Voici une anecdote véritable, qui s'est déroulée à Ville-Marie en 2001, dans le cadre du salon du livre de l'Abitibi-Témiscamingue. Une femme dans la soixantaine, à l'air sévère, approche et je lui offre ma salade, quand soudain elle me coupe la parole : "Monsieur, une chose que je trouve insupportable, c'est le langage joual dans les romans québécois!" Alors, elle prend Contes d'asphalte et je savais très bien quels étaient les premiers mots. Ceux-ci :
"Mademoiselle Tremblay, allez-vous être capabe de faire la classe comme y faut"
Alors, la femme, l'air furieuse, dépose le bouquin sèchement et je me permets : "En fait, madame, vous avez lu les paroles du seul personnage qui parle joual dans ce roman : un commisaire d'école." À ma grande surprise, la femme éclate de rire et décide d'acheter le roman. "Monsieur, je suis une ancienne enseignante et c'est vrai que les commissaires d'école parlaient tous très mal."
Ce que cette dame a fait, je le savais depuis mes jours comme employé d'un média, dans le cas présent, une station de radio. Son jugement sur le livre entier était contenu dans les premiers mots lus. À la radio, on m'a appris à ne jamais tourner autour du pot, en offrant en premier lieu quelque chose qui frappe l'imagination. C'est le même principe qu'un gros titre de journal. Par exemple : "Montréal subit une défaite humiliante". Le ton est donné et ce gros titre incite les gens à lire l'article pour connaître les éléments de cette défaite.
Tous mes romans ont comme première phrase ce principe : quelque chose qui intrigue et incite à en savoir plus. Voici les premiers mots de quelques uns de mes romans publiés.
PERLES ET CHAPELET
Triste! Triste Noël !
L'HÉRITAGE DE JEANNE
Simone Tremblay voit arriver le vicaire Brunelle à grands pas.
DES TRÉSORS POUR MARIE-LOU
Trois-Rivières est une petite ville provinciale réputée pour ses innombrables chômeurs, la défection de sa jeunesse, l'esprit de clocher de ses municipalités de banlieue...
CE SERA FORMIDABLE
Le siècle du modernisme sera sous nos yeux dans quelques heures!
LES BONNES SOEURS
"Mais c'est une balle de baseball! Regardez, ma soeur : une balle de baseball!"
GROZ-NEZ LE QUÊTEUX
"Un quêteux! Maman! Maman! Un quêteux!"
LE PAIN DE GUILLAUME
Guillaume Tremblay sent son estomac se contracter et les membres de son corps fondre.
Est-ce que ça a fonctionné? Désirez-vous en savoir davantage ? Hmmm ?
Nuit Blanche est la revue littéraire la plus en vue, au Québec. Je dois dire que ces gens, particulièrement le journaliste Laurent Laplante, ont été aimables à mon endroit. J'ai eu droit à trois critiques, un article de fond sur ma série Tremblay, puis je me suis senti très flatté quand ils m'ont réclamé un texte dans le cadre de la chronique "Le livre jamais lu." Ceci m'a permis d'avoir mon nom sur la page couverture.
Je crois que je leur ai offert un bon texte de qualité, dont je me sens toujours fier. Lord Durham était un homme haut placé dans le gouvernement de Londres, dépêché au Québec après les révolutions ratées de 1837-38 pour enquêter sur la situation de cette colonie et adresser des recommandations pour assimiler la population francophone du Canada à celle parlant anglais et se prosternant devant Londres. C'est un texte incontournable de l'histoire du 19e siècle, mais je ne l'ai jamais lu.
Quoi qu'il en soit, tout ce que Nuit Blanche a consacré à ma personne était excellent pour l'ego, mais n'a pas servi à mousser la vente de mes romans. D'ailleurs, au moment de la publication de ce texte, je n'étais plus associé à une maison d'éditions.
1. johnmarcel le 08-10-2018 à 11:11:04 (site)
C'est la revue "LIRE" ici en France qui publia une de mes contributions… on demandait notre avis sur le fait que Françoise Sagan s'était faite prendre avec du cannabis… qu'est-ce qu'on en pensait, tout ça, etc...
C'était un petit encart, pas grand-chose, m'enfin j'y étais !
2. chocoreve le 08-10-2018 à 11:59:38
Ah ! oui ... j'adore ton article !...
Mais, pas assez lisible à mon gout, car le texte est coupé sur la droite ... même en l'enregistrant sur mon pc et en l'agrandissant ...
3. Marioromans le 08-10-2018 à 22:31:36 (site)
Oui, je me suis rendu compte que des mots étaient coupés, à droite... Je me souviens surtout que ce texte était très travaillé, car la revue demandait une limite d'espace.
Max est gros, vieux et laid. Il fait peur au enfants! Mais plusieurs adorent le monsieur, sachant qu'il se montre généreux et gentil. Max est propriétaire d'une tabagie sur le chemin des écoliers et le lieu rayonne d'un comptoir à bonbons. Nous sommes en 1967 et voici l'amour de Max pour les petits. Un extrait de Quand on s'aime bien tous les deux.
« Monsieur, j’ai deux sous. Je veux des bonbons roses, parce que rose, c’est la couleur des filles.
- Je vois, mam’zelle. Regarde ceux-là. Tout à fait roses.
- J’en ai combien, pour deux sous?
- Quatre. »
Mademoiselle rose, sans doute pressée de consommer, trébuche en sortant et il n’existe plus de joie, de bonheur et de bonbons : que des larmes et des cris. Max se lance à son secours, la grimpe sur le comptoir, en l’assurant que ce n’est pas si grave, du moins jusqu’à ce qu’il se rende compte que la pauvresse a un genou qui saigne. L’homme se presse vers sa trousse de secours, dont il ne s’est pas servi depuis des années. Il se sent mal à l’aise de lui enrubanner la blessure, mais deux autres friandises, gratuites, font diminuer le torrent. Max la descend de son perchoir, lui demande de marcher un peu. « Tu vois? Plus de bobo. Par contre, tu diras à ta maman de regarder ça de près. » Quelques larmes rebelles persistent, mais la fillette, boitant exagérément, pousse la porte, après avoir remercié.
« Quand je vais raconter ça à Betty… Elle verra que j’aurais fait un bon père. » Il regarde les bonbons roses, en engloutit un, « Maintenant, je suis une fille. » Max ne pense pas alors que dès le lendemain, sa petite clientèle féminine allait doubler. L’homme sait que la vente de friandises au sou ne lui rapporte presque rien. Certains commerçants du même type refusent de se prêter à ce jeu. Par contre, Max aide à construire des souvenirs d’enfance. Il espère que bien après sa disparition, des vieux, dans un parc, parleront tendrement du lointain jour où ils achetaient deux sucreries pour un sou chez Max. Pour lui, chaque arrivée de petits vers le comptoir demeure un beau moment de sa matinée.
1. chocoreve le 07-10-2018 à 17:54:05
Ah oui ! Max a raison ... j'entends souvent les gens du village dire "tu te rappelles, quand on était gosses, les bonbons chez la mère Vilain" ...
J'adore la photo ...
2. Marioromans le 07-10-2018 à 17:59:06 (site)
J'avais moi-même un lieu semblable sur le chemin des petits écoliers.
3. johnmarcel le 10-10-2018 à 09:58:17 (site)
Moi aussi ! Moi aussi !
Un petit confiseur pas loin de chez mes grands-parents paternels, un autre pas plus grand non loin de chez mes grands-parents maternels… oh et un sur le chemin de l'école…
4. Marioromans le 11-10-2018 à 01:28:09 (site)
Total de trois. Chanceux !
L'idée m'est venue lors d'un salon du livre de ma ville, alors que je flânais, en attendant le début de ma séance de signature. Je regardais les produits d'un éditeur se spécialisant en science-fiction, je lisais les résumés, pensant soudainement que "Ce n'est pas possible de faire la même chose tout le temps." Il faut dire que je n'aime pas le genre, même au cinéma, pour la simple raison que l'être venu d'ailleurs est plus que souvent dangereux ou terrifiant.
M'installant à ma table, je réfléchissais à tout ça, décidant de créer un extra qui serait un poltron, mais aussi un être humain 'différent' et de grand coeur, venant d'une galaxie qui ne connaît pas la guerre ni les armes. Comme mes romans se déroulent presque tous dans le passé, j'ai décidé d'un croisement entre un personnage d'époque (1905) qui a des relations avec l'esprit de cet être échoué sur Terre et ayant la forme d'une lumière. Tout ça s'est précisé en deux jours et le troisième, un homme m'a donné son commentaire sur mon roman Gros-Nez le quêteux, assurant que le personnage féminin Grand-Regard était son favori. J'avais mon héroïne. Un plan établi, j'ai commencé la rédaction quelque temps plus tard et ce fut un grand plaisir d'écrire ce texte doux. Cependant, je ne suis pas gentil de vous présenter la presque finale, alors que Lumière est enfin secouru par les siens.
Grand-Regard examine le ciel en vain, marmonnant sans cesse « C’est impossible… C’est impossible… » Un peu plus tard, elle sursaute en voyant une lueur bleue, semblable à une étoile filante, qui grandit en approchant du sol, jusqu’au moment où cette teinte disparaisse au profit d’une mince couleur blanche. Il n’y a aucun bruit, mais un sifflement discret. La jeune femme, effrayée, marche rapidement vers les arbres, puis le temps de se retourner, elle voit, au sol, un type de maison métallique, carrée, aux fenêtres longues et minces, entourant l’objet. Soudain, ce qui tient lieu de porte s’ouvre et deux êtres apparaissent, grands comme des géants, vêtus d’un blanc étincelant, avec une aura de lumière tout autour de leurs corps. Grand-Regard se redresse, fait « Ooooo… », n’ayant jamais vu quoi que ce soit de plus fascinant. « On dirait des anges… »
Ils se penchent vers Lumière. L’un, qui semble être un homme, fait signe vers le vaisseau, d’où sort un objet de forme rectangulaire, transparent, sans que personne ne le pousse. Installée devant l’être, elle aspire non pas la terre où Lumière repose, mais simplement cette source lumineuse, qui, soudainement, remplit le contenant. Le duo regarde, pose quelques gestes que la Terrienne ne peut identifier. Alors, ils se tournent en direction de la jeune femme, puis avancent tout doucement, d’une façon telle qu’ils semblent flotter.
Grand-Regard distingue la femme, au visage plus fin, bien qu’elle ne porte pas de cheveux longs, ni de robe. L’homme fait signe à Grand-Regard d’approcher. Malgré les mots rassurants de Lumière, elle est remplie d’une crainte curieuse, mêlant la frousse et une douce attirance. Tout près, la jeune femme regarde vers le haut, pour que ses yeux atteignent ce visage, avec un sourire mince et tendre. La femme s’agenouille, pose sa main étrange sur l’épaule, baisse la tête, puis avance et donne un baiser sur la joue de Grand-Regard. L’homme fait aussitôt la même chose, pendant que sa compagne semble chercher ce que Grand-Regard devine. Tout de suite, la Terrienne court telle une gamine, pour leur apporter les dessins et le pot de confiture. Content, le duo hoche la tête, dessine des gestes près de leurs bouches. La jeune femme se souvient qu’ils ont signalé à Lumière leur désir de l’entendre chanter. Grand-Regard s’exécute nerveusement, fausse un peu, mais se reprend. Les deux êtres sourient, ravis, approchent pour de nouveau poser leurs longues mains sur ses épaules. Puis, ils font signe de les suivre. Grand-Regard réalise qu’en effet, ils ne marchent pas, même s’ils semblent avoir des pieds. Le cœur battant, les yeux humides de larmes, la demoiselle touche l’objet transparent, qui, aussitôt, s’illumine, comme si Lumière avait senti sa présence. Une autre fois, l’homme et la femme lui sourient avec une extrême gentillesse, comme témoignages de reconnaissance pour tout ce qu’elle a fait pour leur ami, suite à ce malencontreux accident. L’objet, aimanté, entre dans le vaisseau. Les deux êtres saluent, puis, avec leurs mains, lui demandent de reculer.
Alors, sans bruit, le vaisseau s’élève d’abord doucement, puis si rapidement que Grand-Regard n’a pas le temps de le voir dans le ciel. Elle s’affaisse, les yeux soudés à la voute. Il n’y a plus rien : plus de lune, d’étoiles, de joli ciel. Elle se lance vers le lieu où s’est posé cette maison volante. Aucune trace! Par contre, la terre où l’esprit de Lumière a été déposé est encore présente. Elle court vers la forêt, à la recherche de la boîte de transport et, avec ses mains, nerveusement, elle y dépose cette matière. Elle se couche près de l’objet, toujours les yeux vers l’infini.
1. anaflore le 02-10-2018 à 07:57:01 (site)
Je ne suis pas science fiction trop cartésienne
Bon mardi
2. Marioromans le 02-10-2018 à 08:24:37 (site)
Tu sais, ce n'est pas précisément de la science-fiction, malgré quelques éléments. C'est un roman avec des émotions, dont celui de la peur de ¨Lumière, mais aussi de l'humanité, comme en fait foi de ce passage où les deux êtres venus d'ailleurs se montrent gentils et reconnaissants envers la jeune femme de la Terre,
3. Maritxan le 07-10-2018 à 19:29:28 (site)
Je suis toujours aussi attirée par cette histoire. J'aime beaucoup ta façon de raconter. @+
4. Marioromans le 08-10-2018 à 22:34:22 (site)
Honnêtement, je suis déçu par tant de refus pour ce texte. Un manuscrit de 150 pages devient pourtant idéal pour une publication qui ne coûte pas une fortune et les éditeurs peuvent grossir les caractères, attirant ainsi un public plus âgé. (Sans blague, hein!) De plus, je pense que c'est une idée originale et un roman plutôt doux et plein de bons sentiments.
Si tu veux lire ce texte, t'as qu'à me faire signe.
La promotion d'un roman est l'affaire des maisons d'éditions et non de la mienne. Cependant, quand un texte est prêt, ces gens ont l'habitude de me les montrer. Il y en a certains que je n'ai jamais vus. Ce texte accompagnait le roman, distribué aux médias. J'avoue que c'est très bien et que cela résume de belle façon le roman en cause. Cliquez pour lire comme il faut.
Commentaires
1. johnmarcel le 09-10-2018 à 08:43:11 (site)
Les bonnes sœurs jouent un match ?
2. Marioromans le 09-10-2018 à 19:42:06 (site)
Ah, tu vois ? Cela t'a rendu curieux.