscule. Les semaines précédentes, j'avais établi un plan informel. Ceci signifie surtout que j'ai noté des données qui ne seront pas obligatoirement dans le texte. 

 

 

 

Par contre, ce roman aura la même forme que les trois précédents : courts chapitres de dix pages, représentant des années, pas de dialogues, se déroulant dans un lieu qui n'existe pas et n'ayant aucune référence culturelle et langagière propre à un territoire précis.

 

 

 

Le plan informel est avant tout constitué des personnages déjà présents, puis les nouveaux. Nous sommes au début des années 30, et cinq des six enfants de Grand-Regard vont se marier. À leurs suites : des enfants. J'ai établi vingt petits-enfants, mais seulement deux filles auront de l'importance. Quoi qu'il en soit, ces petits et leurs parents peuvent apporter des éléments d'intrigues, tout comme le fait que le village de Rivière-Aux-Truites a de plus en plus l'apparence d'une petite ville.

 

 

 

 

Par contre, il y a deux lignes directrices pensées depuis longtemps. Ayant atteint 50 ans, Grand-Regard craint beaucoup la vieillesse. Cependant, au cours de la décennie 1930, elle sera très active, surtout comme romancière, partageant cette passion avec sa fille Adèle, exceptionellement douée et qui rencontrera du succès.

 

 

 

 

D'un autre côté, le vieillissement tant craint surgit à sa soixantaine, en 1940. Problèmes de santé, tant pour elle que pour son mari Donatien, puis décès de son frère, de sa soeur, sans oublier que des lieux chers à son enfance et à sa jeunesse vont disparaître avec le progrès du village.

 

 

 

 

 

L'autre partie de la ligne directrice : une grande admiration venant d'Adèle et des jumeaux Jeanne et Robert, désireux de démontrer publiquement jusqu'à quel point leur mère fut une femme exceptionelle. Grand-Regard disparaîtra en 1954, âgée de 74 ans. Un tome 5, peut-être ?

 

 

 

 

Quoi qu'il en soit, voici la première page :

 

 

 

 

 

« A A A A A ATCHOUM ! » Grand-Regard dessine un mince sourire, immédiatement camouflé par sa main droite. Il ne peut exister que son fils Conrad pour souffrir d’un vilain rhume le jour de son mariage, se déroulant par une journée de juin à la chaleur écrasante. Considérons, de plus, que cette température dure depuis plus d’une semaine. Quoi qu’il en soit, la femme  devine que les fidèles assistant à cette pieuse occasion vont en parler pendant des années.        

 

 

Cérémonie dans la norme, peut-être ordinaire, mais pas pour les deux familles impliquées. Pour Madeleine Dupont, surnommée Grand-Regard, il s’agit de la seconde occasion, ayant permis à Germaine, sa fille ainée, de prendre époux en la personne d’Henri Michel. La jeune femme est déjà mère d’une fille, Dolorès, et la voilà en attente pour une récidive.         

 

 

Conrad, vingt-et-un ans, est aimé par la population entière des trois villages voisins, situés dans un coin défini comme isolé, sur les rives d’un magnifique fleuve géant. Des noms rustiques : Pointe-à-Pierre, Côte de l’Est et, enfin, le lieu natal de Grand-Regard : Rivière-Aux-Truites. Le nouveau marié est sans cesse souriant, de bonne humeur, connaît cent histoires amusantes, se montre gentiment pince-sans-rire et travaille comme commis et boucher à l’épicerie du village, tenue par le maire Omer Cartier. De plus, Conrad…. « A A A A A ATCHOUM ! »        

 

Le prêtre, pourtant un homme sobre et sérieux, ne peut s’empêcher de sourire très brièvement face à cette situation. Sans aucun doute la première fois en trente-trois années comme curé de Côte-de-l’Est. Personne ne la voit, mais la mariée Rita, de dos aux fidèles, semble très amusée par cette situation. Donatien, l’époux de Grand-Regard, ne peut s’empêcher de souffler à son oreille : « Si on demande à notre fils d’embrasser la mariée, pendant la noce, la pauvre  va éternuer à son tour et devra garder le lit pendant dix jours. »        

 

Le Oui enfin prononcé, l’annonce du prêtre officielle, le couple marche lentement dans l’allée et les témoins voient facilement que le jeune homme se retient avec force pour ne pas… En sortant, il tend la main à un badaud, réclamant un mouchoir. Mais qui donc est muni d’un tel objet par une si chaude journée estivale ?

 

 


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1. Maritxan  le 15-08-2020 à 19:01:29  (site)

Dans le récit, j'ai relevé une petite erreur de frappe...
« Si on demande à notre fils d’embrasser la mariée, pendant la noce, la pauvre sera va éternuer à son tour ...»
Je suppose qu'il faut lire, "la pauvre Rita va éternuer à son tour..." Clin doeil1

2. Marioromans  le 15-08-2020 à 20:06:03  (site)

En effet... Merci.

3. Nikole-Krop  le 20-08-2020 à 16:19:01

Souriant ou pince-sans-rire, le Conrad ? Il y a là un paradoxe qui me fait ... sourire ...

4. Marioromans  le 20-08-2020 à 18:07:51  (site)

Ah, quel plaisir que tu passes par ici !

Oui, Conrad est une personnage moqueur, qui aime rigoler.

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posté le 10-08-2020 à 04:04:34

Mes romans et le cinéma 1

 

 

LES FLEURS DE LYSE

 

Est-ce qu'on peut crier, pendant la projection d'un film ? Bien sûr, lorsque nous sommes en 1964 et que les Beatles sont en cause.

 

 

La même semaine, l’Impérial propose A Hard Day’s Night, le premier long métrage des Beatles. Comme tous les jeunes de Trois-Rivières, nous patientons dans la longue filée et grand-père fait vraiment incongru dans ce paysage turbulent. Les filles gigotent sur place, miaulent sans cesse des commentaires sur leur Beatle favori. Comme nous portons des cheveux longs, elles devinent que nous faisons partie d’un groupe et s’informent de notre répertoire, pour savoir si nous jouons des chansons des quatre de Liverpool. Baraque n’en peut plus d’être tant entouré de petites France Gall, mais il se tient quand même tranquille, ce qui laisse deviner que grand-père Roméo a dû lui parler du respect que chaque garçon doit démontrer aux demoiselles. Notre chanteur a l’air d’un chat retenu par une corde alors qu’à deux pieds de ses griffes, des oiselets juteux piaillent sans arrêt. À l’intérieur, les filles font craquer le plafond en hurlant quand George, Paul, John et Machin apparaissent à l’écran. On ne comprend pas leurs mots anglais. De toute façon, on n’entend rien non plus tant les filles parlent et crient. À la fin du film, les Beatles interprètent plusieurs excellentes chansons devant un auditoire survolté. Baraque boude. Il n’aime pas les cravates des Beatles, ni leurs vestons et leurs mimiques.

 

 

 

 

 

LE ROI DES CADEAUX

 

Un travail en Histoire transformé en roman, avec une grande fidélité sur ce qui s'est passé en 1931 et 1932 au cinéma Palace de Trois-Rivières, salle qui ouvre ses portes au début de la grande dépression et située dans un quartier ouvier Alexandre Silvio avait plus d'un tour dans son sac pour attirer la clientèle : une troupe de vaudeville, des concours d'amateurs, donner des présents en tirage et fabriquer lui-même la publicité du Palace, en utilisant un langage qu'on ne voyait pas sur les autres pubs, dont le fait de franciser des noms anglais. Il est exact qu'il avait rebaptisé le comédien Ken Maynard en Ken Ménard. Tout aussi vrai que les westerns étaient appelés "drame de l'ouest" Préparation d'une pub par Silvio et son assistant Eddy Gélinas.

 

 

« Je me demande si les chômeurs ont réellement besoin de montres, Alex.

- Et la fierté personnelle, mon Eddy? Je leur offrirais n’importe quoi qu’ils viendraient quand même. Et puis, ça se revend, une montre.

- D’accord.

- Là, tu mets le nom des vues principales.

- Sur une seule ligne?

- C’est en masse. Qui sont les vedettes?

- Ken Maynard et Joe E. Brown.

- Marque : Vue comique et drame de l’Ouest. Si c’est une vraie vedette, tu mets son nom, sinon, ça ne vaut pas la peine. À moins que… Tiens! C’est ça! Marque Ken Ménard! M-É-N-A-R-D. Ça fait plus local et le monde va s’identifier à ça.

- Comme tu voudras.

 

 

 

 

 

 

 

PERLES ET CHAPELET


Sweetie Robinson est une exceptionelle pianiste de salle de cinéma. Le public de Trois-Rivières se rendent à l'Impérial non pas pour regarder un film, mais pour entendre la jeune femme, qui joue le jeu du vedettariat.

 


C’est avec empressement que je me rends à la première de Sweetie à l’Impérial. Depuis quelques jours, le patron indique sous ses affiches, en grosses lettres : «Avec mademoiselle Sweetie Robinson au piano.» Sous le nom de l’acteur John Barrymore. Sweetie prétend que dans deux mois, son nom sera plus gros que celui de la vedette du film. Elle se montre très sérieuse pour tout ce qui entoure son métier. Elle a d’abord regardé le film à plusieurs reprises et écrit un plan du scénario, indiquant le style de musique à interpréter selon les différentes scènes. Après, elle a donné des directives aux musiciens de l’orchestre, qui, dit-elle, n’ont pas apprécié se faire diriger par une jeune femme anglaise de vingt ans. Leur patron leur a ordonné de ne pas hausser le ton. Dehors, sur le trottoir, le gérant du cinéma concurrent, le Gaieté, fait les cent pas en se mordant les pouces, voyant la foule se presser pour entendre la merveille.

La salle déborde, malgré le retour du beau temps. Sweetie entre par l’arrière, vêtue dernier cri. D’un geste gracieux, elle salue les spectateurs et s’installe telle une reine à son banc. Aventures et romance pour Barrymore. Sweetie a trouvé la musique qu’il faut pour les sentiments, le danger, les larmes et les rires. Elle l’interprète avec toute l’émotion de son âme, appuyée discrètement par les trois violonistes et le percussionniste. Habituellement, quand le film n’a pas sa propre partition, on a l’impression que les musiciens jouent ce qui leur passe par la tête. Pas avec Sweetie. On sent que c’est soigneusement mis en place, répété sévèrement. Tous entendent la différence. Personne au monde ne peut jouer du piano comme elle! À la fin du film, elle se lève pour saluer de nouveau. Elle se mêle à la foule, recevant son repas de compliments.

 

 

LE ROSSIGNOL DES VUES ANIMÉES

 

En 1897, le jeune homme Zotique Lamy se lance dans une noble aventure : faire découvrir les vues animés, en qualité de projectionniste ambulant (car les salles de ciné n'existaient pas.) Sur sa route, il rencontre Ninon de Sève, jeune adolescente française, qui deviendra sa partenaire. Le duo voyagera partout et produira même des courts films. Ninon est si folle de ces vues animés ! Voici sa réaction, la première fois qu'elle pose les yeux sur le phénomène.

 

Pendant ces longs palabres, Ninon ne cesse de regarder le projecteur, déposé sur son trépied et relié à la bonbonne. L’objet lui fait penser à une curieuse girafe mécanique. Elle se demande quel sortilège s’y cache. Elle commence à croire que l’histoire farfelue de Zotique est peut-être vraie. La petite aide la ménagère à étendre un drap sur le mur. Ensuite, elle s’installe sur une chaise droite, les coudes sur ses genoux, puis sursaute quand la machine éclaircit le drap. Sa bouche et ses yeux s’agrandissent sans cesse quand apparaissent sur cet écran improvisé des hommes et des femmes qui sortent d’un édifice. Puis elle voit les véritables vagues de la mer, des rues bondées de piétons et elle passe près de s’évanouir en voyant la cavalerie foncer. Elle pousse un cri et tente de se protéger le visage avec ses mains tremblantes.

 

 

 

L'HÉRITAGE DE JEANNE

 

The Hurricane était un mauvais film du début des années 1940. Pour sauver les meubles, ce produit se terminait par une spécialité hollywoodienne : des effets spéciaux. Je n'ai pu m'empêcher de transcrire mon impression, la première fois que j'ai vu la finale de ce citron.

 

          Panique chez les indigènes ! Ils se réfugient dans des arbres, sur des bateaux (tas d’idiots !). Le vent ne cesse de faire sonner la cloche de l’église. Les autochtones s’y cachent et prient. Une hutte s’envole. Les arbres cassent et écrasent les gens. La cloche sonne. La maison du gouverneur s’écroule. Tant mieux, car il était le vilain du film. La cloche sonne toujours. Les indigènes supplient Dieu. Un arbre géant craque comme un cure-dent. Des vagues gigantesques viennent se casser sur l’église. Une fissure laisse passer l’eau révoltée. Les dalles du toit s’envolent. La cloche sonne. Le prêtre demeure dans son église pour prier. Ses fidèles l’imitent. Les vagues sont de plus en plus énormes ! Dorothy Lamour est décoiffée ! Ça crie ! Ça hurle ! Ça se noie ! Les fidèles prient. Le prêtre joue de l’orgue. Une vague enragée emporte l’église. Enfin, la satanée cloche cesse de sonner !

 

 

 

 
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posté le 07-08-2020 à 02:13:40

Mes romans et le cinéma 2

 

 

CE SERA FORMIDABLE

Évocation de la première séance de cinéma à Trois-Rivières,en 1895. dans un ancien restaurant.

 

 

Pour une grande première, j’aurais préféré un lieu plus prestigieux que le restaurant National, fermé depuis plus d’une année. Le petit local de la rue Notre-Dame se remplit rapidement de curieux. Marguerite rougit en voyant plusieurs religieux, confortablement installés devant un écran, semblable à ceux que les lanternistes utilisent. Elle devient plus rouge en entendant le vieil accent de France des nobles présentateurs, messieurs Minier et Pipier, noms qui me font sourire, surtout que les deux se prénomment Louis. On dirait des faux jumeaux. Je suis surtout attiré par leur appareil : une boîte rectangulaire, avec des manettes et une lentille de projection. Le discours du duo est plutôt scientifique. Je n’y comprends rien, mais ce sont des propos tout de même fascinants, ceux d’hommes savants qui vivent déjà au cœur du siècle du modernisme. Quand la démonstration débute enfin, je demeure abasourdi, comme tout le monde, car les images bougent véritablement! Électrisant! Là, sous mes yeux, de vraies personnes de Paris, qui marchent dans les rues! Les vagues de la mer qui foncent sur nous! Des cavaliers au galop, qui s’approchent tant que Marguerite, prise d’effroi, laisse échapper un petit cri et se cache le visage.        

Ce spectacle me semble plus que concluant, d’un réalisme inouï. Voilà la vie, dans tous ses mouvements, qui s’immortalise dans une machine. De plus, le tout a un aspect instructif, pour connaître les grands personnages du monde, ainsi que les villes et pays lointains. Les deux Louis insistent surtout sur les réalisations scientifiques dans le domaine de la photographie. À la maison, nous n’avons qu’un portrait de ma mère, pris à l’époque des photographies sur zinc. Si elle avait été captée par ce cinématographe, j’aurais vu maman bouger! Prodigieux!   

« Ça en valait la peine, n’est-ce pas, Petite Fleur?        

- Ces hommes sont si distingués. Une si belle façon de s’exprimer! Mais j’ai eu l’air ridicule de crier… Quelle honte!         

- Tu n’étais pas la seule. Moi-même, j’ai eu peur. Ces chevaux fonçaient vraiment sur nous! Et les vagues de l’océan! Je sentais presque la fraîcheur, tant c’était réaliste. La locomotive, donc! Comme si nous étions sur le quai de cette gare lointaine et voyions approcher l’engin! Je dois revoir ça absolument!        

- Joseph…        

- Avec Louise. Ce sera instructif, pour son jeune cœur.        

- Joseph!

 - Bon, ça va, j’ai compris. »

 

 

 

 

 

 

L'HÉRITAGE DE JEANNE

 

Ce roman déborde de références au cinéma. Des noms de vedettes de l'écran sont souvent utilisés. Renée et ses douze copines raffolent de ciné et Rocky, son amoureux, porte le surnom de James Cagney dansle film Public Enemy. Tous les films nommés dans ce roman ne sont pas fruits du hasard ; ils sont passés dans les salles de Trois-Rivières exactement au moment où j'en parle dans le récit.

La salle du Cinéma de Paris, pendant la seconde guerre mondiale, ne pouvait faire venir des productions récentes de France, se contentant de passer en reprise des productions anciennes. Cela déplaît à Renée, mais pas à sa tante Jeanne.

 

 

 

Dans le but de la consoler, j’accepte de l’accompagner au Cinéma de Paris pour voir les films César, Marius et Fanny. Ça ne m’intéresse pas trop, ces mélodrames de la vieille France, mais Jeanne essuie de chaudes larmes sur le triste sort de cette idiote de Fanny qui est obligée d’épouser un vieux marchand, alors que le beau Marius est parti à l’aventure sur les mers (et pendant ce temps, César boit du pastis). « C’est chez moi ! » de me dire fermement Jeanne, après la dernière séance.

 

 

 

 


GRAND-REGARD ET LES ENFANTS

 

Séance de cinéma au Royal, un samedi soir. Une séquence d'un film fait beaucoup rire Grand-Regard. Je ne le nomme pas, mais il s'agit de Flaming Youth, mettant en vedette Colleen Moore

 

 

 

« T’as vu ça? Cette jeune femme a une façon incroyable de se maquiller, passant d’un produit à l’autre à une vitesse folle, avec comme finale une pluie de poudre sur son visage. Je n’ai jamais rien vu de plus drôle! Tu imagines Jeanne ou Adèle faire une telle... Non, pas Adèle… »

 

 

Bien que très populaire, il n'existe plus de copies de ce film. Par contre, vous pouvez regarder ce qui a tant fait rire mon personnage.  Je n'ai pu déposer le lien ici. Allez sur Tutube et écrivez Flaming Youth Makeup Routine Colleen Moore. Cela dure environ deux minutes.

 

 

L'AMICALE DES FANTÔMES

 

Ah, comme la poudrée de la rue des Forges adore le cinéma ! Ceci lui permet de rêver éveillée à ceci :

 

« Bernadette, te voilà enfin! » Je sors de mon petit sac à main une gomme à mâcher, la dépose dans ma bouche, étonnée de constater qu’Harold Lloyd est plus grand que dans ses films. « Tu dois m’accompagner à Hollywood où tu seras la vedette féminine de ma prochaine production. J’ai besoin d’une demoiselle  très à la mode et tu seras parfaite pour le rôle. » Vraiment? Pourtant… « Je ne peux pas, Harold. J’ai promis à Charlie Chaplin que je jouerais dans sa nouvelle comédie. » Voilà la vedette à l’air défait, me suppliant de téléphoner à Charlot pour lui apprendre que j’ai un rôle ailleurs. Eh non! Harold me promet un imposant salaire. Pas plus! « Ce n’est pas une question d’argent, mais de principe. J’ai donné ma parole à Charlie et je serais malhonnête de briser cette promesse. »  Pauvre Harold qui pleure, me tournant le dos, traînant des pieds. Je le rejoins pour le consoler. « L’an prochain, peut-être. » Il se redresse, si content qu’il en perd ses lunettes. Heureux acteur comblé! Il m’assure que je deviendrai la reine de Hollywood. À bien y penser, reine de la rue des Forges me suffit.

 

 

 

 

PERLES ET CHAPELET

 

Jeanne se rend à Montréal avec une amie afin de voir le film où Rudolph Valentino danse le tango.

 

 

Voici enfin le bijou! Et le SI-LEN-CE... et BAAAAM! de faire l’orchestre! Quand le nom du bellâtre apparaît au générique, un frisson parcourt la salle. Le voilà! Elles crient! Les spectatrices crient! À chaque fois qu’on le voit, on entend un murmure. Quand la caméra le prend en gros plan, la folie s’empare de toutes. Lucie me griffe l’épaule en miaulant «oooh!», comme si cet homme de nitrate allait sortir de l’écran afin de venir jusqu’à elle et lui faire bisou.

 

C’est un film d’action. En fait, pas du tout une œuvre romantique. Le genre de film qu’habituellement les femmes ignorent. Et puis, il y a Wallace Beery dedans : ma tête de salaud favorite. Il paraît que le film dure deux heures. Je me lève, car j’ai envie de pipi, le goût d’en brûler une autre et chercher à voir clair dans toute cette histoire d’idole mâle. Je passe pour la pire des cinglées : me lever pendant que Valentino crève l’écran! Mon jeune placier de tantôt est avec un homme à l’air sérieux qui a entre les mains une petite valise, comme celles des médecins.

 

« Puis? Quoi de neuf?

- Vous... vous ne restez pas dans la salle, mademoiselle?

- Deux heures, c’est beaucoup trop long pour un film. C’est l’équivalent de deux films. C’est...»

 

Pas le temps de terminer la conversation qu’un autre placier lance de grands signes avec sa lampe de poche. Mon jeune et le vieux partent immédiatement vers la salle. Ils reviennent avec entre les pattes une fille évanouie. Le vieux sort les sels. Un médecin! Diable! Ils font venir un médecin à chaque représentation, car il y en a toujours une ou deux pour tomber dans les choux! Je retourne rapidement en dedans pour assister Lucie en cas d’une syncope. Je la retrouve le mouchoir à la main et le souffle haletant. À chaque plan rapproché, elle avance le bout du nez, les lèvres entrouvertes et les yeux humides. Cette image m’impressionne et me donne un goût incontrôlable de dessiner! Vite! Je rebondis à l’arrière pour un croquis!

 

Libérée de cette envie, je retourne dans la salle. Soudain, un cri commun me projette dans la réalité. Lucie me griffe à nouveau. C’est la scène du tango. À toi, à moi, ratata. Vrai qu’il le danse bien. Après la finale, le cinéma n’est qu’un lac de larmes. Les femmes hurlent de désespoir quand le fatal «The end» apparaît cruellement. Lucie a toujours les mains jointes et les yeux rougis. Je me lève, mais notre voisine ne bouge pas. Ça y est! Une autre dans le champ de pommes! Vite, doc! Les sels!

 

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posté le 01-08-2020 à 02:14:03

Carole et la Coop d'habitations ouvrières

 

 

Entre 1947 et la première moitié des années 50, un quartier ouvrier pauvre de Trois-Rivières, se voit transformé grâce à une initiative dynamique de leur prêtre, le curé Chamberland. Une coopérative d'habitations ouvrières est formée et leurs membres peuvent réaliser ce qui était alors impossible : ces petits salariés pouvaient devenir propriétaires de maisons. Ces habitations étaient construites bénévolement par ces hommes, ne sachant pas s'ils deviendraient les propriétaires, car les maisons étaient tirées au sort. Avant tout : l'entraide, le partage, l'amitié et un but commun à atteindre.

 

 

C'est dans ce contexte que se déroule mon roman Contes d'asphalte, alors que Carole Tremblay, intellectuelle ravagée suite à un accident qui l'a rendue boiteuse pour le reste de sa vie, trouve le véritable bonheur. Par dépit, elle devient enseignante à la petite école de ce lieu, la paroisse Sainte-Marguerite, où elle rencontre Romuald, simple ouvrier, dont elle devient amoureuse.

 

 

Carole ne comprend pas pourquoi tout le monde parle de ces maisons et de la coopérative, jusqu'au jour où elle se rend, pour la première fois, sur le chantier de construction pour y rejoindre Romuald. Progressivement, Carole comprend la solidarité et la bonté exemplaires qui motivent hommes, femmes et enfants. Sa vie sera alors transformée.

 

 

Carole est surnommée Cendrillon, parce que la première fois qu'elle a rencontré Romuald, elle avait perdu une de ses chaussures dans une flaque de boue. Cendrillon motive le "Contes" du titre, mais le conte de fée se déroule au son des scies, des marteaux, de la poussière et de l'asphalte des rues.

 

 

Voici l'extrait de cette première rencontre.

 

 

 

 

 

« Romuald est un très bon ouvrier. Je crois même qu’il a de l’avenir dans la construction de maisons.         

- Et vous ? Vous êtes un bon ouvrier ?         

- Je ne serai pas modeste : il n’y a pas un clou qui peut crochir quand je suis dans les parages ! Parfois, les gars n’aiment pas me voir se mêler de leurs travaux. Il y en a même un qui avait cloué ma soutane, l’an dernier ! »

         



Carole sourit par politesse, puis regarde cette maison en construction, la trouve sinistre avec ses trous à la place des portes et des fenêtres, ses amoncellements de sable qui l’entourent, ses bouts de bois dépassant de partout. La jeune femme fait attention où elle pose les pieds, se dirige vers l’arrière et tombe nez à nez avec une de ses élèves. « Faire travailler une fillette de six ans à sept heures du soir dans le froid du printemps, alors qu’elle devrait étudier ! » se dit-elle, tandis que l’enfant part à la course chercher son père. « Ah  mais c’est la petite maîtresse d’école ! » de faire en chœur les hommes, ce qui est suffisant pour alerter Romuald, occupé à l’intérieur. Il sourit à Carole en retirant ses gants sales.

 

         



« Salut, Cendrillon. Tu me fais une bonne surprise. Viens en dedans, c’est moins froid.         

- J’ai à te parler, Romuald.         

- Entre. J’ai du Coke. »

 

         



Carole avance et son pied gauche s’enfonce dans la boue. Sa chaussure y demeure coincée. Nul doute que ce rappel de leur première rencontre adoucit les deux regards un peu pointus qu’ils venaient de s’échanger. Carole s’appuie sur sa canne, incapable de se pencher pour prendre son soulier, au risque de perdre l’équilibre et tomber entièrement dans la boue. Romuald s’empresse de l’aider, mais la petite fille met la main avant lui sur l’objet et le tend à son enseignante.

 

 

Romuald aide Carole à marcher jusqu’à la maison. Deux planches enjambent le petit fossé entre la demeure et la cour. Carole hausse les épaules, signifiant à Romuald qu’elle ne peut risquer d’utiliser un pont aussi rudimentaire. Sous les moqueries et les sifflements des hommes, Romuald la prend dans ses bras, tel un nouveau marié à la porte de sa chambre d’hôtel pour la nuit de noce.

 

         



« Ce n’est pas un terrain pour toi, Cendrillon.       

- C’est toi qui me dis ça ? Toi qui voulais tant que je vienne ?         

- Tu risques de te blesser.          

- Et la petite ? Tu ne penses pas qu’elle peut se blesser plus que moi ?

- Elle est avec Laurier, son père. Ce sera peut-être leur maison. »

 

 

 

 

 

 

 

Le curé Chamberland et deux hommes de la cooopérative.

 

 

 

 

Sur le roman, on peut voir une photo des maisons de la Coop.

 

 

 

 

 

 

La conversation première de l'extrait ne fait pas partie du roman publié. Lors d'un salon du livre, j'ai eu la surprise de voir approcher un couple âgé, me racontant qu'ils avaient fait partie de la Coop et qu'ils habitaient encore la maison construite alors. La femme me disait que j'avais bien décrit le curé tel qu'il était : très prompt et avec un langage franc. Son époux m'a raconté diverses anecdotes, dont celle de l'homme qui avait cloué la soutane du religieux. Ceci a été ajouté lors de mes corrections.

 

 

J'ai été très touché par ces deux personnes, ainsi que par les divers commentaires des gens de Trois-Rivières à propos de ce roman, car dans ma ville, même des années après son décès, le curé Chamberland demeure présent dans la mémoire collective.



Des romans de la série Tremblay publiés, Contes d'asphalte demeure mon favori.

 


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