Un de mes personnages favoris de la saga Tremblay. Il apparaît dans quatre romans. Isidore est le prototype du "bon gars", malchanceux et maladroit, mais que tout le monde aime.
LA SPLENDEUR DES AFFREUX : Isidore est le premier enfant du couple Jenny et Étienne, et aussi le seul rejeton à avoir été épargné par l'épidémie de choléra de 1830. Surnommé Ti-Or, le garçon apparaît pas très futé... Mais il apprendra le violon sous les bons soins d'une amie de sa mère. Un événement marquera alors sa vie : il se fait ruer en plein visage par un cheval. Isidore gardera une haine et une méfiance certaine pour ces bêtes, que tous les hommes du 19e siècle adoraient.
EN ATTENDANT JOSEPH : Le roman où mon personnage est le plus en vedette. Marié à une femme extrêmement autoritaire et manipulatrice, "Zidore" se fait mener par le bout du nez par cette épouse envahissante, sauf quand vient le temps de choisir un prénom pour un de ses fils : elle désire que ce soit Joseph et il s'y oppose avec acharnement. C'est aussi dans ce roman que le talent de violoniste d'Isidore se manifeste. Il n'y en a pas un meilleur dans la région, si bien qu'il anime de nombreuses soirées avec ses gigues irlandaises. Progressivement, Isidore gagne en intelligence. Son patois est Torrieux, ce que n'apprécie pas du tout son épouse...
CE SERA FORMIDABLE : Il est le père du jeune Joseph. alors qu'il a l'âge d'être le grand-père de l'enfant. Veuf, Isidore vieillit et devient un peu aigri, mais avec une certaine sagesse dont Joseph prendra bonne note. Il chiale beaucoup parce que la société n'est plus "comme dans mon temps."
LE PETIT TRAIN DU BONHEUR : Isidore est ici un personnage de décor. Son petit-fils Roméo a très peur de lui, parce qu'il parle fort et crache son tabac pas toujours là où il faut. Isidore mourra à plus de 90 ans.
L'EXTRAIT : De En attendant Joseph, où Isidore change souvent d'emploi, tant à cause de ses maladresses que parce que son épouse exige qu'il gagne plus cher. Voici le jeune homme qui passe des moments de malchance.
Isidore n’est pas trop pressé de rentrer chez lui, ce soir-là. Après son épouse, le curé a poussé la porte de la boutique pour lui parler comme s’il était un petit enfant. Il a d’abord voulu discuter avec lui d’homme à homme, l’assurer qu’il demeure un mari fidèle, un homme travaillant fort afin d’avoir une maison pour le confort de sa famille, mais le prêtre lui a tout de suite fait la morale, lui a parlé de Dieu et des Anglais. « Pis je ne bois pas », a précisé le jeune Tremblay.
Isidore arrive très tard, un peu ivre. Juste au moment où il pensait qu’il ne buvait pas, le jeune homme a vu une taverne de la rue Notre-Dame, d’où un ami lui a fait de grands signes. « Un bon gobelet ne peut faire de mal à un gars après une journée de travail. » En le voyant ainsi, Émerentienne ferme sa porte, se barricade et lui ordonne de coucher ailleurs. « Certain que je vais coucher dans une autre maison! Isidore Tremblay n’a que des amis!» Cependant, un homme dans cet état n’est pas toujours le bienvenu, même chez les plus généreux. Dans la banlieue, il trouve une écurie qui lui semble hospitalière. Il fait fi de son aversion pour les chevaux et se fabrique un bon nid de paille en se répétant que son père a passé une partie de sa vie à coucher dans un lieu similaire et qu’il vaut mieux la compagnie d’un cheval que celle d’Émerentienne. Les deux bêtes le font lever tôt. Isidore sort, fourbu, puis se dirige vers sa maison, avec l’intention de se raser. Son épouse ne veut pas le faire entrer. À son arrivée au magasin, son patron refuse de le laisser paraître aussi négligé en public.
« Ouvre, Rentienne! Je vais perdre mon poste si je ne me rase pas et si je ne m’habille pas proprement!
- C’était à toi d’y penser avant.
- Torrieux! Ce n’est pas des histoires, que je te raconte!
- Qu’est-ce que je viens d’entendre?
- Torrieux de charrette, Rentienne!
- C’en est trop, Isidore Tremblay! »
Le voisin consent à lui prêter son rasoir et une chemise. Isidore retourne rapidement à la boutique, où un client s’est plaint au patron que le commis ne lui a pas remis la monnaie exacte, lors d’une transaction de la veille. Voilà le jeune Tremblay enseveli sous les reproches de son supérieur. Isidore garde sa tête baissée.
« Ça va mal à la maison avec ma femme, monsieur, pis…
- Ce qui se passe chez toi ne me regarde pas. Travaille!
- Oui, patron.
- Balaie le plancher. Et après, tu prendras mon cheval et la voiture et tu iras chercher un colis au magasin général de Champlain. La poste l’a laissé là par erreur.
- Et c’est pour m’envoyer ailleurs que vous m’avez fait raser?
- C’en est trop, Isidore Tremblay! »
LES FREAKS
RÉSUMÉ :
Un écrivain et dramaturge rencontre un nain qui, comme lui, est fasciné par l’univers forain du 19e siècle, surtout les spectacles des curiosités humaines sous tentes. Ils décident d’écrire une pièce de théâtre sur ce sujet, ayant recours à des comédiens amateurs avec certaines des particularités physiques de ces êtres du monde du spectacle d’autrefois. Le projet devait être une pièce amateur présentée à quelques reprises dans une région, mais des spectateurs, outrés de l’utilisation de personnes handicapées comme comédiens et du langage, portent plainte, si bien que les médias sont attirés par la page à sensation que représente cette pièce. Les comédiens, dans leur propre existence, vivent le drame raconté par la pièce.
CARACTÉRISTIQUES :
Un court roman (autour de 150 pages) sur la bêtise de la rectitude politique. On y croise des éléments de comédie et une forte dose de cynisme et de critique sociale.
Pendant un peu plus d'une centaine d'années, la famille Rouette, pomiculteurs de la Pointe-du-Lac, à l'ouest de Trois-Rivières, s'est fait un devoir d'offrir leurs pommes à la population de la ville, surtout aux enfants! Un rendez-vous à ne pas manquer pour le romancier que je suis, car la péniche transportant les fruits et surnommée Le bateau de pommes, est présente dès le premier quart du 19e siècle, dans La splendeur des affreux. Autres rendez-vous dans En attendant Joseph, Ce sera formidable, Petit Train, et même en guise de souvenir dans les romans suivants de la série Tremblay. Ah, ne pas oublier que le texte inédit publié dans un collectif de Québec-Loisirs, portait le titre de Jeanne, la princesse des pommes. La photo ci-haut présente bel et bien le bateau de pommes des Rouette. Un extrait de Petit Train.
La famille longe le quai afin de se rendre au bateau de pommes des Rouette où Roméo sera récompensé du grand service qu’il vient de rendre à son père, l’empêchant de dépenser pour de la viande avariée. « Des pommes autant que tu voudras, mon garçon! » Roméo n’en désire pas des poches entières. La seule visite de cette péniche blanchie à la chaux lui suffit pour combler sa journée.
En mettant le pied dans l’embarcation, il se croit grand capitaine d’un de ces cargos qu’il aime tant voir de la terrasse Turcotte, passant sur le fleuve Saint-Laurent pour se rendre vers une lointaine et mystérieuse destination.
Des caisses et des caisses de charmantes pommes rouges tiennent en place, malgré le ballottement de la vague frappant la coquille de la péniche. La saine odeur des fruits frais triomphe de la vapeur d’huile émanant des antiques remorqueurs qui la voisinent.
Le vieux Thomas Rouette serre la pince à Joseph. Ses fils Xavier et Trefflé font signe à Roméo de les suivre pour qu’il puisse choisir parmi les pommes les plus juteuses, que les garçons ont cueillies ce matin même dans leur verger de la Pointe-du-Lac. Cent fois, Joseph a raconté à Roméo que lorsqu’il était enfant, son père Isidore l’emmenait acheter des pommes sur la péniche des Rouette et que ce même Isidore, tout jeune, suivait son papa Étienne le Bossu et sa mère Jenny l’Irlandaise vers le bateau de pommes.
Assis sur le bord du quai, regardant les Rouette recevoir aimablement d’autres clients, Roméo se délecte autant de sa pomme que de cette belle histoire aussi ancienne que Trois-Rivières. Joseph la termine toujours de la même façon, un pur enchantement pour l’enfant rêveur : « Un jour, tu grandiras et tu prendras épouse. Vous aurez de nombreux enfants et je veux que tu me promettes de venir ici avec eux acheter des pommes du bateau des Rouette. » Roméo sourit, promet, puis croque à nouveau.
J'ai participé cinq fois au salon du livre de l'Outaouais (1999 à 2003) et j'aurais pu y retourner à d'autres occasions. C'est un salon très agréable, dans un lieu avec beaucoup d'espace, puis le public est gentil et... acheteur! J'y ai vendu 170 romans. Divisez par cinq et c'est une moyenne davantage appréciable qu'à Montréal et Québec. Les gens posent des questions. On sent qu'ils s'intéressent à la lecture.
Le salon a lieu dans la ville de Hull, dans un endroit accessible. C'est à trois heures de route de chez moi. De plus, à quatre occasions, j'ai couché dans une chambre louée par deux dames âgées et sympathiques. Vous parlerais-je de ce restaurant marocain où les jeunes commis tournaient les pâtes tout en chantant?
J'ai gardé de bons souvenirs de chaque visite.. Il y en a des précieux. En voici une. En 2000, une femme approche et me raconte comme elle avait aimé Petit Train, me citant ses passages favoris. Alors, en toute logique, je croyais qu'elle allait acheter Perles et chapelet ou L'Héritage de Jeanne. Mais non : une autre copie de Petit Train. Je dis : "Vous l'aviez emprunté à la bibliothèque et vous voulez une copie bien à vous." Pas du tout. Elle m'assure l'avoir acheté en 1999. Puis elle me raconte : "J'avais placé votre roman tout en bas de mon étagère et mon chien a pissé dessus. Tout brisé. Alors, il me faut un nouveau livre." Je lui tends le roman et elle réclame une dédicace. Je demande le nom de son chien, et, bien sûr, le roman a été dédié au pitou. Elle a éclaté de rire. Comment oublier un tel truc ?
1. blogueuse42 le 07-06-2018 à 11:40:37 (site)
bonjour Mario
ah c'est sûr ! tu dois en avoir des anecdotes à raconter!! c'est super tout cela!!!
merci pour celle ci, elle était bien sympathique!
et bravo pour ton succès littéraire!
bonne journée
bises
annie
2. MarioMusique le 07-06-2018 à 17:57:47 (site)
Oui, il y a beaucoup d'anecdotes, dont certaines... pas très agréables.
Des gens qui aiment la musique, il y en a partout, dans mes romans! Je vous offre surtout des personnages qui sont des musiciens.
LES SECRETS BIEN GARDÉS : Nous sommes au 17e siècle en Nouvelle-France et Gaspard se présente comme le plus médiocre troubadour de tous les temps. Cependant, il se débrouille honorablement avec un luth et joue aussi diverses petites flûtes.
EN ATTENDANT JOSEPH : Isidore a appris le violon via une amie de sa mère, dans le roman La splendeur des affreux. Devenu adulte, Isidore joue les gigues irlandaises comme aucun autre et est très apprécié, lors de veillées familiales. Malheureusement, il cessera toute activité après avoir perdu un doigt dans un camp de bûcherons. Deux de ses filles jouent du piano. Nous étions au 19e siècle.
PERLES ET CHAPELET : Au cours des années 1920, Sweetie est une incomparable pianiste de salle de cinéma muet, spécialiste du ragtime et du jazz naissant. On retrouve Sweetie dans Le destin de Jeanne, improvisant du jazz dans des cafés de Paris, en compagnie de Noirs américains réfugiés.
L'HÉRITAGE DE JEANNE : Gaston Tremblay, fils de Roméo, est un adolescent doué pour la trompette.
LES FLEURS DE LYSE : Les Indésirables est le groupe de rock le plus tapageur des années 1960, mais ils arriveront à enregistrer trois 45 tours. Dans la seconde partie du roman, un des personnages devient chanteuse d'un groupe folklorique du nom de Ah Ben Coudon.
LES INNOCENTES EN ENFER : Roman inspiré des véritables Shaggs, considéré comme le plus mauvais groupe de tous les temps.
LE ROSSIGNOL DES VUES ANIMÉES : L'adolescente Ninon est une prodigieuse chanteuse soprano, qui ravit le public assistant aux projections de vues animées. Nous sommes au début du 20e siècle.
LES BONNES SOEURS : La religieuse Véronique-du-Crucifix enseigne le solfège dans un couvent, dirige une chorale, puis joue de l'orgue et du piano.
LOUIS ROY : MON ESPOIR, MA VIE, MA CARRIÈRE. Le pianiste et chanteur de charme Louis est un roi des palmarès québécois de 1958 à 1964. La suite de sa carrière sera difficile, mais avec la décennie 1990, il retrouve le succès comme musicien de jazz léger.
LES BAVEUX : Nous voilà au cours des années 70 et les grands amis dits Baveux décident, sur un coup de tête, de former un groupe de rock du même nom, même si un seul des membres est légèrement doué pour la musique. Par contre, leur chanteuse est formidable, même si elle rencontre un mal fou pour se souvenir des paroles des couplets (Pour les refrains, ça va!). Malgré la médiocrité du groupe, les Baveux vont se produire en public, surtout dans les entractes de spectacles de groupes amateurs.
L'EXTRAIT : Des Fleurs de Lyse. À l'origine, le groupe des cousins Tremblay est instrumental et porte le nom de Les Sandales. Transportés par la vague Beatles, il faut maintenant chanter, tâche accordée à cet ours mal léché de Baraque Bordeleau. Entre les Sandales et cette nouvelle optique, le groupe se présente sous divers vocables. Voici de quelle façon ils ont choisi Les Indésirables.
Je ne sais pas tout ce que Baraque peut raconter aux filles, mais je pense qu’avec son physique costaud, sa coiffure et ses excès, il représente un danger agréable à frôler. Il m’a déjà expliqué, en deux heures, qu’au cinéma, les filles finissent toujours par éprouver de la sympathie pour les truands. Sa rencontre avec le petit homme chauve laisse présager le pire, mais Baraque lui répond poliment, lui jure qu’il n’a qu’une parole, puis crache dans sa main droite avant de la tendre à l’homme.
« Heu... oui. Je te crois. J’ai confiance en la jeunesse.
- Merci, m’sieur.
- J’aime la jeunesse. Tu comprends, ce n’est pas en vendant des chips que je vais remplir mon tiroir-caisse cet après-midi. J’ouvre quand même mon club aux jeunes parce que je sais qu’ils ont besoin de bonnes distractions.
- Oué. Vous en avez beaucoup de chips à vendre ? »
Rien ne change : ni la furie de Mike, ni les cris de Baraque, ni la guitare folle de Charles. Le public, d’abord étonné, demeure froid au cours de la première demi-heure. Après, les gens commencent à réagir et dansent avec énergie, criant librement leur joie. C’est à ce moment que Baraque décide de présenter la nouvelle danse à la mode, inspirée par notre interprétation de Mashed Potato Time, transformée par Baraque en Mashed Potato Chips Time. Il suffit de faire tourner les pieds, de jeter des chips et de les écraser. Tu parles qu’il les a tous vendus, ses chips, le petit homme chauve ! Les sacs vides volaient aux quatre coins de la salle et les jeunes se sont mis à glisser sur les chips, à se les lancer, à les mettre dans les pantalons des gars et sous les chandails des filles, alors que Charles jouait un Misirlou du diable et que Baraque était grimpé sur la colonne de son à se tirer les cheveux ! Comme le fusible est une invention étrange...
« Vous êtes des menteurs ! Des mals élevés et des hypocrites !
- Mais, monsieur, cette danse a pourtant du succès partout où nous la présentons et…
- Ne joue pas au plus fin avec moi, petit menteur ! Et où il est, votre grand fou ?
- Parti magasiner, je crois.
- Allez le chercher que je lui parle entre les deux yeux à cet évadé de clinique psychiatrique ! Ah, vous allez voir que je ne suis pas n’importe qui ! Je suis conseiller municipal, moi ! Je connais tout le monde, moi ! J’ai des contacts, moi ! Vous ne jouerez plus dans aucune salle de la Mauricie, je vous le jure ! Vous êtes des indésirables ! Tous des indésirables ! Toi, t’es un indésirable ! Toi aussi ! Et toi ! Et toi aussi, t’es un indésirable ! Votre chanteur est le pire des indésirables ! Vous êtes tous des indésirables ! »
Après nous être si violemment fait pointer du doigt chacun notre tour, nous nous regardons en silence en sachant que cet homme extraordinaire venait de nous donner ce que nous cherchions depuis deux mois : un nom pour le groupe. Les Indésirables.
Commentaires
1. Maritxan le 19-06-2018 à 11:37:47 (site)
Toujours très intéressant. À force de lire tes billets, j'ai fini par aimer tes personnages... c'est pas beau ça ?
@+
2. Marioromans le 19-06-2018 à 17:41:07 (site)
Dans les salons du livre, les gens me parlaient des personnages et pas tellement de l'histoire des livres. C'est normal, car je pense aux personnages avant d'élaborer des histoires. J'ai quelques témoignages de ceci.
Merci! C'est encourageant. Un véritable désert, ici...